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La christité
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  • Ce blog contient les conférences et sessions animées par Jean-Marie Martin. Prêtre, théologien et philosophe, il connaît en profondeur les œuvres de saint Jean, de saint Paul et des gnostiques chrétiens du IIe siècle qu’il a passé sa vie à méditer.
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13 juin 2015

JEAN 2. NOCES DE CANA. Chapitre IV : Parcours du texte (v. 1-10)

Instruits par le travail fait dans les trois rencontres précédentes, dans cette dernière rencontre du week-end, nous pouvons parcourir l'ensemble du texte sans errer, mais en découvrant et faisant nôtres toutes les richesses qu'il recèle : question de temps, d'historicité, le rôle de la mère de Jésus, le thème de l'heure, l'eau des jarres et le bon vin !

 

Chapitre IV

Parcours du texte (v. 1-10)

 

 

1) Questions de temps (v. 1a).

« 1Le troisième jour, fut une noce à Cana de Galilée. »

a) Le troisième jour.

Ce texte commence par : « le troisième jour ». J'ai déjà indiqué que lieu et temps sont signifiants de l'essentiel qui est la résurrection. Et « le troisième jour » est le mot de la résurrection. Que signifie ce troisième jour, et pourquoi trois jours ? Ce sont des questions que je ne veux pas du tout envisager maintenant, mais je remarque que « est ressuscité le troisième jour » est précieusement gardé dans notre Credo, et donc qu’il a probablement une signification. En tout cas c'est l'indice que, dès le début de notre texte, nous sommes dans la pensée de la résurrection, de la manifestation de la gloire, même si nous ne le savions pas. Y revenant maintenant, nous en trouvons la confirmation.

b) Le septième jour.

Par ailleurs une autre référence joue à propos de ce troisième jour. En effet ce que nous venons de lire avec les Noces de Cana clôt tout ce qui est commencé depuis le début de l'évangile de Jean.

Nous avons dit que le Prologue n'était pas vraiment un prologue, car dès le début tout est dans le Baptême du Christ. Et nous avons montré l'extrême liaison qu'il y a entre le Baptême du Christ et les Noces de Cana. Je vais montrer maintenant que ce troisième jour est en fait le septième jour. Je souligne d'abord l'intérêt de cette remarque. Nous avons en effet dans ce texte le passage du six au sept, et nous sommes invités à penser les six jarres par rapport à la nouveauté christique qui est l'avènement du septième jour, c'est-à-dire l'avènement du dernier jour dans lequel nous sommes. On voit par là le côté radicalement initial de ce texte. Cela ne répond pas complètement à la question de savoir pourquoi saint Jean pose le texte des Noces de Cana au début. Cependant, ce qui est clair, c'est que cet épisode est traité dans la signification fondamentale de l'initial.

 Il y a sans doute un jour qui commence au verset 19 du premier chapitre puisque nous lisons : "Le lendemain" (v. 29), cela fait deux jours ; "Le lendemain" (v. 35), cela fait trois jours ; "Le lendemain" (v. 43), cela fait quatre jours ; et « le troisième jour » (au début des noces de Cana) donc trois jours après, c'est le septième jour. Autrement dit, il est tout à fait attesté que les premiers versets de ce que nous appelons le Prologue (« Dans l'arkhê était la parole… la parole était près de Dieu… en elle était la vie… ») sont une lecture attentive, un commentaire de la Genèse : « La Parole dit : “Lumière soit”, et la lumière fut » Tout est construit sur le septénaire jusqu'au moment où commence la descente de Jésus de Cana à Capharnaüm (Jn 2, 12). C'est un premier ensemble, un premier mouvement, qui va jusqu'à la résurrection et qui est articulé par les sept jours.

 

2) Questions d'historicité. La mémoire apostolique.

Je resitue rapidement la perspective du texte. Nous avons dit que c'était la manifestation de la gloire qui est dite en clair au verset 11. Il est certain que ce verset 11, Jean ne l'aurait pas écrit au soir de la noce. Il est écrit après la résurrection et à partir de la résurrection, et il est lu comme manifestation de la gloire. Les disciples ont aperçu une dimension de résurrection, une dimension de gloire en Jésus, mais en aucune façon on ne peut conjecturer qu'ils l'auraient énoncée telle qu'elle est écrite dans le verset 11.

Il faut bien savoir que tous les textes d'évangile sont une mémoire reprise, une mémoire relue. Nous avons ici, et c'est heureux, la mémoire de quelque chose qu'ils ont effectivement aperçu. Mais en d'autres cas plus radicaux et plus significatifs, ils racontent précisément ce qu'ils n'ont pas vu et ce qu'ils n'ont pas entendu, c'est-à-dire qu'ils racontent la dimension qu'ils ont manquée. Ils l'attestent eux-mêmes quand ils disent : « Ils ne comprirent pas alors » (d'après Jn 12, 7).

Voyez bien quelle est la structure de l'évangile. Il n'est pas une suite de chroniques, encore moins une biographie ou une tentative de restitution de ce qui s'est passé à la façon dont un historien peut le conjecturer. C'est véritablement la prise en plénitude de ce qu'ils avaient aperçu ou même qu'ils n'avaient pas aperçu du tout (qu'ils ont manqué). Il importe donc de retirer ce texte d'une conception de l'histoire telle que la nôtre, non  par défaut, parce qu'ils n'auraient pas été capables d'être d’aussi éminents historiens que nous le sommes, mais parce que cela ne les intéresse pas du tout, ce n'est pas cela qu'ils ont à annoncer. Or effectivement, la plus grande part de notre relation à Dieu, et donc de notre relation au Christ, et de la leur, est une part qui échappe à la conscience.

Nous avons donc affaire ici en premier lieu à une relecture, qui est de ressaisir à travers des fragments de mémoire (en notre sens) ce qui a été manqué à vivre, ce qui n'a pas été perçu en plénitude. Ce qui est intéressant à annoncer, ce n'est pas ce qui a été manqué en tant que tel, mais c'est très précisément ce qui était, sans qu'ils le sachent. Ceci introduit la dimension de mémoire.

Dans ce que je vais dire maintenant, il y a quelque chose qui est vrai même au niveau banal de notre rapport au temps, et qui est encore plus profond lorsqu'il s'agit de cette mise en cause du temps mortel qu'est l'Évangile. Ce qui a déjà sens, c'est qu'un événement n'a pas lieu comme un fait brut une fois. Un événement est quelque chose qui s'ouvre et qui ouvre, c'est quelque chose en quoi ou à partir de quoi on vit, c'est quelque chose que l'on relit, que l'on remémore, et la relecture fait partie essentielle de l'événement. Je disais hier qu'un événement a de l'altérité en lui, ce n'est pas le fait brut compact. Par exemple je disais qu'il y a la différence des protagonistes et des témoins qui constitue donc déjà une multiple altérité. Mais il y a aussi une altérité dans cet autre autrui qu'est le temps, c'est-à-dire dans la dimension du temps. Ce que nous sommes tentés d'appeler un fait ne prend fonction d'événement qu'à la mesure précisément où l'altérité du temps l'altère, mais dans le bon sens du terme, c'est-à-dire que cet altérité du temps fait qu'il est mieux lu à distance qu'il ne l'était dans le moment initial ou immédiat.

Vous vous rendez compte que, dans la lecture que je fais, j'ai quitté l'attitude de celui qui essaie de conjecturer psychologiquement, ou celle de l'historien qui recherche la vraisemblance des faits. Je questionne la thématique johannique. Ce qui est important n'est pas ce qui a bien pu se passer, mais ce que Jean dit qu'il s'est passé. Notre seul accès à l'événement est la parole de celui qui en témoigne. Ainsi faut-il insister à nouveau sur l'écoute de la Parole et non pas sur des conjectures de ce qui aurait pu être. En ceci, j'introduis non seulement à cet épisode, mais à la lecture de Jean, en soulignant une attitude de principe dans le mode de lire.

 

3) Le rôle de la mère de Jésus (v. 1b – 4a).

Noces de Cana, N D de Lourdes Nancy« Était là la mère de Jésus. 2Fut invité (appelé) Jésus et ses disciples à la noce. 3Et le vin venant à manquer, la mère de Jésus lui dit : “Ils n'ont pas de vin”. 4Jésus lui dit : “Quoi, à moi et à toi, femme, mon heure n'est pas encore présente”. 5Sa mère dit aux serviteurs : “Quoi qu'il vous dise, faites”. »

a) Marie mère de l'écoute (Jn 19, 25-27).

Nous sommes à nouveau dans le souci de lire finalement ce que Jean, à terme, fait de Marie, et cela il le fait précisément parce qu'il y a les versets 26-27 du chapitre 19. Je rappelle ce que nous avons déjà suggéré, à savoir que c'est de façon tout à fait intentionnelle que nous avons cette double mention de Marie : aux Noces de Cana, dans l'arkhê (au principe) ; et puis à la croix, dans l'accomplissement. Autrement dit, la position symétrique des deux épisodes invite à interpréter l'un par l'autre.

« 25Se tenaient près de la croix de Jésus sa mère, et la sœur de sa mère, Marie de Cléopas  et Marie de Magdala. 26Jésus donc, voyant la mère et se tenant auprès, le disciple qu'il aimait, dit à la mère : "Femme voici ton fils". 27Ensuite il dit au disciple : "Voici ta mère". Et à partir de cette heure le disciple la prit (la reçut) dans son propre. »

Ce texte marque donc la volonté de manifester Marie comme mère du disciple, et donc mère de l'écoute, mère de l'entendre dont nous avons marqué l'importance décisive.

Elle est l'écoutante. Elle est celle qui entend même la parole muette de l'événement, et même, précisément, le manque dans l'événement : « ils n'ont pas de vin ». Nous restons du reste dans la symbolique de l'entendre puisque l'eau et le vin sont aussi des symboles de la parole.

b) La détection du manque.

1/ Rapport du manque et du plein.

Marie détecte le manque. Or détecter le manque c'est ce qui fait place pour recevoir le don, car dans l'Évangile ce qui est plein n'a pas la capacité de recevoir.

Marie détecte le manque, et c'est très important. En effet le manque qui ne se détecte pas est peut-être moins douloureux, puisqu'on ne sait pas que ça manque, mais c'est le manque pire, parce que, s’il n’est pas connu (ou reconnu), il n'y a pas place pour que l'emplissement advienne. C'est pourquoi, si la question du manque est importante, il faut néanmoins voir que le manque est positif précisément en tant que reconnu, en tant qu'avoué.

 Ce qui est le pire par rapport au manque, je ne sais pas si c'est le déni ou le dépit – le déni c'est : « je ne manque de rien » ; le dépit c'est : « Oui, je manque, mais qui est le responsable, quelle est la cause, d'où ça vient ? C'est injuste », c'est-à-dire que c'est une façon dépitée de reconnaître.

Confesser le manque est donc la chose absolument essentielle, mais confesser signifie premièrement n'être pas dans le déni, donc reconnaître ; et deuxièmement n’être pas dans le dépit, donc reconnaître de la bonne manière.

2/ Révéler le manque.

Par ailleurs il y a une façon de convaincre quelqu'un du manque – « je vous assure que vous manquez de ceci ou de cela » –, qui ne fait que renforcer le déni ou alors qui donne lieu à dépit parce que je suis dans un acte d'accusation. La parole authentique qui révèle le manque – et on peut dire aussi bien : qui révèle le péché – est une parole qui n'accuse pas. Parler de péché comme un moraliste c'est renforcer le péché, car c'est susciter, ou le déni, ou la reconnaissance avec dépit. Le discours sur le péché qui n'est pas prononcé à partir du pardon et dans la lumière du pardon est un discours meurtrier. Et ceci est au cœur de l'Évangile.

 Bien sûr, il est facile de dire « je pardonne » si ce sont seulement des mots que j'énonce. Mais ce n'est pas facile si je le prends dans une authentique lumière, dans une attitude qui atteste effectivement que je ne suis pas en train d'exclure, de condamner, ni même de moraliser. C'est la grande pensée de Paul, mais malheureusement on ne le lit pas beaucoup chez lui, c'est pourtant sa pensée essentielle : la loi comme loi augmente le péché, la loi ne sauve pas. Nul n'est sauvé par l'observance de la loi. C'est la donation, le don, et la forme supérieure du don qu'est le pardon, qui sauve.

3/ Le manque fondamental.

Je suis passé ici du thème du manque au thème du péché. Je ne dis pas que ces deux thèmes s'égalent exactement, mais ils appartiennent à cette déficience fondamentale. Par ailleurs ce thème se trouve aussi dans les Synoptiques.

La satisfaction posée en elle-même c'est la certitude d'être plein, la certitude d'être suffisant, et tout homme a besoin de suffisance. Mais le thème de Paul est que notre suffisance est dans le Christ. Nous avons notre suffisance dans une pendance, dans une bienheureuse dépendance.

Les traits fondamentaux de la carence, du manque ont été très étudiés par les premiers commentateurs de Jean et de Paul au IIe siècle, par des auteurs apparemment mineurs, mais qui sont en fait de toute première importance.

Au fond, l'insuffisance fondamentale est d'avoir à mourir. Mais l'avoir-à-mourir a de la connivence avec l'être-meurtrier. En effet, dans la Bible, on médite la signification de la mort à partir de la figure de la première mort, qui est la mort archétypique. Or la première mort est un meurtre et même un fratricide, c'est l'homicide d'Abel par Caïn. C'est de l'ordre de la fratrie et c'est natif. C'est pourquoi, le dépassement de la mort par la résurrection, et le dépassement du meurtre, c'est-à-dire de la haine (de la jalousie, de la rivalité, de l'inutile compétition) par l'agapê, c'est la même chose.

Tout le monde sait que l'Évangile dit : « Jésus est ressuscité », qui est un événement, et que par ailleurs dans la morale, il dit aussi : « Aimez-vous les uns les autres », deux choses tout à fait différentes. Mais pas du tout ! Ce n'est ni de l'anecdote, ni de la morale, c'est une seule et même chose. Le dépassement de la mort et le dépassement du meurtre (de la haine, de l'exclusion), c'est une unique chose. C'est pourquoi l'annonce de la vie neuve, nouvelle et éternelle, et l'annonce de l'agapê, c'est la même chose. Nous sommes ici au cœur.

D'où l'importance du manque, et des modes de penser le manque : le mode de l'oublier par le déni, ou de l'accueillir avec dépit qui redouble la frustration ; ou au contraire le mode de le confesser, de l'accueillir dans la lumière du dépassement, dans la lumière de la résurrection.

4/ Un des noms du manque : être aveugle.

Vous avez peut-être l'impression que je suis très loin du texte, et pourtant c'est le mot manque (hustérêma en grec) et le verbe manquer (hustéreïn) qui ont été assumés par les premiers penseurs du IIe siècle (alors que ce mot n'est pas fréquent dans l'évangile) pour désigner le manque fondamental que je viens d'évoquer. La même chose est assumée aussi selon d'autres références. Je vais en donner un exemple.

La première chose pour entendre c'est d'être attentif, de prêter attention, c'est de percevoir de la bonne manière, c'est-à-dire laisser venir ce qui est, et le laisser venir non pas du tout dans le dépit, mais comme quelque chose qui ouvre à du possible, à de l'insu, étant donné précisément que prétendre être plein empêche de recevoir.

Ainsi au chapitre 9, verset 39 : « Je suis venu pour ce jugement, que les aveugles deviennent voyants, et que les voyants deviennent aveugles ». Voilà un des noms du manque : être aveugle. C'est une façon dont peut s'éprouver le manque. Alors cette phrase peut paraître bizarre : que Jésus soit venu « pour que les aveugles voient », on veut bien le croire, mais comment entendre « pour que les voyants deviennent aveugles » ? Il faut comprendre qu'il est venu pour manifester, à propos des prétendus voyants, qu'ils sont de toujours déjà aveugles précisément en tant qu'ils prétendent être voyants. C'est la prétention à voir qui joue en aggravé ici. Et c'est ce qui est déjà joué d'une certaine manière par Nicodème, qui dit en arrivant : « nous savons ». Or il y a une façon de dire « nous savons » qui interdit à jamais de savoir, et ceci à l'intérieur même de la foi, bien sûr.

c) Le rapport de Jésus à sa mère (v. 4a).

À propos de Marie nous avons déjà évoqué la difficulté de l'emploi du mot "femme" par Jésus vis-à-vis de sa mère. C'est au verset 4 : « Jésus lui dit : “Quoi à moi et à toi, femme ?” ». Comme nous l'avons dit, le mot de "femme" n'est pas ici un mot péjoratif. La difficulté n'est pas là, même si cela joue peut-être un certain rôle dans notre impression de dureté dans le texte. Cependant il y a une certaine dureté dans le texte qui est plus marquée par le : « quoi à moi et à toi ». La tentation serait d'entendre : « qu'est-ce que cela te fait aussi bien à toi qu'à moi ? ». En fait ce n'est pas le sens, car c'est la traduction plus ou moins heureuse en grec d'une expression hébraïque.

Nous trouvons cette même expression à un autre moment, mais pas chez saint Jean, elle marque véritablement de la différence et de la dureté. C'est chez saint Marc, où il s'agit d'une parole adressée par les esprits mauvais à Jésus : « Et aussitôt était dans la synagogue un homme habité par un esprit impur et qui s'écria disant : “Quoi à nous et à toi, Jésus de Nazareth, tu es venu pour nous détruire. Je sais qui tu es : le consacré de Dieu” » (Mc 1, 23).

La distance prise par Jésus vis-à-vis de Marie est celle qui est nécessaire pour que se révèle la nouvelle et authentique proximité de Jésus et de Marie. Se défait, se dénoue, une distance de mère et fils au sens banal du terme, pour que s'ouvre une proximité qui est précisément la haute proximité de l'écoute, la haute proximité du disciple. Être disciple est quelque chose qui a l'air de sub-ordonner bien sûr, mais cette haute subordination est au-dessus de toutes les suffisances. C'est un titre que d'être agréé écoutant, et c'est un bonheur que de savoir entendre.

Dans les Synoptiques : « On lui dit : “Ta mère et tes frères sont dehors, et ils désirent te voir”. Mais il répondit: “Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu” » (Luc 8, 20-21), disant cela il fait le suprême éloge de Marie. En effet le plus authentique de Marie est d'être celle-ci : l'écoutante. 

 

4) Le thème de l'heure (v. 4b).

Nous arrivons à : « mon heure n'est pas encore venue ».

a) Questions sur la venue de l'heure.

« Mon heure n'est pas encore venue » c'est l'indice de ce que quelque chose d'essentiel, de décisif, d'initial, se joue ici. Car, entre ce point-là et « il manifesta sa gloire » à la fin du texte, entre-temps, l'heure est venue. Cela veut dire que la résurrection a lieu à l'intérieur du texte. Donc l'heure n'est pas encore venue au début de l'épisode, mais la fin de l'épisode est l'accomplissement même de l'heure. Bien sûr le festin eschatologique, c'est l'heure pleinement accomplie.

Celui qui ne confesse pas son manque ne peut en aucune façon être empli, puisqu'il se considère comme empli déjà, donc la perception du manque est le commencement même de cet accomplissement qui va jusqu'à l'eschatologie. Nous sommes ici dans un processus qui conduit du manque à l'accomplissement de la plénitude, parce que c'est vraiment plein et abondant, l'abondance étant un trait de la messianité eschatologique. Il faut voir que chaque épisode de Jean récite la totalité.

b) Vie et mort dans l'Évangile.

Qu'est-ce que la résurrection, sinon le commencement de tout, mais ce commencement est le dévoilement de ce qui était en secret. Jésus a de toujours la dimension de résurrection en lui. Quand cette dimension se manifeste c'est déjà l'heure, c'est-à-dire que Jésus entre dans la mort, accepte d'entrer dans la mort. Sa mort n'est pas celle d'un moment. « Vient l'heure et c'est maintenant » intervient très souvent[1]. Et l'heure intervient particulièrement dans des moments de trouble[2]. C'est l'heure quand Judas le quitte, qu'il sort dehors (cf Jn 13), c'est même un moment éminent de la mort de Jésus ; c'est l'heure lorsque Pierre le renie, etc.

Ces différents moments sont très importants, parce qu'ils correspondent à quelque chose de notre propre vie, bien que nous n'y pensions jamais, à savoir que la mort n'est pas pour demain : nous sommes dans la mort. Notre avoir-à-mourir s'accomplit depuis le moment de notre naissance.

Je viens de parler de la mort christique et de notre mort, mais il faut bien savoir que la mort se laisse lire de deux façons dans l'Évangile. La différence entre la vie et la mort n'est pas celle d'un maintenant qui serait la vie et d'un demain qui serait la mort. Justement c'est au contraire la différence d'un maintenant qui est la mort à un maintenant qui est la vie. « Nous avons été transférés – cela se dit au passé – de la mort à la vie » (1 Jn 3, 14). Nous sommes morts, ayant toujours à mourir. Autrement dit, ce qui est appelé mort ici c'est la vie mortelle, et ce qui est appelé vie c'est paradoxalement la mort vivifiante.

Il n'y a pas deux termes, la mort et la vie, qui seraient comme deux moments différents chronologiquement, mais il y a quatre termes : il y a la vie mortelle (et meurtrière) et la mort mortelle ; il y a la vie vivifiante et la mort vivifiante. Autrement dit, la vie éternelle est le fait de constamment acquiescer à notre mort, c'est l'acquiescement constant à notre mort. Et c'est, d'une certaine façon, une chose impossible. Sachez bien que la mort du Christ n'est pas premièrement un exemple pour notre mort. La mort du Christ accomplit notre mort. Le Christ n'est pas premièrement un exemple. Il est d'abord celui qui accomplit ce qu'il dit.

c) Le Christ et nous. L'Un et les multiples.

Le fait que la mort du Christ accomplit notre mort signifie que nous ne sommes pas clos comme des individus autosuffisants et que le Christ est quelque chose de nous. Il n'est pas "quelqu'un" de nous, mais les mots de personne et chose sont aussi mauvais l'un que l'autre. La christité est cela en nous que notre je psychologique n'égale pas. Et l'Ekklêsia dans le grand sens du terme, c'est-à-dire l'humanité convoquée, est la féminité de l'unique masculinité qui constitue l'Homme qui est Jésus. Donc nous ne sommes pas un éparpillement définitif d'individus.

Se met en pièces véritablement tout ce qui constitue l'essentiel de notre anthropologie d'occidentaux modernes. C'est là un thème johannique qui est abondamment développé, le thème du rapport entre le Monogénês et les tekna : c'est-à-dire, le rapport entre le Fils un et unifiant et les enfants de Dieu qui sont toujours ta dieskorpisména (les dispersés). Ceci est présent dès la première page de Jean, dès le Prologue, et ce thème court tout au long ensuite. Il a son équivalent chez Paul, mais dans un tout autre langage.

Tout ceci est essentiel à l'annonce chrétienne, et c'est quelque chose que je dis en passant mais qui pourrait être la première chose à partir de quoi commencer : que veut dire être homme ?

Et que veut dire que le Christ soit homme ? Ce n'est sans doute pas ce que nous imaginons. En effet la Bonne Nouvelle c'est : « Il est ressuscité ». "Il": la belle affaire pour moi ! Or justement, cette phrase est entendue comme adressée à moi et me disant l'essentiel de ce qu'il en est de moi. Il y a donc en moi-même mon moi habituel, mais aussi ce moi authentique, ce moi que je ne sais pas et qui n’est pas égalé par mon moi psychologique. Autrement dit je vis au quotidien dans un moi inauthentique, ou en tout cas dans un moi inachevé, d'où la question : comment l'invocation en langage de "tu" de ce moi plus authentique est-elle le passage pour que je sois plus authentiquement moi ? Quelle question ! Je n'ai sans doute rien dit de plus réjouissant que ce que je viens de dire !

Il faudrait recenser chez Jean toutes les attestations de ce thème. Vous trouvez d'ailleurs la même chose chez Paul dans un langage tout à fait différent. Et cela, c'est la seule chose qui permette de dire ce que nous disons du Christ, sinon le Christ reste un homme, un individu qui dit la parole juste, ou c'est un modèle qu'il faudrait que nous imitions. Mais pas du tout ! Il n'est ni un saint modèle, ni un bon prédicateur, il n'est pas d'abord, il n'est pas foncièrement cela, il est plus que cela. Il n'est pas sauveur parce qu'il nous dit comment nous sauver, il est sauveur parce qu'il sauve. Et sauver de quoi et comment ? Voilà des questions essentielles dont il faudrait voir les développements chez Jean. Ces questions étaient celles des contemporains de Jésus. Mais la difficulté est aujourd'hui aggravée par le schéma anthropologique qui constitue l'homme de l'Occident moderne. Cependant cette aggravation a quelque chose de bon, parce que ce qui est annoncé là est tellement facile à caricaturer, tellement facile à être manqué, tellement risqué à être pensé, que la résistance que nous pouvons opposer à ce qui nous est présenté aujourd'hui, a un côté positif. Il faut peut-être que cette résistance s'éprouve pour que la véritable intelligence de ce qui est annoncé ici puisse advenir, non sans péril, peut-être.

d) Le mot heure chez saint Jean.

Le mot heure se trouve une vingtaine de fois dans l'évangile de Jean, dont une quinzaine sont « mon heure » ou « son heure », l'heure de Jésus. Sur cet ensemble, le mot heure est accompagné une dizaine de fois du verbe venir ; à noter que, pour "l'heure", être venue (qui est d'une autre racine) peut se traduire par être présente.

L'heure, c'est venir. Autrement dit, l'heure n'est pas un moment qui prend place dans notre temps chronologique. Pour vous aider, prenez l'exemple de la saison, car une saison n'est pas un moment numériquement différent d'un autre qu'on pourrait additionner. La saison est ce dont ce temps est plein. "L'heure" ici est la saison du dévoilement de ce qui était en semence, et c'est à peu près la même chose que l'été, l'hiver étant la semaille. L'heure est l'accomplissement dévoilant ou le dévoilement accomplissant. On peut dire aussi que « mon heure » signifie moi en tant que dévoilé et accompli. Mon heure c'est moi-même.

De façon tout à fait pratique, le mot heure chez Jésus désigne deux choses qui sont égalementde la signification du mot œuvre (ergon), un mot propre à Jean. Ça désigne donc deux choses :

  • d'abord la mort-résurrection, et il nous est interdit désormais de penser cela comme deux moments dans le temps : moment de mourir et moment de ressusciter.
  • et ça dit l'accomplissement de l'humanité totale  (ceci est surtout vrai pour le mot œuvre, mais vrai quand même pour le mot heure). L'œuvre christique est d'accomplir l'homme.

Mais il faut bien voir que les deux sont une seule chose. Nous retrouvons ici une autre formulation de ce que nous avons déjà dit : ce que vit le Christ dans sa mort-résurrection accomplit l'humanité. Ces deux choses sont constamment liées dans le discours de Jean. Mourir, c'est aller vers le Père, et aller vers le Père, c'est venir vers nous : « L'heure est venue, Père, glorifie ton Fils, ce qui est que le Fils te glorifie, selon que tu lui as donné d'être l'accomplissement de toute l'humanité »[3] (Jn 17, 1-3). Nous retrouvons ici la même énigme : quel est le rapport de l'être et de l'activité christique avec ce qui est l'être de l'homme ? Quel est le rapport, comment est-il pensé ?

Ceci c'était donc à propos de l'heure[4]. Nous pouvons maintenant aller assez vite pour continuer le parcours du texte puisque nous avons déjà anticipé la lecture suivie du texte, soit par tâtonnements aléatoires au début, soit par référence à partir de la lecture du verset 11 ce matin.

 

5) L'eau des jarres. Réflexions sur les sacrements (v. 5-7).

« 5Sa mère dit aux serviteurs : “Quoi qu'il vous dise, faites”. » Marie invite les serviteurs à entendre la parole de Jésus.

« 6Étaient là six jarres de pierre, selon la purification des Judéens, posées, contenant jusqu'à deux ou trois mesures. 7Jésus leur dit : “Emplissez d'eau les jarres” ; et ils les emplirent jusqu'en haut. »

a) Le passage de l'eau en vin.

Nous avons indiqué déjà l'identification de cette eau qui est l'eau juive, de sa signification qui est d'être l'eau de la parole, et qui est en fait ici l'écoute juive de la parole. Cela correspond à l'usage de la purification qui se fait par la parole dans le judaïsme contemporain de Jésus[5].

Nous avons dans ce passage d'eau à vin, ce passage d'eau à pneuma, qui est au fond la pâque (le passage), l'avènement de la nouveauté christique[6]. On peut dire alors que ce texte est eschatologique, qu'il est la résurrection. C'est vrai qu'il est eschatologique en ce sens que le banquet ultime, final, est une des expressions eschatologiques, on peut même dire messianiques. Autrement dit tout ce qui instaure le passage d'un natif au sens banal du terme à la nouveauté christique est la résurrection, mais n'oublions pas que la résurrection n'est pas encore accomplie tant que l'humanité entière n'y participe pas.

C'est ce qui est dit à Marie-Madeleine. Elle entend son nom propre : Mariam. D'entendre son nom lui donne de voir : c'est là qu'elle reconnaît Jésus. Elle peut dire : « J'ai vu le Seigneur ». Et il lui est dit : « Ne me touche pas ». Entendre, voir, toucher[7] : le moment de toucher n'est donc pas venu encore, c'est-à-dire le moment de la proximité accomplie. Jésus en donne l'explication : « parce que je ne suis pas encore monté vers mon Père ». Or monter vers le Père est le nom de la résurrection chez Jean, mais celle-ci n'est pas pleinement accomplie car Jésus poursuit en disant ce qui lui manque : « Va vers mes frères et dis-leur : je vais vers mon Père qui est désormais votre Père, mon Dieu qui est désormais votre Dieu », et ceci accomplit la résurrection. L'accomplissement eschatologique est alors le moment du toucher, de la proximité accomplie.

Nous rassemblons ici des thèmes johanniques que nous avons indiqués séparément.

b) La sacramentalité fondamentale.

Je n'ai pas encore dit d'un seul mot ce que signifiait finalement ce vin.

D'abord je n'ai rien dit sur la façon de le déposer dans le temps – par exemple : est-ce que c'est la fin des temps ou est-ce que c'est le moment de la résurrection ? J'ai dit des choses là-dessus, mais peut-être que pour vous ça paraît flou.

Ensuite je n'ai pas dit à quoi il était identifié – par exemple : est-ce le Saint Esprit, est-ce le vin eucharistique ? Je l'ai fait à dessein, parce qu'il ne faut pas en dire plus. Vous ne trouverez pas chez saint Jean une théorie de l'Eucharistie, ni une théologie du Saint Esprit. Vous trouverez beaucoup plus. Vous ne trouvez pas chez Jean une théologie sacramentaire, mais vous trouvez beaucoup plus : vous trouvez la sacramentalité fondamentale. Cette sacramentalité fondamentale ouvre l'espace non indéfini mais néanmoins multiple des différents thèmes, des différents mots (sacrements). Si vous voulez, ce qui est sacramentel (mot qui, dans son sens le plus fort signifie symbolique) c'est premièrement la parole. La parole est la grande sacramentalité qui rend possible la gestuelle, ce que nous appelons des sacrements. Ceux-ci doivent être pensés à partir de la gestuelle d'une parole. Ce qui est sacramentel en premier c'est la parole.

Je veux dire par là que je ne peux pas partir de ma théologie sur le sang du Christ, bu sous les espèces du vin dans le sacrement de l'Eucharistie, ou de mon idée du Saint Esprit, troisième personne de la Trinité, pour les injecter comme éléments éclairants du texte. En revanche, ce texte donne un sens authentique et renouvelé à ce que j'appelle hâtivement sacrement, soit à propos de l'Eucharistie, soit à propos du mariage par exemple. Il n'est pas plus question de l'Eucharistie que du mariage des deux époux dans ce texte, mais il est éminemment question de la symbolique matrimoniale et de la symbolique eucharistique, dans le grand sens du terme.

Je suis en train de dire que ce que nous appelons Eucharistie ou sacrement de mariage, ce sont des choses qui doivent être relues à partir du texte, alors qu'en général nous injectons notre idée de sacramentalité dans le texte pour prétendre le comprendre. Il faut ré-entendre toutes choses à partir du plus originaire. Nous avons constamment besoin de ré-entendre les choses de la gestuelle, même celles qui sont légitimes dans leur lieu et dans leur histoire, certaines qui le sont moins mais qui l'ont été, d'autres qui le seront, toutes ces tentatives d'entendre et d'articuler la foi à la gestuelle.

L'histoire de la gestuelle sacramentaire est d'une grande diversité et complexité. Vous imaginez peut-être qu'il y a toujours eu sept sacrements[8]. Mais, au XIIe siècle encore les théologiens discutent pour savoir s'il y en a 40, 12 ou bien 6 ! C'est un dogme qu'il y en ait 7, donc quelque chose qui appartient d'une certaine manière à la révélation. Ce que c'est qu'un dogme aussi, c'est quelque chose que nous ne savons pas.

c) Statut des paroles dans l'Église.

Le plus urgent est sans doute d'aller au texte, c'est le plus fondamental, et pourtant l'histoire de la pensée chrétienne dans son développement, dans son statut a son intérêt.

Quel est le statut des différents lieux de parole de l'Église, cela ne s'invente pas, ça a une histoire. Quelle est la signification positive de cette histoire, à condition qu'on l'entende comme n'annulant pas et ne prenant pas la place de la source ? C'était cela mon travail de dogmaticien : penser l'histoire de l'Occident chrétien en effort d'entendre et de dire ce qu'il a entendu dans l'Évangile. C'est magnifique d'étudier cela, mais en même temps ce n'est pas la chose à répéter tous les jours, on n'a pas que ça à faire, on a à entendre l'Évangile nous-mêmes.

Vous voyez les deux tâches à faire, c'est immense :

  • la première tâche c'est ce qu'on vient d'éprouver : tenter de lire le texte autrement qu'à partir de nos a priori ou de choses déjà comprises est un travail difficile ;
  • et la deuxième serait d'examiner sereinement l'histoire de la pensée chrétienne pour sortir de l'alternative qui nous est donnée et que je trouve détestable. En effet les gens se répartissent en deux clans : il y a ceux qui disent « l'Église a pensé ça au long des siècles, c'est sacré, il suffit de le répéter » ; et il y a ceux qui s'insurgent absolument : « c'est honteux que l'Église ait dit ceci ou ait fait cela ». Ni l'un ni l'autre.

En effet la question n'est pas là. La question est d'examiner les pertes et profits, les risques, les données merveilleuses de l'histoire de la pensée chrétienne. Et qu'est-ce qui me permet de lire cela, sinon précisément l'essai de revenir à la source, car ce n'est pas moi qui juge cette histoire, c'est la source : est-ce que l'événement de la source, dans ces dérives, se reconnaît ou ne se reconnaît pas ?

 

6) Versets 7-10.

On a dit que les protagonistes n'étaient pas ceux qu'on attendait, l'époux et l'épouse, puisque nous avons dit que le véritable époux et la véritable épouse étaient le Christ et l'humanité[9]. Et pour nous, apparemment l'essentiel du texte n'est pas ce qu'on pourrait appeler un miracle. Rien ne se voit sinon le mouvement des personnages qui pourraient n'être que des comparses. Mais c'est ce qu'ils représentent qui intéresse saint Jean. Les personnages qui sont dans l'écoute, c'est Marie et les serviteurs (« Tout ce qu'il vous dira, faites »). Ce sont eux qui deviennent quasi-protagonistes dans cette affaire.

a) Emplir, puiser, porter, goûter (v. 7-8).

« 7Jésus leur dit : “Emplissez d'eau les jarres” ; et ils les emplirent jusqu'en haut. 8Il leur dit : “Puisez maintenant et portez au maître de table”. Ils portèrent. »

Vous avez de très jolis verbes à propos du vin : emplir, puiser, porter, goûter. Voilà des verbes johanniques dans un ordre magnifique, des verbes simples. Jean préfère les verbes aux substantifs, mais les verbes les plus pleins sont toujours les verbes les plus simples.

Emplir, Noces de Cana, Colette Isabella1/ Emplir.

Emplir est un verbe du pneuma. La symbolique du pneuma est une symbolique du fluide. Le pneuma est en compact dans le Christ et il est diffusé sur l'humanité. Le pneuma est la présence diffusée du Ressuscité.

Le verbe emplir valait déjà pour la gloire, comme il est dit dans le Sanctus de la liturgie : « Le ciel et la terre sont remplis (plêrês) de ta gloire. Hosanna au plus haut des cieux. Béni soit celui qui vient… »[10]. Vous avez ici le ciel et la terre, l'emplissement de la gloire et le venir, donc l'espace et le chemin. Ce texte de la liturgie récupère deux textes différents : le premier morceau est puisé au chapitre 12 de Jean puisque c'est tiré des Rameaux, et l'autre vient du chapitre 6 d'Isaïe[11]. Le mot grec plêrês (plein, empli) utilisé à propos de la gloire correspond à un verbe qui signifie aussi "habiter". En hébreu habiter se dit shakan, et, dans la mystique juive, la Shekinah désigne la présence de Dieu au milieu de son peuple. C'est même un des noms de la gloire : la gloire de Dieu c'est l'habitante !

Au début de son évangile saint Jean parle de cette présence : « Il a habité parmi nous, nous avons contemplé sa gloire, gloire comme du Monogenês plein (empli) de grâce et de vérité... Et de sa plénitude nous avons tous reçu, grâce sur grâce (donation sur donation) » (Jn 1, 14- 16). Plusieurs mots ici s'entre-appartiennent : le verbe habiter (en fait : planter sa tente), la gloire, le mot plein (plêrês) et le substantif correspondant plêrôma (plénitude).

Dans la même famille que plêrês (plein) et plêrôma (plénitude) on a le verbe plêroun (emplir), plêroustai au moyen. C'est un verbe magnifique parce qu'il signifie à la fois emplir et accomplir ; c'est ce qui se dit chez nous dans l'expression « remplir sa tâche » et dans l'expression « la plénitude des temps » qui est « l'accomplissement des saisons ». Donc emplir et accomplir, deux verbes qui touchent à la fois à la symbolique du liquide, du fluide, donc du répandu, et qui touchent à notre notion de temps qui est censé aussi couler.

Dans le texte des Noces de Cana le verbe employé n'est pas plêroustai qu’on trouve abondamment chez Paul, mais gémizeïn : « Emplissez (gémisété) d'eau ces jarres ». On trouve ce même verbe gémizeïn à la fin de la multiplication des pains: «Ils rassemblèrent donc et emplirent  (égémisan) douze corbeilles des fragments venus des cinq pains d'orge qui restaient après qu'ils eussent mangé. »(Jn 6, 13).

2/ Puiser.

Ensuite on a le verbe puiser, mais le verbe le plus courant à propos du pneuma c'est "verser" qui est une des significations du donner.

Verser, Noces de Cana, Colette Isabella3/ Porter.

Puis c'est le verbe porter. Quel verbe magnifique ! Les serviteurs portent. Il y a aussi "se porter" : « comment vous portez-vous ? » ; et "se comporter" ; et la portée des voûtes, la portée musicale, la portée de l'animal multipare… La porte c'est s'affranchir.

Et ça donne lieu à un jeu de mots pleinement signifiant : la vierge est « porte du ciel », parce qu'elle porte celui qui porte le monde, avec cette inversion que le Christ est porté au sens de la portée maternelle, et que c'est lui qui porte. Ça c'est de la poésie médiévale.

Cette constellation de sens est merveilleuse.

4/ Goûter.

Nous avons déjà dit comment situer ce verbe rare chez Jean. Il est un des verbes qui n'est pas connuméré avec d'autres, mais qui est pour nous un des cinq sens. Il est ici promu à dire la proximité ultime.

Nous avons dit que c'est entendre qui donne de voir, le toucher pouvant être différé. Le goûter également peut être différé, il dit l'accomplissement, la proximité. Il ne faut pas oublier que la proximité appartient à la symbolique de l'espace qui est première chez Jean. Un des premiers éléments de la symbolique de l'espace c'est le proche et le loin. L'Évangile n'est rien d'autre que l'invitation à ce que nous nous constituions en proches, plus exactement en prochains. Ce prochain est à entendre de la bonne proximité… parce que ce qui s'oppose à l'être prochain dans le bon sens du terme, c'est le lointain, mais c'est aussi la non-juste proximité qu'on peut appeler promiscuité. Le mot proche en latin c'est penes qui a à voir avec la pénétration. Or la pénétration a à voir hautement avec le verbe connaître au sens biblique, chacun le sait, mais également avec la manducation qui est un mode de haute proximité. De même boire et goûter sont des modes de haute proximité.

b) Le bon vin et la question du temps (v. 9-10).

« 9Quand donc le maître de table eut goûté l'eau devenue vin et il ne savait pas d'où cela est, mais les serviteurs savaient, eux qui avaient puisé l'eau. – Nous nous sommes déjà interrogés sur le fait que le chef de table ne savait pas d'où le vin venait, d'où la validité propre de son attestation : il atteste que ce n'est pas du vin de chez lui, ce qui a beaucoup d'importance même pour une attestation simplement négative – Il appelle le marié 10et lui dit : “Tout homme pose d'abord le bon vin, et quand ils sont ivres le moins bon, toi tu as gardé le bon vin jusqu'à maintenant” », 

1/ Le bon vin : le pneuma.

« Tu as gardé le bon vin.» Je pense qu'ici, ce qui peut être dit au mieux, c'est d'essayer de penser le Pneuma (l'Esprit) comme signifié par le bon vin. C'est la chose la plus ferme, parce que nous avons le passage de celui qui baptise dans l'eau à celui qui baptise dans le Pneuma (dans l'Esprit)[12].

► Ce qui est dénommé "bon vin" ici, est-ce qu'on pourrait le considérer comme une eau vivante, une eau pure ?

J-M M : Tout ce qui est visé dans la symbolique de l'eau même positive (par exemple l'eau pure symbole de vie), demande à être appréhendé à partir d'ailleurs que de notre concept eau : cela peut être le vin, cela peut être le feu, pour dire le même. Autrement dit il ne faut pas nous reposer sur ce que nous savons de l'eau et en tirer des conséquences. Le Pneuma reçoit plusieurs noms, plusieurs dénominations, comme le Christ : « Je suis la lumière, la porte, le pain, le chemin… »

Nous avons déjà dit que pour les juifs, l'eau c'est la parole, et que le bon vin était une autre parole. Or nous opposons toujours Esprit et parole : la parole c'est clair et l'Esprit c'est flou. Mais il y a la parole entendue dans le souffle de l'Esprit.

2/ Eau, sang, pneuma ; le rapport vin / sang.

Revenons maintenant à l'élément ternaire dont vous parliez hier, à savoir que eau, sang, pneuma sont un[13]. Ici l'eau des jarres et le vin comme pneuma ne peuvent pas être connumérés, parce que l'eau des jarres et le vin sont distingués, ils ne sont pas un.

Le rapport vin et sang est quelque chose qui mérite d'être regardé attentivement. En effet beaucoup de métaphores bibliques (pour parler sommairement) rapprochent déjà les deux choses. Par exemple le vin est appelé « le sang de la grappe »[14], mais ce n'est pas signifiant pour nous : qu'est-ce que le sang vient faire là ? Ça ouvre tout le chapitre de la symbolique du sang et donc du sacrifice, autant de choses qui nous sont étrangères. C'est là qu'il y aurait également lieu de méditer. Il y a un vitrail du XVIe siècle à Saint-Etienne-du-Mont où le corps du Christ est dans le pressoir et le sang jaillit, et c'est de là que naissent les sacrements : « Le pressoir fait jaillir le sang de la grappe » dit la légende[15]. Il y a des choses très complexes là, parce qu'à la rigueur c'est quelque chose qui peut se dire verbalement, mais qui devient insoutenable visuellement. Il faut méditer avant de poser la question : quelle peut être la signification du fait de donner son sang pour quelqu'un ? C'est une chose qui n'est pas élucidée pour l'instant.

Seulement le sang est un thème profondément johannique, même dans la première lettre de Jean dont on pense en général qu'elle est écrite sur le thème de « aimez-vous les uns les autres » dans un langage légèrement moralisant. Le thème du sang y intervient à des moments stratégiques et décisifs, il est tout à fait inattendu pour notre lecture. Comment pourrait-on reprendre cette question : quelle est la signification du langage sacrificiel puisqu'il est indéracinable du Nouveau Testament. Il est là, comment l'entendre ?

Dans notre texte il y a trois thèmes conjugués qui sont le vin, le repas et la noce, trois thèmes qui sont eschatologiques et ici nous avons le cumul récapitulatif de ces trois thèmes qui courent déjà au long de ce que nous appelons l'Ancien Testament.

Donc nous avons dit quelque chose sur le vin, peut-être pas suffisamment. Nous allons nous arrêter là pour la lecture.

3/ La question du "maintenant" johannique[16].

« Jusqu'à maintenant » : c'est le jour d'aujourd'hui, c'est-à-dire que mon écoute même est dans le texte. C'est le maintenant du temps eschatologique, ce n'est pas le maintenant de notre temps mortel. En effet, nous avons une temporalité mortelle, et là il s'agit d'une temporalité nouvelle qu'on appelle parfois éternité, qui n'est pas la substitution d'un présent éternel à la place d'un passé et d'un futur, mais qui est une autre articulation des trois.

Nous avons dit qu'au début du chapitre l'heure n'était pas encore venue. Cela correspondait au manque détecté par Marie. La dernière phase c'est le bon vin, c'est le repas, c'est la noce, autant de thèmes qui sont des thèmes eschatologiques. Nous avons donc un resserrement en quelques versets qui déploient le passage du non-encore-venu à l'effectivement venu. Et c'est tout à fait plausible puisqu'il s'agit d'un récit initial. Cela se trouvait déjà dans le chapitre précédent, quand deux disciples se mettent à suivre Jésus et lui demandent : « Où demeures-tu ? » qui est la bonne question, et qu'il leur dit : « Venez et voyez » ; « Ils vinrent et ils virent ». Qu'est-ce qu'ils ont vu ? Mais non, Jean raconte l'humanité depuis la vocation jusqu'à l'accomplissement plénier du voir, et il ne considère pas la question des délais, des étapes, alors que certains chapitres sont voués à mettre le cheminement en étapes, comme le chapitre de la Samaritaine[17]. L'autre lieu du cheminement par étapes est la première apparition de Jésus, l'apparition à Marie de Magdala : elle cherche, elle se retourne, elle cherche, elle se retourne, elle entend son nom, elle le voit… alors que Jean, l'aigle : « Il vit, il crut », et en plus, lui, il voit un tombeau vide, c'est-à-dire qu'il ne voit rien ! Mais c'est un croire qui est voir, c'est un autre nom de la foi au sens authentique du terme.

Donc il y a le point de vue des étapes et le point de vue de la simultanéité, c'est-à-dire de la proximité entre l'arkhê et l'eskhaton. Et je pense d'ailleurs que comme figure pour marquer l'intimité du point arkhê et du point eskhaton, rien n'est mieux que le cercle[18]. On a passé tout un siècle à dire que le christianisme avait un temps qui n'était pas d'essence circulaire mais d'essence linéaire. Je suis désolé, mais pour saint Jean ces slogans sont beaucoup trop simplistes[19]. Par exemple pour saint Jean, le nouveau est le plus archaïque : ce qui vient après, vient après parce qu'il est de bien avant. Nous avons là une correction du temps qui récuse la linéarité irréversible qui, pour un grand nombre de nos contemporains, qualifie essentiellement le temps chrétien par opposition au temps grec qui est cyclique. Heureusement, de plusieurs endroits j'entends des gens se mettre à critiquer ce simplisme.

► L'histoire du cercle me fait difficulté. Je veux bien qu'on distingue l'immédiateté de Jean par rapport au temps du cheminement, mais j'aimerais bien qu'il y ait une flèche quelque part !

J-M M : Il pourrait se faire que les cercles ne soient pas des chevaux de bois qui ramènent au même endroit. Il pourrait se faire que le cercle ne soit pas essentiellement cela.

Par exemple dans le texte il est question de « voir la gloire ». Or, deux chapitres plus loin (à la fin du chapitre 4) saint Jean distingue deux façons de voir. Jésus dit en effet aux disciples : « Vous dites “Encore un quadrimestre et vient la moisson”. Levez les yeux, les champs sont déjà blancs pour la moisson ». Autrement dit il y a une vue basse qui est le point de vue (le point d'où voir) de notre temporalité qui, non seulement, est déployée, mais encore démembrée, et puis il y a une vue haute, qui est l'autre point d'où voir. Et comme c'est entendre qui donne de voir, cela signifie que nous entendons une parole native qui ouvre nos yeux d'une certaine manière au monde, et l'Évangile est une parole qui nous manifeste comme ayant été aveugles de naissance[20] : il faut que notre écoute soit baptisée, que nous allions à la piscine de Siloë, c'est-à-dire que les mots entendus soient déjà porteurs d'autre chose, ou nous accommodent le regard autrement à ce qui est à voir. Autrement dit il n'y a pas homogénéité entre le temps usuel (le temps natif) et le temps de Dieu (le temps de la christité). D'où l'extrême difficulté que nous avons à entendre les passés et les futurs de la parole de l'évangile quand nous voulons les répartir selon notre temporalité native. Il est vrai que de très bonne heure on a accommodé la parole de l'évangile au discours hellénistique moyen, et de même on a accommodé la nouveauté christique à la temporalité dans laquelle nous vivons, d'où l'avènement du "retard différé" (bien que le retard de Dieu soit un thème important : Dieu s'attarde, c'est un thème magnifique).

J'ai fait la distinction de deux points de vue : pour le point de vue de celui qui est en haut, la semence et le fruit (ou la semaille et la moisson), c'est le même, il voit la semence dans le fruit et le fruit dans la semence. Or ce "même" ne cesse pas, néanmoins, d'être légitimement vu comme deux, car d'un autre point de vue, la semence n'est pas le fruit.

 

7) Deux questions pour finir.

Au début nous avons pris le temps d'une préparation, de tâtonnements, et nous gardons notre dernier moment de rencontre pour que vous parliez librement à propos des enjeux de ce qui a été évoqué[21].

a) Le rapport du Nouveau Testament à la Torah.

► Il y a une chose que tu as dite : l'Écriture juive en son plein signifie la résurrection. Tu as bien précisé qu'il s'agissait d'une certaine lecture juive de l'Écriture de l'époque. Mais qu'est-ce que ça veut dire ?

J-M M : Dans cette question des rapports du judaïsme et de la foi chrétienne, il faut être très attentif à ce qu'on dit, et de quel point de vue on le dit. Il est tout à fait normal qu'un chrétien parlant du judaïsme ne dise pas la même chose qu'un juif qui parle du judaïsme.

Une des caractéristiques du christianisme naissant, et cela se trouve en particulier chez saint Paul :

1. Il y a la critique de la Torah sous la dénomination de nomos (loi), c'est-à-dire que c'est la critique de la suffisance de la loi.

2. Et en même temps il y a l'affirmation du Christ que tout est « selon les Écritures », selon cette Torah qui alors est appelée Graphê (Écriture). Mais il faut voir ce que veut dire ce « selon » parce qu'il risque d'être traduit chez nous soit selon le prédit soit selon le prescrit : selon le prédit, c'est un fatalisme, les choses se passent comme il a été dit ; selon le prescrit, c'est une sorte de moralisme. La signification de ce selon, c'est que lorsque les Écritures sont lues à partir de Jésus, elles connaissent leur plein.

Mais ce qui est étrange du reste, c'est que parler du judaïsme est bien difficile. Pour ma part, il y a quelque chose de la kabbale que je perçois, où j'entends le même plein que dans l'Évangile, mais je ne prétends rien dire là-dessus. La kabbale est une lecture, et il y en a beaucoup d'autres.

b) Le double niveau de lecture.

► J'aimerais revenir sur la foi des disciples : « il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui ». On dirait que c'est à la vue de ce signe qu'ils croient, or vous avez dit que, justement, c'est ce que Jésus récuse.

J-M M : Il faut voir quel est le statut de ces versets. C'est un statut ambigu, et c'est un statut qu'il faut comprendre à deux niveaux :

1. Au niveau de l'écriture de Jean qui est célébration, à ce niveau-là, tout est entendu à partir de la gloire, c'est-à-dire à partir de la résurrection qui est l'élément de la foi et que célèbre le texte. Et celui qui célèbre ce texte croit, dans le sens plein du terme, et est effectivement disciple.

2. Au niveau de l'épisode, les disciples vont tout simplement dire qu'en réalité ils ne croient pas, c'est-à-dire qu'ils n'entendent pas. Ceci se trouve au verset 20 du même chapitre, c'est à propos de la reconstruction du temple : « “Détruisez ce temple, en trois jours je le relèverai.” (…) Il parlait du temple de son corps. Quand donc il fut relevé des morts ses disciples se souvinrent de ce qu'il avait dit, et ils crurent à ce moment-là à l'Écriture et à la parole que Jésus avait dite » (v. 19-22)[22]. Et constamment, au niveau de l'anecdote, l'Évangile est écrit comme une dénonciation de la non-foi, c'est-à-dire de la méprise.

Vous voyez comment ici, il y a une sorte de double niveau de lecture. Et le niveau de l'écriture de Jean est toujours premier parce que toute la scène est ressaisie comme témoignage de la résurrection, c'est ce que nous avons vu.

Le référent de Jean, c'est l'élément de la résurrection, sous la forme du pneuma, sous la forme du vin, sous la forme du pain de la vie. C'est de cela que parle immédiatement le texte, et c'est cela qui est le plus mystérieux d'une certaine manière, qui annonce l'ensemble des autres mots. Et aucun des mots ne peut plus être entendu à partir d'ailleurs qu'à partir de cette source-là, de cette source elle-même inentendue. Cet inentendu est un inentendu essentiel voyez-vous. La résurrection est le lieu qui identifie le Fils comme Fils, mais qui voit le Fils voit le Père, il n'y a rien d'autre à voir. Donc c'est le lieu d'identification du mot Dieu : Dieu ne s'identifie pas à partir d'ailleurs.

Or ce que nous avons à faire par rapport à Dieu, c'est apprendre à oublier, à dénouer tout ce que nous savons. On ne vient pas à une lecture d'Écriture pour apprendre d'autres choses sur Dieu. On ne vient même pas pour apprendre de meilleures choses sur Dieu. On vient pour apprendre progressivement à dénouer tout ce qu'on croit savoir et tout ce que l'on saura sur Dieu. Tel est l'insu par rapport auquel l'attitude doit se prendre, et qui est de plus en plus une attitude de dénuement. Plus le dénuement est grand et plus je connais Dieu : en effet de Dieu il n'y a rien à connaître sinon que ce n'est pas connaissable, non pas parce qu'il est trop grand, mais parce que le mot connaître est toujours déjà insuffisant pour dire la relation à cela. La véritable gnose, la véritable connaissance, c'est de savoir que ça ne se sait pas. Et ce n'est pas très facile de savoir que cela ne se sait pas.

C'est un processus très exigeant, parce que nous savons énormément de choses sur Dieu. C'est incroyable le nombre de choses que nous savons sur Dieu. Et tant que nous nous pensons comme des voyants, c'est-à-dire sachant, nous ne sommes pas susceptibles de voir : « Car c'est ceci la krisis, que les aveugles voient et que les voyants deviennent aveugles. »



[1] Jn 4, 23 ; 5, 25…

[2] « Maintenant ma psychê entre en turbulence, et que dis-je : "Père sauve-moi de cette heure ? Mais je suis venu pour cette heure. Père, glorifie ton nom.» (Jn 12, 27-28).

[3] J-M Martin précise que la traduction de Jn 17, 1-3 qu'il a donnée est faite comme il faut, de façon très proche du texte et qu'il est possible que la traduction soit différente dans nos bibles. Cf. Jn 17, 1-11a : Le début de la grande prière de Jésus.

[4] Le thème de l'heure est traité un peu différemment au début de Lecture valentinienne des Noces de CANA (Jn 2, 1-11).

[5] On retrouve ce sens de purification par la parole dans ce que dit Jésus aux disciples : « Déjà vous êtes émondés (purifiés) par la parole que je vous ai dite » (Jn 15, 3).

[6] Les évangiles synoptiques comparent l’enseignement de Jésus à un vin nouveau Mt 9,14-17 ; Mc 2, 18-22 ; Lc 5,33-39.

[8] Sept sacrements : baptême, eucharistie, confirmation, réconciliation, onction des malades, mariage, ordination.

[10] « Saint, Saint, Saint le Seigneur, Dieu de l'univers ! Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire ! Hosanna au plus haut des cieux. Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux. »

[11] Voici la citation des Rameaux : « Et ils criaient : “Hosanna ! Béni [soit] celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d'Israël.” » (Jn 12, 13). « Sacré, sacré, sacré, le Seigneur, Dieu de l'univers ; la terre est pleine (plêrês) de sa gloire ! » (Isaïe 6,3). Ici hagios a été traduit par "sacré" et non par "saint" selon le souhait de J-M Martin.

[12] Voir Ch II : Première visite du texte., II 3) c) séparation des eaux.

[14] Frédéric Manns, dans son livre  L'évangile de Jean et la sagesse (Franciscan Printing Press 2003), p.53, dit : « Le symbole biblique du sang est riche de nombreuses valences. Cette boisson, appelée le sang de la grappe qui fermente, réjouit le cœur de l'homme. […] Les Targums Jerushalmi et Néofiti de Gn 49, 11-12, connus pour leur interprétation messianique, rapprochent ce texte d'Is 63,2 : “Ses vêtements sont baignés dans le sang, il ressemble à celui qui presse les raisins. Ils sont beaux les yeux du roi messie, comme le vin pur.” »

[15] « Au Moyen Âge et jusqu’au XVIe siècle, la fermentation du vin était considérée comme un processus de transformation au cours duquel le pur se séparait de l’impur et le subtil de l’épais. Cette conception était en relation avec la symbolique chrétienne de l’Eucharistie, sacrifice du corps et du sang du Christ représentés par le pain et le vin, qui deviennent source de vie éternelle et de rédemption pour le croyant qui reçoit la communion. Le thème du Pressoir mystique apparaît dans la peinture, la miniature ou le vitrail au XVe siècle, une époque où la notion de sacrifice prend une place majeure dans la dévotion chrétienne. Le corps du Christ est représenté tantôt allongé sous la roue d’un pressoir, tantôt debout foulant les raisins, son sang se mêlant au jus. Cette image s’est répandue surtout en France et dans les pays du nord de l’Europe jusqu’au XVIIe siècle.» (http://www.inrap.fr/Archeologie-du-vin/Histoire-du-vin/Moyen-Age/L-histoire/Mythes-et-religions/p-13196-L-allegorie-du-Pressoir-mystique-.htm)

[16] Cette partie vient des rencontres de 2008-2009 à Saint-Bernard, J-M Martin traitait du temps johannique.

[18] Deux points sur un cercle : plus ils s'éloignent et plus ils se rapprochent !

[19] « L'eschatologie, ce qu'on appelle parfois la fin des temps, n'est pas à poser dans le futur de notre temps. Il est même à peu près certain, par exemple, ce qui peut vous étonner, que les apôtres, pour autant qu'ils font l'expérience authentique de la résurrection, sont plus près de la "fin des temps" que nous ne le sommes nous-mêmes. » (J-M Martin, 17 juin 2009).

[20] Allusion à la guérison de l'aveugle-né (Jn 9), cf  Jn 9, 1-41 : Guérison de l'aveugle-né suivie d'une enquête à son sujet..

[21] Nous ne gardons que deux questions des participants en guise de conclusion.

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