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La christité
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  • Ce blog contient les conférences et sessions animées par Jean-Marie Martin. Prêtre, théologien et philosophe, il connaît en profondeur les œuvres de saint Jean, de saint Paul et des gnostiques chrétiens du IIe siècle qu’il a passé sa vie à méditer.
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18 mars 2017

Le signe de croix : signe de la foi et configuration de l'homme. Extraits d'une retraite

En 2010 Jean-Marie Martin a animé une retraite à Nevers ayant pour thème "Signe de la croix, signe de la foi" dont la transcription va paraître peu après le présent message sur le blog La Christité. Il y a abordé deux aspects : la croix comme signe, et le signe de croix. J'ai gardé ici ce qui concernait le signe de croix. J'ai mis des références et des citations en introduction, en notes et dans l'annexe finale.

À plusieurs endroits je me réfère à La signation dans l'Église des premiers siècles, un article de Cyril Vogel paru dans la Maison-Dieu n° 75 (1963) que j'ai trouvé sur Gallica et transcrit dans le message précédent du blog : . Mais j'ai aussi mis en annexe, à la fin du présent message, des précisions sur cette histoire.

Dans la première partie de ce message figure le début de la retraite (la partie centrée sur "la croix comme signe" est omise). Il est surtout question ici du grand signe de croix qui se fait sur le corps. Dans la suite de la retraite J-M Martin s'est centré sur la croix comme signe, et a lu des textes de saint Paul et saint Jean (Ph 2, 6-11 ; 1 Cor 15, Jn 5….). À la fin du 6ème jour il a repris la gestuation en ne parlant que du petit signe de croix qu'on trace avec le pouce sur le corps ou sur des objets. Il a fait allusion à un texte venant d'Internet que sœur Paule qui organisait la retraite[1] lui avait fourni, mais il l'a à peine évoqué. J'ai mis ces réflexions sur la signation en deuxième partie, partie pour laquelle j'ai ajouté en 3° des réflexions sur la notion de baptême. La troisième partie, très courte, donne deux informations tirées d'un autre document évoqué à la fin du 6ème jour de la retraite. Ensuite il y a l'annexe.

                                                                                                                           Christiane Marmèche

 

 

Le signe de croix

signe de la foi et configuration de l'homme

 

I – Le grand signe de croix

 

1) Première approche.

J'arrive ce matin les mains vides, je n'ai pas apporté la parole, le livre. En effet nous allons aujourd'hui rester sur le seuil (ce matin en tout cas), sur le seuil de la parole, avant d'y entrer. Nous nous asseyons sur le parvis et nous devisons librement à partir des idées que nous pouvons avoir sur ce qu'évoque le titre de notre recherche : "signe de la croix, signe de la foi".

D'entrée nous notons une ambiguïté parce que signe de croix (ou signe de la croix) peut s'entendre d'abord de deux façons différentes : le signe qu'est la croix (la croix est un signe), ou alors ce geste qui consiste à ce que je fasse un signe de croix. Les deux significations seront notre sujet.

La croix est un signe, le mot sêmeion (signe) est même un des noms de la croix dans l'Évangile ; la croix est même le signe ; mais que veut dire signe ?

 […] J-M Martin pose ici des questions à propos du premier aspect : la croix comme signe (voir la transcription complète de la retraite quand elle sera sur le blog)

a)  Questions sur le geste du signe de croix aujourd'hui.

Signe de croix latinUne deuxième chose que j'ai déjà un peu indiquée, c'est la question de la gestuation.

J'appelle "signation" ici non plus la représentation graphique de quelque manière qu'elle soit, mais le signe que l'on fait avec la main, qui peut être un signe d'attouchement triple, qui peut être un signe lié à une onction, qui est le plus souvent la gestuation faite à l'aide de la main droite qui va au front, puis au ventre, et ensuite de la gauche à la droite. Cette gestuation est appelée “signe de croix”.

Où est-ce que vous voyiez des signes de croix ? J'en vois à l'église et dans les stades de sports quand il y a des équipes du Sud. Vous voyez une croix par exemple au départ d'un contre-la-montre, le type qui est là et qui va partir. Il y a ceux qui font un signe de croix et ceux qui n'en font pas. Est-ce que Dieu aime mieux les uns que les autres, c'est à voir. Qu'est-ce que vous en pensez ? Vous allez dire : c'est affaire d'usage sans conséquence, sans signification.

Dans le catch mexicain, il y a les rudos et les tecnicos : les rudos sont les méchants, ils ont des masques de diable en général, et les tecnicos sont les bons, ils ont une faveur d'une partie du public. C'est un jeu, une représentation incroyable. Or un tecnico entre en faisant un signe de croix.

Signe de croix furtif, signe de croix conventionnel, signe de croix comme vague espérance de protection, ou signe de croix ostentatoire ? Y a-t-il un bon, un vrai signe de croix ? Que signifie cette gestuation ? On peut déjà dire qu'elle est multiple.

b)  Le signe de croix comme configuration.

Peut-on percevoir un rapport dans l'Écriture entre la stature humaine de l'homme debout et une symbolique de la verticalité (de haut en bas) et de l'extension latérale (de droite à gauche) ? Est-ce que la croix n'est pas quelque chose d'essentiel à la configuration même de l'homme ? Qu'est-ce que se signer sinon se laisser configurer par la christité même ? ce qui poserait la question de la nature de ce geste : à quoi ça sert, est-ce que ça apporte quelque chose ?

●   Deux extraits des Odes de Salomon[2].

Ode 27
1. Je déployai mes mains,
je sanctifiai mon Seigneur,
2. puisque l'extension de mes mains est son signe,
3. et mon déploiement, le bois dressé.
Alleluia.

Vous avez reconnu la croix ?

Ces odes sont pour nous très énigmatiques souvent parce qu'elles sont inscrites dans une tradition symbolique qui ne nous est pas familière. Nous avons ici explicitement le signe de croix, c'est même le titre que la traductrice a donné à cette petite ode. Nous avons la direction de la verticalité : le bois dressé.

En note il est dit pour l'ode 27 : « Thème du chantre debout. Assimilé à son chant, c'est lui qui est étiré aux dimensions de l'espace : mystère de la croix, dressée comme l'arbre de vie – opposé à l'arbre mort, sec – déployée et étendue en largeur et en hauteur (v.3) ; figure de l'homme ressuscité dans le geste liturgique de l'orant, les mains constituant l'extrême de l'extension du corps, mais aussi son efficacité. » (p. 142).

L'ode 27 est suivie immédiatement par l'ode 28 :

« 1. Comme les ailes des colombes sur leurs poussins – la colombe ici appartient à cette symbolique générale : l'extension des ailes prend la place de l'extension des bras car en syriaque le bras et l'aile se disent du même mot, ce qui permet le glissement, le passage. Le thème de la colombe se poursuit autrement – la bouche de leurs poussins près de leur bouche, ainsi même les ailes du Pneuma sur mon cœur. » Ceci rappelle : « Le Pneuma de Dieu voletait au-dessus des eaux » (premier verset de la Genèse).

Vous voyez toute une série de rappels de symbolique, des mots qui se mettent à chanter ensemble. Ceci est très différent de ce que vous appelez un poème, et pourtant c'est un poème. Nous avons ici la chose peut être la plus importante de ce que j'ai à dire à propos de la croix et qui va s'expliquer par ce que j'ai déjà énoncé de façon inaudible, par le mot de configuration.

Christ humanitéPeut-être qu'un mot pourrait vous éclairer provisoirement, c'est le mot de schéma corporel. C'est un mot de la psychologie qui dit quelque chose de l'auto-compréhension, de l'auto-configuration du corps. Or la croix christique c'est l'auto-configuration du corps : je me laisse assimiler.

Est-ce que la croix christique serait le miroir de mon propre corps ? Il serait très important que j'y découvre à la fois toute l'image d'un corps qui se défait et qui du même coup se construit, c'est-à-dire l'identité de la mort et de la résurrection du Christ : la croix de douleur / la croix de résurrection (ou, comme disaient les anciens, la croix de lumière, la croix de gloire), jamais séparées l'une de l'autre.

On trouverait chez Paul des passages qui considèrent justement que mon corps, pour autant qu'il est un corps de douleur (mon corps souffre, mon corps se défait), est néanmoins le corps de l'homme nouveau[3]. L'homme ancien se défait : il se défait physiquement, il décrépit comme corps, il souffre, c'est une chose qui n'est pas du tout contestable.

Le malheur a été qu'on prenne ce genre d'expression comme disant : souffrez maintenant, vous serez heureux plus tard. Ce n'est pas ça la question. Justement, c'est l'identité même d'une présence glorieuse (radieuse) qui peut subsister au temps même que subsiste la mortalité en nous.

Si bien que faire sur moi-même le signe de la croix, c'est revêtir la croix, comme dit Paul, « revêtir l'homme nouveau », c'est m'investir de nouveauté. Dans cette perspective, peut-être que le mot de configuration du corps peut vous aider[4].

c)  Le signe de croix comme sacramental[5].

Il y a des gestes que l'Église a considérés comme apportant quelque chose, donnant quelque chose, on les appelle les sacrements. Le signe de croix n'est pas un des sept sacrements, mais a été considéré comme un "sacramental", ceci au XIIe, XIIIe siècle, à l'époque où la notion de sacrement se définit. Faut-il le conserver, ou, sans le conserver, qu'est-ce que cette considération a à nous apprendre sur la fonction du signe de croix ?

d) L'énonciation : « Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ».

Il reste une autre chose, c'est que le geste de la croix est accompagné de paroles : « Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » [6] – j'ai oublié d'ailleurs de distinguer entre autres la croix que je fais sur moi-même et la croix par laquelle quelqu'un me bénit : qu'est-ce qu'une bénédiction, est-ce un sacramental ?

Dans les deux cas « Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » est une chose très étrange : la croix devrait sans doute par sa configuration gestuelle être surtout signe de la mort / résurrection de Jésus (c'est un signe de mort du fait que c'est un instrument de supplice et de mort, et nous verrons que dans l'Écriture c'est aussitôt lié à la résurrection), mais voici que les paroles parlent d'autre chose, elles parlent du Père et du Fils et du Saint Esprit.

Depuis longtemps la théologie a mis d'un côté la question de la mort / résurrection du Christ et d'un autre côté la question de la Trinité. Je ne dis pas qu'elle a bien fait, mais nous constatons qu'il en est ainsi. On leur a donné le nom de mystères. Entre ces deux mystères, il y a un rapport : ils sont deux aspects d'une unique donnée fondamentale, qui est un foyer de sens où tout s'articule. C'est ce que nous ne cessons de chercher et de méditer, d'apercevoir dans nos Écritures et c'est ce que nous allons faire dès demain.

 S'il y avait une véritable unité entre ces deux aspects, on pourrait dire que le signe de croix est véritablement le foyer de tout l'Évangile où tout prend sens, prend source. Passer une semaine sur le signe de la croix pour en apercevoir le sens, pour se laisser configurer par ce sens, ce serait une vraie retraite.

Revenons à l'énoncé : « Au nom de ». La notion de nom est étrange, difficile. « Au nom de » ce n'est pas « à la place de ». Le nom dans le monde biblique désigne l'identité profonde de l'être.

Mais il y a trois noms (Père, Fils, Esprit), et pourtant je dis “le nom” au singulier ? « Dans le nom » : In nomine[7].

Père, Fils et Saint Esprit : on sait bien que la Trinité est une question fondamentale, et c'est pour nous très énigmatique. Elle suscite peu de considération aujourd'hui. Il y a des siècles qui se sont battus pour des détails de doctrine trinitaire, de vraies bagarres rangées. Aujourd'hui on a d'autres soucis. Et pourtant…

La nécessité de se poser des questions.

Vous voyez que ce simple geste nous convoque à beaucoup de questions. Je n'ai fait que poser des questions. Ce qui est important c'est que vous vous en posiez aussi. Parce que donner des réponses à des questions qui ne se posent pas, c'est une parole parfaitement stérile. Tout commence par la question, la question elle-même étant précédée par le trouble. Je ne fais que reprendre ici l'ordre que suit constamment saint Jean. S'il dit « Que votre cœur ne se trouble pas », cela signifie qu'il prend acte du fait que le cœur est troublé. Car sans le trouble rien ne bouge. Je peux ressasser indéfiniment les mêmes formules, rien ne se passe.

Le trouble met en mouvement la recherche : on cherche à en sortir. La recherche (zêtêsis) est le deuxième mot après le mot de trouble chez Jean. Et la recherche va être encore aveugle, ne va pas trouver ses mots, sa formulation, elle n'est pas devenue encore une question. C'est le troisième terme, la question : c'est le moment où la recherche troublée, qui n'arrive pas à trouver ses mots, commence à pouvoir s'énoncer. Et si la question s'énonce correctement, c'est que la réponse est déjà là.

 

II  – Le petit signe de croix

 

Présentation par C. Marmèche.

Cette deuxième partie comporte des extraits de la fin du 6è jour de la retraite sur le signe de croix, mais aussi quelques extraits d'autres sessions, avec parfois des répétitions. Il y est surtout question du petit signe de croix tracé sur soi-même et sur d'autres personnes et objets qui est considéré comme un geste de sanctification ou de bénédiction et un rite apotropaïque[8].

J-M Martin aborde ici surtout le côté scripturaire : au  1° du côté de l'Ancien Testament on a le tav biblique imprimé sur le front dont parle Ezéchiel ; au 2° du côté Nouveau Testament d'une part avec la sphragis (le sceau) dont parle saint Paul qui est en relation avec le pneuma (l'Esprit) et d'autre part avec le chrisma (onction) dont parle saint Jean, les deux pouvant être, entre autres, référés au baptême. Le 3° a été ajouté parce qu'on vient de parler du signe de croix à propos du baptême, mais que faut-il entendre par baptême ? J-M Martin remet en cause nos façons de le penser comme le geste d'un moment.

Au début du 1) J-M Martin fait une très courte référence à un premier document situant l'historique du signe de croix (cf http://pistevo.free.fr/files/signedelacroix.pdf). Plutôt que le reproduire, puisqu'il n'en fait pas l'éloge, et pour ne pas alourdir les notes, j'ai fait un bref topo qui figure en fin de message, on peut éventuellement le lire avant de prendre le 1).

*       *

*

1) Origine de la pratique.   

a) Remarque sur un document tiré d'Internet.

J'avais dit que je dirai quelques mots à propos de le texte que vous avez trouvé sur Internet. J'en dis de façon générale que c'est une dissertation qu'un étudiant en théologie de première année aurait pu légitimement faire. Je dis “de première année” parce que c'est un texte documenté (l'auteur a été voir ce que les spécialistes ont dit de la question), mais ce n'est pas un travail de première main. Vous avez une biographie à la fin, c'est sérieux : Carcopino, Daniélou, Roguet, Rondet... des noms qu'on connaît, des gens qui ont travaillé de première main. J'ai dit néanmoins qu'il était de première année parce que c'est mal construit et mal résumé, mais ça donne des indications.

Il y a là des choses que nous n'avons pas développées parce que la question traitée dans ce texte correspond uniquement à la seconde des questions que nous posions.

Je vous ai dit d'entrée que le titre pouvait s'entendre de deux façons :

  • le signe qu'est la croix, c'est-à-dire de quoi la croix est-elle le signe ; ce qui implique le sens, la signification, la symbolique de la croix que nous avons développée à partir de l'Écriture.
  • L'autre question porte sur le signe de croix, c'est-à-dire la gestuelle (l'histoire de cette gestuelle, sa signification…). Or la signification de cette gestuelle plonge radicalement dans ce que nous avons fait, elle est donc pour nous d'une grande importance.

Mais parce qu'il n'a pas fait la première partie du travail, l'auteur se borne à étudier l'histoire d'une pratique. Ce n'est pas inintéressant mais ce n'est pas le tout de notre question. Et ça l'amène d'ailleurs à relever des choses autres que celles que nous avons relevées.

Ez 9, 4 marque sur le front, vitrail St-Cucuphas, St Denis, XIIeb) Référence au tav biblique.

À propos de la gestuelle du signe de croix, l'auteur insiste beaucoup sur la référence au “tav” biblique[9] – il correspond au “tau” grec qui s'écrit τ en minuscule et Τ en majuscule et qui donnera notre T à nous. Le tav est la dernière lettre hébraïque, donc c'est le thème du rapport de l'alpha et de l'oméga (la première et la dernière lettre grecque), thème connu par exemple par l'Apocalypse. Le tau n'est pas la dernière lettre grecque, mais ce n'est pas gênant.

De ce tav il en est question chez Ézéchiel essentiellement. Il s'agit d'une marque au front qui est un signe, mais un signe qui est gestué dans la mesure où on le fait sur soi-même ou sur autrui. C'est un thème apocalyptique, il est repris aussi dans l'Apocalypse de Jean[10].

 

2) Les notions de sphragis chez Paul et de chrisma chez Jean.

Ceci me fait penser du même coup à d'autres termes qui se trouvent chez Paul et chez Jean.

a) Sphragis (sceau) chez saint Paul.

En particulier il y a le thème de la sphragis chez abondamment chez Paul[11]. Sphragis signifie le sceau, une marque qui scelle[12].

●   Sphragis et pneuma.

Chez Paul ce terme se trouve essentiellement à propos du pneuma. Il signifie fondamentalement que nous sommes intimement marqués par la foi, éventuellement par le baptême ou par ce qui précède le baptême (la première initiation chrétienne) ; donc une gestuelle de ce genre.

« En lui vous aussi – après avoir entendu la parole de la vérité, l'évangile de votre salut – vous avez cru et vous avez été scellés (esphragisthête) du Saint-Esprit qui avait été promis » (Ep 1, 13) ; « N'attristez pas le Saint-Esprit de Dieu, par lequel vous avez été scellés (esphragisthêté) pour le jour de la rédemption. » (Ep 4, 30) ;

« Et celui qui nous affermit avec vous en Christ, et qui nous a oints (chrisas), c'est Dieu, qui nous a aussi "marqués d'un sceau" (sphragisamenos) et a mis dans nos cœurs les arrhes de l'Esprit.» (2 Cor 1, 21-22)

●   Le sceau (sphragis) de la circoncision en Rm 4, 9-12.[13]

En Rm 4, dans un contexte non baptismal, Paul parle de la foi d'Abraham, lui qui ne reçut qu'ensuite le signe de la circoncision :

« Nous avons dit en effet que la foi fut comptée à Abraham pour justification. 10Comment donc lui fut-elle comptée ? Était-ce dans la circoncision, ou dans l'incirconcision ? Non pas dans la circoncision, mais dans l'incirconcision. 11Et il reçut le signe (sêmêion) de la circoncision, comme sceau de la justification [qui] elle [était] de la foi [quand il était] dans l'incirconcision, en sorte qu'il soit père de tous les croyants (ceux qui croient en étant) dans l'incirconcision, pour que la justification leur fût aussi comptée, 12 et aussi père de la circoncision (père des circoncis), [c'est-à-dire] de ceux qui ne sont pas seulement de la circoncision, mais encore qui suivent les traces de la foi de notre père Abraham [quand il était] dans l'incirconcision..»

À propos de la circoncision d'Abraham on a donc le terme de sphragis (sceau) qui aura une importance capitale dans la première théologie du baptême[14]. Il s'agit de la marque, de l'inscription corporelle qui est ici explicitement caractérisée comme sêmêion (signe).

Onction, J-F Kieffer●   Être baptisé c'est appartenir.

Nous avons vu que saint Paul utilise le terme sphragis essentiellement à propos du pneuma (Esprit Saint). Or cela concerne le baptême chrétien en tant qu'il se démarque du baptême donné par le Baptiste.

Jean-Baptiste le dit lui-même en désignant Jésus d'après Mc 1, 8 : « Moi je vous ai baptisés d'eau, mais lui vous baptisera dans le Pneuma Sacré (l'Esprit Saint). » Chez saint Jean nous trouvons également ceci : « Moi je baptise dans l'eau. […]. Celui-ci est celui qui baptise dans le Pneuma Sacré », seulement la première partie de la phrase se trouve en Jn 1, 26, et la deuxième partie se trouve à la fin du v. 33. Autrement dit, à propos de chaque élément de ce qui fait une seule phrase chez Marc, Jean suscite deux scènes, une scène aussitôt après notre Prologue, qui va du v. 19 au v. 28, et une autre scène qui va du v. 29 au v. 34. Pourquoi ces deux scènes ? Il y va de l'identification du Baptiste puis de l'identification de Jésus. Tout le texte de Jean est construit pour qu'on aperçoive en quoi consiste la figure du Baptiste par rapport à la figure du Christ avec le thème du passage. Cette question est fondamentale parce que, pour saint Jean comme pour le premier christianisme, il y a un seul lieu qui identifie Jésus, c'est la résurrection, c'est le pneuma de résurrection. Et tous les premiers chapitres de Jean sont construits sur cette différence entre deux eaux.

Pour autant, que le Christ baptise dans le pneuma ne signifie pas premièrement qu'il y ait un baptême chrétien qui soit autre. C'est tout à fait vrai, mais ce n'est pas ce qui est visé ici. En fait il s'agit d'être plongé dans le pneuma de résurrection et de vérité. Que cela donne lieu à gestuation particulière dans le baptême, c'est vrai, c'est le développement d'une symbolique fondamentale, mais il ne faut pas que le particulier nous permette d'éluder la grande dimension du baptiser.

Au fond, le mot même de "baptiser" il faut le penser à partir d'un mode d'appartenance : être baptisé c'est appartenir, et c'est ce qui est premier. Cela peut paraître simpliste, mais cela apparaît par exemple dans l'expression « baptiser dans le nom ». Et quand saint Paul se sert de l'analogie de la circoncision qui est une marque, un signe, c'est le même vocabulaire. Ce qui est premier c'est qu'on appartienne[15].

Il faut toujours penser le baptême à partir de la plus grande ampleur, quitte ensuite à préciser. Je veux dire par là : il est évident qu'il y a des modèles purement rituels, cultuels qui existent quand l'évangile est écrit. Néanmoins il ne faut pas omettre de penser que même ces modèles s'ils sont repris éventuellement, sont ressaisis à partir du profond de la pensée. Du reste, ce qu'on appelle des rites, on ne les pense bien qu'à la mesure où on ne les pense pas comme rites.

Il faut voir par ailleurs que l'Église a été affrontée à la question des lapsi[16] lors des grandes persécutions : beaucoup de chrétiens qui n'ont pas la ferveur des premiers martyrs chrétiens, renient parfois, et puis, la persécution passée, ils voudraient rentrer à nouveau dans l'Église. Alors la question se pose : est-ce qu'il faut les rebaptiser ? Voilà une question pastorale. Il se décide que non, ils ont à accomplir une sorte de pénitence pour pouvoir rentrer, ils ont besoin de se laver les pieds[17], mais ils peuvent le faire. Et ceci donne de l'importance à une pratique déjà ancienne, celle de la célébration du pardon. Les circonstances de cette histoire donnent donc à cette pratique une autre dimension, et elles donnent en plus un élément de réflexion. Ceux qui ont renié sont sortis de l'Église par l'apostasie, or c'est le baptême qui permet d'entrer dans l'Église. Donc si on ne les rebaptise pas, c'est que quelque chose de leur baptême perdure en eux, et c'est là que de très bonne heure s'est élaborée la notion de "caractère" baptismal. Il y a donc une marque indélébile.

●    Le "caractère" produit par le baptême.

La théologie a donc largement utilisé le terme sphragis pour indiquer la marque invisible que l'on reçoit au baptême. Le langage technique de la théologie parle de “caractère”. Vous savez sans doute qu'il y a trois sacrements qui produisent un caractère : le baptême, la confirmation et l'ordre[18]. La gestuelle du baptême est bien visible, mais cette gestuelle laisse une marque invisible, intérieure, spirituelle, qui indique que le baptême n'est pas seulement le geste d'un moment mais une transformation permanente de l'être. On est baptisé dans un instant – “sacramentum tantum transit” (le signe gestuel passe) comme dit saint Thomas d'Aquin – mais reste le caractère, pour parler le langage de la théologie. Et ceci revêt une signification pastorale de toute première importance parce que, si le baptême donne la grâce de Dieu qui est le signe de la foi, la grâce de Dieu néanmoins peut se perdre par le péché grave et pour autant je n'ai pas à être rebaptisé ; c'est donc que le baptême comme baptême laisse une trace. Par ailleurs le sacrement de la Pénitence revivifie le caractère baptismal dans le domaine de la grâce. Cela justifie une pratique ecclésiale selon laquelle il y a des gestes sacramentaires qui ne se font qu'une fois et d'autres qui se réitèrent comme la Cène (l'Eucharistie) ou la Pénitence.

L'histoire de la doctrine sacramentaire est une histoire longue, intéressante, pleine de choses étonnantes. La notion stricte de sacrement au sens où nous la connaissons aujourd'hui apparaît au XIIe siècle. Bien sûr les pratiques du baptême, de l'Eucharistie etc. sont originelles. Mais lier un certain nombre de ces gestes sous un concept commun qui est le concept de sacrement, c'est le travail du XIIe siècle[19].

Cela, c'est à propos du mot sphragis. Ce sont des informations que je vous livre comme elles viennent. C'est tout à fait autre chose que la dure problématique que nous avons évoquée au début, mais il faut aussi informer.

tracé du signe de croix sur le frontb) Le chrisma.

Il y a un autre terme qui, lui, est johannique, le terme de chrisma, dans deux passages de sa première lettre[20] : nous sommes marqués du chrisma. En particulier vous avez une phrase étonnante : « Vous, le chrisma que vous avez reçu de lui (le Christ), qu’il demeure en vous. Et vous n'avez pas besoin que quelqu’un vous enseigne. » (1 Jn 2, 27).

Ce mot chrisma est de la même racine que le mot Christos et que le mot chrétien. Au cours du IIe siècle, lorsque l'on débat de la signification du mot "chrétien", il y a deux opinions chez les premiers écrivains : certains se réfèrent à Christos, mais d'autres se réfèrent au fait que nous sommes des "oints". La notion d'onction prendra une grande importance.

Les exégètes se posent la question : est-ce un geste qui trace une marque en forme de croix, par exemple, ou est-ce une réalité intérieure ? Fondamentalement et essentiellement, le chrisma est une onction et la chrismation a toujours fait partie du baptême : le pouce enduit d'huile, j'enduis le front ou différentes parties du corps par un geste cruciforme, mais ce chrisma indique surtout que mon cœur est enduit de pneuma, c'est-à-dire enduit de la connaissance que Dieu verse en moi. "Connaître, c'est être enduit de la vérité" : je trouve ça magnifique. Mais la symbolique de l'enduire n'est pas du tout restée dans notre pensée effective[21].

 

3) Remarques sur la notion de baptême à l'époque apostolique.[22]

Quand je prononce le mot de baptême, il est situé nécessairement dans un ensemble. Par exemple si je le pense comme l'un des sept sacrements,  il est situé dans les sept, mais le mot sacrement lui-même je le situe aujourd'hui dans la pratique chrétienne par opposition à la connaissance dogmatique, il est donc dans cet ensemble. Or, quand le mot baptisma intervient dans le Nouveau Testament, il n'est pas situé là parce que cet ensemble n'existe pas et qu'il en existe un autre. Or la situation d'un mot est capitale pour sa définition, donc pour ce qui est entendu dans ce mot. Et nous savons combien il est facile de reverser inconsciemment dans la lecture du Nouveau Testament des structures de pensées qui lui sont étrangères.

Le mot "baptême" chez saint Paul.  Quand Paul parle du baptême[23], il s'agit de percevoir qu'il ne s'agit pas de partir de notre conception du baptême pour comprendre ce qu'il dit : il ne s'agit pas premièrement du baptême, il s'agit premièrement du cœur même de la foi qui est la mort-résurrection du Christ ; et c'est à partir de là que le mot de baptême pourra éventuellement reprendre sens, un sens neuf, pour nous. […]

Le mot "baptême" en Mc 10, 38.Je puise maintenant dans l'ensemble du Nouveau Testament, et par exemple : « Pouvez-vous boire la coupe que je boirai ou être baptisés du baptême dont je serai baptisé ? » (Mc 10, 38). Ce qui est nommé baptisma ici c'est la mort, autrement dit ce qui est visé c'est la mort elle-même sous la désignation métaphorique de baptisma, c'est-à-dire de plongée. […]

●   Le baptême n'est pas exclusivement le moment ponctuel de la gestuation.

J'ai montré comment la mort-résurrection du Christ dans l'ensemble du Nouveau Testament trouvait déjà à se dire dans le langage du Baptême. Bien sûr, notre recueil de la mort-résurrection se nomme premièrement pistis (foi). Or cette foi, pour autant qu'elle est foi, est toujours déjà baptismale. Nous reprenons ici ce que nous avons dit à propos de l'eucharistie.

Que la foi soit toujours déjà baptismale, peut s'entendre en deux sens :

  • en ce qu'elle peut se nommer ainsi, et en particulier en tant qu'elle est initiale et initiatrice,
  • et cela peut s'entendre aussi en ce que toute foi est se réfère à une gestuation baptismale, c'est-à-dire que toute foi est vers le baptême, dans le baptême, après le baptême. Avant, pendant, après : la foi est en référence effective aux gestes du baptême, et ce que veut dire baptême n'est pas essentiellement ou exclusivement le moment ponctuel de la gestuation. Ceci n'est pas sans importance. […]

Toute foi est toujours déjà baptismale. Ceci nous invite à ne pas penser le mot de foi comme opinion et le mot de baptême comme geste. […]

Par ailleurs, pour le baptême, il faut ne pas confondre ce que les premiers Pères de l'Église ont appelé sphragis (le sceau) qui est un sceau intérieur, et le registre paroissial. Les latins ont traduit sphragis par "caractère" car le baptême ne produit pas simplement la grâce mais un caractère, ce qui fait que si je perds la grâce je n'ai pas besoin d'être à nouveau baptisé. Le sceau (ou caractère) est un signe invisible et il en existe un autre qui est visible, c'est le registre paroissial. Mais il ne faut pas confondre l'ordre du registre paroissial qui est de l'ordre de la législation, d'une normalisation des choses, et l'ordre du baptême sacramentel en tant que sacramentel[24]. […]

●   Pourquoi Paul emploie-t-il un langage baptismal ?

Je pense qu'il faut situer l'utilisation par Paul d'un langage baptismal dans le cadre de sa polémique contre les pratiques de la Loi, et notamment contre la nécessité pour les chrétiens, de la circoncision. En Rm 10, Paul privilégie, dans sa symbolique corporelle, le complexe bouche-oreille, le complexe bucco-auriculaire[25], et il déstabilise le modèle mosaïque, en combattant la symbolique génitale de la circoncision. Et ceci n'est pas hasardeux ou secondaire. En effet, cela est lié à l'idée de la vocation universelle de l'Évangile s'adressant aux Gentils, et donc à la nécessité de supprimer la symbolique plus particulièrement raciale[26]. C'est ainsi que, de la même façon, il provoque à la figure antécédente d'Abraham : la figure mosaïque est déstabilisée au profit de la figure d'Abraham qui est justifié par la foi et non par la circoncision. Cette figure d'Abraham intervient dans l'épître aux Galates et aux Romains notamment. […]

●   Conséquence.

Le baptême, quand il est entendu comme n'étant pas d'abord mon geste, se présente comme “laisser venir” la mort-résurrection du Christ. Autrement dit, le baptême est entendu d'abord comme une proposition, plus que cela, comme une initiative de Dieu, comme une action de Dieu, et même comme un engagement de Dieu. On a beaucoup insisté sur les aspects d'engagement que nous devions poser dans le baptême ou la profession de foi. Mais la première chose qui doit venir à la parole, c'est que Dieu s'engage, que, dans ce domaine, l'initiative est à Dieu.

Et, par parenthèse, cela n'est pas sans rapport avec le sens profond de la grâce, c'est-à-dire du don devant lequel ma tâche est d'accueillir, de laisser être. Cela par ailleurs, ne serait pas non plus sans conséquence sur une réflexion chrétienne du temps. Au lieu de considérer la gestualité sacramentelle comme une répétitivité dans le décours du temps, chaque geste n'est rien d'autre que de me laisser présent à ce qui, non seulement dépasse, mais encore dénonce le temps mortel, c'est-à-dire de me laisser être à la réelle présence de la mort-résurrection du Christ. C'est là le fondement même de la notion de la présence réelle dans son sens originaire à propos de l'eucharistie, et c'est une signification de l'activité principale du mystère du Christ dans tous les sacrements et singulièrement dans le baptême. […]

Notez le caractère continûment initiatique du baptême. Cela est bien une conséquence de ce que nous avons dit auparavant. On sait très bien que la foi est une chose qui n'est jamais simplement ponctuelle, mais qui a à se vivre continûment, de même pour le baptême. Avant que le geste ponctuel du baptême ne soit posé, dans le geste du baptême lui-même, et après le geste du baptême, le véritable baptême est cette réalité permanente d'être baptisé.

J'ai dit "continûment initiatique" parce que le baptême n'a pas simplement à être considéré comme une initiation pour une section de la vie humaine, pour le passage de tel âge à tel âge, mais le baptême est initiation continue à la vie éternelle. Ainsi la vie chrétienne ne cesse d'être baptismale. À ce niveau le chrétien est chrétien "pour autant que" s'accomplit en lui la mort-résurrection du Christ qui n'est jamais totalement et adéquatement accomplie[27].

 

4) Le baptême et les autres sacrements.

De ce que la vie chrétienne ne cesse d'être baptismale, il s'ensuit également une autre conséquence, c'est que les différents sacrements, ceux que l'on commémore ainsi (l'eucharistie, la réconciliation...) sont radicalement dans le baptême. L'eucharistie explicite sur un mode ce qui est déjà le baptême ; la réconciliation explicite sur un autre mode ce qui est déjà le baptême… et par suite, comme ce sont des lieux d'explicitation, et il peut même se faire qu'il soit opportun de penser le baptême à partir de ce qui l'explicite, donc à partir de l'eucharistie ou à partir de la réconciliation.

 

III – Deux informations tirées d'un document

 

●    Il n'y a pas de signe de croix dans le protestantisme.

Je pense que l'autre petit texte (cf http://www.gotquestions.org/Francais/signe-de-croix.html) est plutôt protestant, et je n'avais pas réalisé – j'ai pourtant participé parfois à des célébrations protestantes – que le signe de croix ne se pratiquait pas dans le protestantisme. Luther a dû parler contre cette pratique comme appartenant aux pratiques qui ne sont pas inscrites dans l'Écriture, pensait-il. Comme pratique, en effet, ce n'est pas inscrit dans l'Écriture. Il y a aussi toujours le risque d'un usage magique, ce qui reste vrai, encore que là il faille être très prudent dans le jugement que nous portons sur ces différentes gestuations.

●    Les deux fonctions de la croix.

On trouve aussi dans ce texte des choses qui sont dites en passant et qui sont intéressantes. Je les connais bien, j'ai lu cela dans des textes du IIe siècle. Par exemple le caractère du signe de la croix qui fait fuir les démons. Dans la pratique – et là on reste dans le domaine de l'exorcisme, ça ne dit plus grand-chose aujourd'hui. Mais ces pratiques ont existé et c'était même fondé sur l'Évangile, ce n'était pas nécessairement des pratiques de sorcellerie.

On disait : « la croix fixe et sépare », je crois vous avoir dit cela. Nous retrouvons là la fonction de pexis : pegnumi, je plante, donc ça a une signification verticale. Et nous avons dit l'importance de la position d'un point central et de l'ouverture d'une verticalité, donc des premières relations constitutives de l'homme debout. Mais en même temps la croix sépare la droite et la gauche (elle ouvre), et aussi l'avant et l'arrière. Mais comme la gauche est considérée comme les ténèbres et la droite comme la lumière dans une certaine perspective, les serviteurs de la ténèbre, les démons, les influences maléfiques, sont réputés être mis en fuite par le signe de la croix. Il en reste quelque chose, je pense, dans les turlupinades imaginaires des vampires et autres histoires du même genre. C'est une information comme ça en passant.

 

ANNEXE

Petit historique tiré de différents documents

 

Au début du II J-M Martin a fait une très courte référence à un premier document donnant l'historique du signe de croix. Plutôt que le reproduire, puisqu'il n'en n'a pas fait l'éloge, voici quelques repères historiques[28].

1/ Premières mentions du petit signe de croix.

Il semble que la première mention chrétienne[29] de signes de croix se trouve dans les Actes de Jean (v. 150-180), un texte d'origine gnostique que J-M Martin a lu par ailleurs à propos de la Croix de lumière[30] : l'apôtre Jean, « après qu'il eut fait le signe de la croix sur tout son corps se leva et dit : “Sois avec moi, Seigneur, Christ Jésus” ; puis il se coucha dans sa tombe. » ; et ici, vraisemblablement, “signer tout le corps” signifie tracer une croix sur les différents membres. 

Dans le De corona Tertullien (160-220) témoigne : « Au moment de sortir et dans nos déplacements, au début et à la fin de toutes nos activités, au moment de nous habiller et de nous chausser, au bain, à table, en allumant les lumières, quand nous nous couchons, quand nous nous reposons, à chacune de nos activités, nous frottons (terimus) notre front du "signe de croix" (signaculum).»[31]

Le dossier scripturaire de la signation est constitué pour la première fois par Cyprien, vers 250. Quatre textes y figurent : Ézéchiel 9,4-6, Exode 12,13, Apocalypse 7,3 et 14,1. Voici Ex 12,13 : « Le sang vous servira de signe (sêméiôn) sur les maisons où vous serez; je verrai le sang, et je passerai par-dessus vous, et il n'y aura point de plaie qui vous détruise, quand je frapperai le pays d'Égypte. » La référence la plus connue est celle d'Ez 9, 4.

Voici ce que dit C. Vogel sur les débuts du grand signe de croix : « Il est difficile de dire à quelle époque est apparue la "grande" signatio : il ne semble pas que ce fût avant le 8e siècle. La pratique ne se généralisa qu'à partir du 9e siècle. Dans le geste de la « grande » signation, le fidèle portait les trois premiers doigts de la main droite au front, à la poitrine, ensuite de l'épaule droite à l'épaule gauche, comme c'est encore l'usage en Orient. Innocent III (1198-1216) et Sicard de Crémone († 1215) signalent cependant que, pour la barre transversale, les deux sens étaient possibles et, de fait, employés par certains. Progressivement, à partir du 11e siècle, la signatio dite latine se différencia de la signatio grecque, quand se creusa le fossé entre Orient et Occident :  la croix latine acquit alors sa forme définitive, qu'elle soit employée pour l'auto-signation ou la signation d'autres personnes et de choses : barre verticale du front à la poitrine, barre horizontale de gauche à droite, le pouce, l'index et le médius allongés, annulaire et auriculaire repliés vers la paume. La croix grecque se décompose en barre verticale du front à la poitrine, en barre transversale de droite à gauche, l'index, le médius et l'auriculaire étendus, l'annulaire et le pouce joints à l'intérieur de la main ou superposés .La position des doigts n'est pas un effet du hasard : en elle se survit presque sans altération le geste de l'orateur antique, tel que nous le décrivent Apulée et Quintilien » (tiré de La signation dans l'Église des premiers siècles par Cyrille Vogel, article de la Maison-Dieu)

2/ Du tav au tau et au signe de croix à partir d'Ez 9, 4.

Ez 9, 4 marque sur le front, émail, XIIeAu VIe siècle avt JC il y eu plusieurs vagues de déportation des Judéens vers la Babylonie organisées par le roi chaldéen Nabuchodonosor.  Et en 597 eut lieu un premier exil massif (la marque dont il est question au verset 4 peut donc être une marque de captivité) : avec le roi Joïakîn furent l'élite administrative et sacerdotale dont Ézéchiel. Au chapitre 8 de son livre Ezéchiel est transporté en esprit à Jérusalem, et Dieu lui fait voir les abominations et les idolâtries que les Judéens y commettent. Au chapitre 9 Dieu s'adresse à six hommes portant chacun un instrument de mort, et à l'un d'eux il dit :

« 4Passe par le milieu de la ville, par le milieu de Jérusalem, et tu marqueras (taveh) une marque (tav) sur le front des hommes qui soupirent et qui gémissent à cause de toutes les abominations qui s'y commettent” ; 5et à mes oreilles, il dit aux autres: “Passez après lui dans la ville, et frappez; que votre œil soit sans pitié et n'ayez point de miséricorde. Tuez, détruisez les vieillards, les jeunes hommes, les vierges, les enfants et les femmes; mais de quiconque a sur lui la marque (tav) n'approchez pas.” »[32]

L'expression « tu marqueras (taveh) une marque (tav) sur le front des hommes » a été interprétée de deux façons car en hébreu tav le sens de "marque" indéterminée[33] mais désigne aussi la dernière lettre de l'alphabet, et la traduction de la Vulgate s'est faite d'après cette deuxième possibilité.

Traductions de “tu marqueras (taveh) une marque (tav) sur le front des hommes” :

  • dos to sêméion ta metôpa tôn andrôn (appose le signe au front des hommes) : Septante.
  • signa thau super frontes virorum (signe un tau sur le front des hommes) : Vulgate.

De plus ce tav a changé de forme : du temps d'Ézéchiel il avait la forme d'une croix : + ou × alors qu'ensuite il s'est écrit ת en lettre carrée.

évolution du tav hébreu

 Du tav au tau puis au T :

  • Le tav (prononcer tav' en faisant sonner le v) correspond au tau grec (prononcer ta.ou)
  • Le tau s'écrit τ en minuscule et Τ en majuscule, il donnera notre T à nous.

Or la croix du crucifié ressemble au T avec sa forme de croix potencée. Certains ont donc vu dans la marque sur le front dont parlait Ezéchiel[34].

Ainsi Tertullien, quand il commente signa thau super frontes virorum suggère que le signaculum (le signe de croix) correspond à cette marque :

« Il s'agit de la lettre grecque tau, de notre propre lettre T, la forme de croix (species crucis) qu'il (Ezéchiel) annonçait être portée plus tard sur nos fronts dans la Jérusalem véritable et universelle. » (Contre Marcion III, 22, 6).

3/ La marque qu'est la sphragis chez les Pères de l'Église (par A-M Roguet) [35].

Les Pères de l'Église ont repris le mot et l'image de la sphragis et les ont exploités largement. La sphragis, en latin signaculum, désigne à la fois l'objet avec lequel on imprime une marque et l'empreinte produite par cet objet. Dans la catéchèse du baptême, sphragis désignera donc indistinctement un rite et ses effets symboliques. Ce rite, c'est l'imposition du signe de la croix sur le front du candidat air baptême. Sa place a varié, il a pu d'ailleurs être répété. Il est souvent conféré après le baptême, avec l'onction chrismale. Il sera repris encore avec l'onction chrismale de la confirmation, laquelle portera d'ailleurs à Rome le nom de "consignation" (tandis qu'en Orient, on l'appelle muron, parfum).

Dans la vie courante, la sphragis était le sceau dont un propriétaire marquait les objets lui appartenant. Parmi ces objets, retenons ceux qui intéressent la symbolique du baptême et qui ont été exploités par les catéchèses. Tout d'abord les brebis, marquées au fer rouge par les bergers, pour les distinguer des brebis appartenant à d'autres troupeaux. Ainsi la sphragis ne signifie pas seulement que le baptisé appartient au Christ, mais au troupeau du Christ. Nous entrevoyons déjà la portée ecclésiologique de ce symbolisme.

L'Église est le bercail du Christ. « Approchez-vous, dit Cyrille de Jérusalem, du sceau sacramentel, afin que vous soyez reconnus par le maître, soyez comptés dans le saint et intelligible troupeau du Christ, afin d'être rangés à sa droite. » Théodore de Mopsueste : « Cette consignation, dont tu es signé maintenant, est le signe que tu as été désormais marqué comme brebis du Christ. Car une brebis, dès son acquisition, reçoit la marque par laquelle on reconnaît à quel maître elle appartient, et aussi elle paît au même pâturage et elle est dans le même bercail que celles sur qui a été apposée la même marque, indiquant qu'elles appartiennent au même maître. » Quant au Pseudo-Denys : « Par ce signe, le catéchumène est reçu dans la communion de ceux qui ont mérité la déification et qui constituent l'assemblée des saints. »

On marquait aussi les soldats par un tatouage représentant en abrégé le nom de leur général. Le signaculum baptismal signifie donc l'appartenance à l'armée du Christ-Roi. Ce thème militaire se retrouve ailleurs dans la catéchèse des rites baptismaux. L'inscription au premier dimanche de Carême pour être baptisé à la Pâque prochaine est un enrôlement. Le Carême est la période d'entraînement du soldat (exercitatio quadragesimalis). Le renoncement à Satan (l'apotaxis) et l'attachement à Jésus-Christ (la suntaxis) signifient le passage d'une armée à l'autre, d'une taxis à une autre. […]

Enfin la sphragis, faite sur le front, marquait l'appartenance de l'esclave à son maître. De même certains dévots s'infligeaient une marque semblable pour manifester leur appartenance à un dieu. Ce signe est un signe de protection, à cause de la crainte qu'inspire, à défaut de l'esclave, le maître auquel il appartient.

Ce nouvel aspect de la sphragis ne s'explique pas seulement par référence à la civilisation païenne mais aussi à une typologie biblique. Caïn est marqué par Dieu d'un signe de protection. Dans Ezéchiel, les membres de l'Israël futur sont marqués au front d'un tau (9, 4). Dans l'Apocalypse, les serviteurs de Dieu sont marqués au front pour être préservés des calamités imminentes (7, 3, capitule de la Toussaint). Or, ce signe est sans doute le signe de l'Agneau, c'est-à-dire le signe de la croix. Rappelons-nous (nous sommes en pleine typologie baptismale) que, lors de l'Exode, les portes des maisons d'Israël sont marquées avec le sang de l'Agneau, pour être préservées de l'extermination. Et ne quittons pas le texte de l'Apocalypse sans remarquer que les cent quarante-quatre mille marqués ne sont pas seulement préservés. Avec une foule immense, ils se massent devant le trône et devant l'Agneau pour chanter sa gloire. Ainsi, non seulement ils sont préservés et purifiés par le sang de l'Agneau, mais ils sont députés à son culte, ils sont constitués en peuple sacerdotal.

Le P. Daniélou relève enfin chez les Pères une dernière typologie de la sphragis. Saint Cyrille écrit : « Après la foi, nous recevons, comme Abraham, la sphragis spirituelle, étant circoncis dans le baptême par le Saint-Esprit. » La sphragis était donc préfigurée par la circoncision juive, rite d'agrégation au peuple de Dieu, rappel de l'alliance. Saint Paul d'ailleurs appelle la circoncision d'Abraham une sphragis (Rom., 4, 11). Les Pères mettaient en parallèle la circoncision comme reçue au huitième jour et le baptême comme participation à la résurrection du Christ, le lendemain du sabbat, c'est-à-dire le huitième jour.

Et enfin les Pères, à la suite de saint Paul, mettent en relation la sphragis avec le don de l'Esprit-Saint. C'est que l'Esprit-Saint est le sceau de la nouvelle Alliance. « Ce n'est plus une marque dans la chair » comme la circoncision et la première alliance, « mais une transformation opérée par l'Esprit » (Daniélou, loc. laud., p. 94). Certes, cette transformation ressortit bien davantage à la grâce qu'au caractère, pour revenir aux catégories d'une théologie plus récente. Mais la doctrine du caractère, si elle n'est pas contenue ici d'une manière explicite, est au moins ébauchée et préfigurée dans un de ses éléments essentiels : l'alliance, dont Dieu a l'initiative, est éternelle. L'homme peut bien y manquer. Dieu, lui, ne se repent pas de ses promesses. Le sceau de l'alliance est donc inviolable, la sphragis est indélébile.



[1] Sœur Paule organisait cette retraite de Nevers en y participant. Voir Témoignage de sœur Paule Farabollini.

[2] Ce passage est extrait du début du 5è jour de la retraite. Les odes de Salomon est un recueil de 42 poèmes très anciens qui datent peut-être de la fin du Ier siècle, début du IIe siècle. C'est une ancienne élève de J-M Martin,  Marie-Joseph Pierre, qui, avec le concours de J-M Martin, a fait la traduction publiée aux éditions Brepols 1994, dans la série Apocryphe, volume 4 : toutes les références de pages renvoient à ce livre. Pour avoir la totalité de ce que J-M Martin a dit à partir de ces Odes le 5è jour de la retraite : La croix dressée, méditation à partir d'Odes de Salomon. Se laisser configurer.

[4] Cela rejoint une remarque de A-M Roguet dans un article de la revue 75 de la Maison-Dieu: « Les premiers chrétiens pratiquaient encore le culte de la croix d'une manière qui, malheureusement, est totalement désuète aujourd'hui. Ils ne se marquaient pas seulement du signe de la croix (le petit signe fait avec le pouce, car le grand signe d'une épaule à l'autre, fait avec toute la main, est très tardif), ils aimaient à se faire tout entiers signes de la Croix, en priant les bras étendus. » (Du signe de la croix et de son bon usage)

[5] Les sacramentaux sont des signes de natures diverses, dont le rite est défini par l'Église catholique, cela a varié au cours des temps : signe de croix, bénédiction d'objets ou de personnes, lavement des pieds, exorcisme, procession, prière, célébration…

[6] Dans la revue 75 de la Maison-Dieu, C. Vogel dit : «Une des formules les plus anciennes aura été : Signum (signaculum, sphragis) crucis (ou Christi), ou encore In nomine Dei (Iesu). Très tôt est apparue la formule trinitaire, en raison des liens étroits, unissant signatio et baptême : In nomine patris et filii et spiritus sancti (Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit). On le voit déjà dans les Constitutions Apostoliques, VIII, 12 (Quasten, 212-213), peut-être aussi dans Tertullien, De baptismo, 6 : Fides obsignata in patre et filio et spiritu sancto.» J-M Martin a parlé de cette formule lors de la session sur le Credo (tag CREDO) : «Le baptême est le sacrement de la foi. Il est la foi gestuée, et nous en avons encore des traces dans la liturgie de la vigile pascale. La foi se professe en rapport « au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit », c'est la formule qui se trouve au terme de l'évangile de Matthieu au moment de l'Ascension : « Allez enseigner toutes les nations, les baptisant dans le nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. » Cette triple mention correspond à trois mouvements que nous avons aperçus quand nous lisions le texte de la Tradition apostolique d'Hippolyte de Rome qui se situe au tout début du IIIe siècle et qui est trinitaire sous la forme questionnée :

– « Crois-tu au Père ? » Réponse : « Je crois. » On pose la main sur le front et on plonge dans l'eau.
– « Crois-tu au Fils ? » Réponse : « Je crois. » On pose la main sur le front et on plonge dans l'eau.
– « Crois-tu au Saint Esprit ? » Réponse : « Je crois. » On pose la main sur le front et on plonge dans l'eau. »

[7] « Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit » : In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti.

[8] Un rite apotropaïque est un rite de protection cherchant à écarter les influences des mauvais esprits (du grec apotropein, « détourner »).

[9] Voir le topo fait dans l'annexe mise à la fin qui explique l'histoire du tav et du tau..

[10] « Il dit: Ne faites point de mal à la terre, ni à la mer, ni aux arbres, jusqu'à ce que nous ayons marqué (sphragisômen) du sceau le front des serviteurs de notre Dieu. » (Ap 7, 3) ; «Je regardai, et voici, l'agneau se tenait sur la montagne de Sion, et avec lui cent quarante-quatre mille personnes, qui avaient son nom et le nom de son Père écrits (gégramménon) sur leurs fronts. » (Ap 14, 1)

[11] On trouve aussi sphragis chez saint Jean : « Celui qui vient du ciel témoigne de ce qu'il a vu et entendu, et son témoignage, nul ne le reçoit. Qui l'accueille authentifie (esphragisen) que Dieu est vrai. » (Jn 3, 31-33) ; « Procurez-vous non la nourriture qui périt mais la nourriture qui demeure en vie éternelle, celle que le Fils de l'homme vous donnera, car c'est lui que le Père a authentifié (esphragisen) » (Jn 6, 27)

[12] Chez les Anciens « le sceau était un objet usuel, comme peut le constater tout visiteur d'un musée des antiquités. Ce petit objet de pierre fine (ou en métal, en ivoire, etc.) portait le nom de son propriétaire, parfois accompagné d'un emblème. L'empreinte du sceau servait de signature au bas des documents écrits. Tout citoyen fortuné avait un sceau. Le mot désigne à la fois l'objet et son empreinte (en grec sphragis, en latin signum, sigilum, signaculum). Le sceau est d'abord le cachet employé pour rendre un acte authentique (1R.21, 8 ; Jé.32,10). Le sceau désigne aussi la marque qu'on imprime sur un animal pour indiquer son propriétaire. Poser son sceau sur un objet, c'est indiquer qu'on en prend possession. Le mot, en latin signaculum, désigne aussi la marque (sorte de tatouage sur la main ou le bras) que portait chaque soldat pour attester qu'il avait prêté serment (sacramentum) à son général.» (Gérard-Henry Baudry, Le baptême et ses symboles, éd. Beauchesne, 2001)

[13] Cette partie et la suivante proviennent du chapitre Penser le baptême.

[14] C'est à partir du IIe siècle qu'on rencontre des textes où le terme sphragis est explicitement associé au baptême. Les deux plus anciens sont le Pasteur d'Hermas dont on sait qu'il circulait au milieu du IIe siècle, et une homélie du Pseudo-Clément (2 Clément) qui est de la même époque. Par ailleurs on relève aussi que « le nouveau converti, au moment de son admission au catéchuménat, était marqué au front du signe de la croix. Cet usage apparaît déjà au début du 3e siècle. Depuis la fin du 4e siècle au moins, la consignation du catéchumène est un rite universellement attesté, en Orient et en Occident. » (C. Vogel, op. cité)

[15] On trouve déjà cela dans l'Ancien Testament : « L'auteur de Job utilise la métaphore pour affirmer que les étoiles sont des créatures et non pas des êtres divins : “Sur les étoiles il (Dieu) met son sceau.” (Job 9, 7) Les étoiles portent son nom, autrement dit, elles sont sa propriété, comme tout ce qui est créé. La métaphore chrétienne du sceau s'appuie d'abord, semble-t-il, sur le fait que le sceau antique portait le nom du propriétaire, de sorte que son usage remplaçait ce que nous appelons «la signature», mot provenant précisément du latin signum. Porter «le sceau du Seigneur» équivaut à porter son nom, c'est-à-dire lui appartenir. C'est à partir de cette interprétation que le fameux texte d'Ézéchiel (Ez. 7 à 9) sur le châtiment final va jouer un rôle important, à la fois prophétique et préfigurant le mystère chrétien. » (Gérard-Henry Baudry, Le baptême et ses symboles, éd. Beauchesne, 2001)

[16] Au cours des premiers siècles un lapsus est un chrétien qui a renié sa foi par peur des persécutions.

[17] Allusion à la scène du lavement des pieds (Jn 13). J-M Martin, à partir du dialogue avec Pierre, interprète le lavement des pieds comme la possibilité du pardon. Cf Jn 13, 1-15 : Lavement des pieds ; dialogue avec Pierre

[18] Cf dans la session Le Sacré dans l'évangile, chapitre VI, II - 1° d) La notion de "caractère" (tag SACRÉ).

[19] Cf dans la session Le Sacré dans l'évangile : tout le chapitre VI. (tag SACRÉ)

[20] Par exemple « Le chrisma que vous avez reçu de lui, qu’il demeure en vous. Et vous n'avez pas besoin que quelqu’un vous enseigne.» (1 Jn 2, 27)

[21] Cette méconnaissance ne date pas d'aujourd'hui : « Le symbolisme de l'onction est peut-être un des plus délicats à ressaisir aujourd'hui parce que l'huile n'a plus son rôle de l'antiquité, où elle était à la fois savon, parfum, médicament. Mais encore faudrait-il d'abord qu'on puisse se douter qu'il y a de la vraie huile dans les burettes où le curé fourre son doigt de temps en temps, et puis que ce qu'il fait avec elle est vraiment une onction. On sait bien que les nageurs qui vont prendre le départ pour la course de Noël s'enduisent de corps gras; on a vu les coureurs cyclistes se frotter d'embrocation avant de pédaler dur; on s'est peut-être soi-même servi de produits plus ou moins similaires avant de s'exposer à un bain de soleil. Mais quel rapport y a-t-il entre tout cela et ce pouce qui va furtivement du petit gobelet mystérieux à un coin de la peau vite frotté de coton avant qu'on ait même pu percevoir qu'on y avait déposé quelque chose ? » (Louis Bouyer, La Maison-Dieu n° 32, octobre 1952)

[22] Extrait de  Penser le baptême (sauf le paragraphe qui concerne le rapport sphragis et registre paroissiale, il vient de la session sur le Credo, tag CREDO)

[24] Chaque année certains demandent à être "débaptisés", et la seule chose qui soit possible c'est de les radier des registres de leur paroisse d'origine.

[25] « …Telle est la parole de la foi que nous proclamons. Car si tu professes de ta bouche que Jésus est Seigneur, et si tu crois dans ton cœur que le Dieu l'a ressuscité d'entre les morts, tu seras sauf. Car on croit de cœur pour l'ajustement on professe de bouche pour le salut. » (Rm 10, 7-10).

[26] À première vue, la nécessité de professer de bouche que Jésus est Seigneur (ou une autre formule équivalente) ne semble pas être universelle puisque se pose le problème de ceux qui n'ont pas reconnu Jésus, soit qu'ils aient vécu avant, soit qu'il leur ait été mal présenté, soit  que... À cette objection  J-M Martin répond en parlant de christité présente en tout homme : « Cette christité peut être présente d'une façon qui, pour nous, serait considérée comme muette. Jésus dit : Personne ne vient au Père sinon par moi. Tout homme est donc sauvé par le Nom de Jésus, mais le Nom n'est pas l'énonciation verbale. Les Anciens distinguent très bien le visible et l'invisible du Nom. L'expression “l'invisible du Nom” se trouve en particulier très développé dans l'Évangile de la Vérité. Ceci pour éclairer une difficulté très grande sur la nécessité de professer la foi. En effet : on passe par le Nom de Jésus, mais pas le nom articulé. L'Évangile de Vérité nous dit bien qu'il ne s'agit pas du nom composé de six lettres. Six ? Jésus en grec, Iêsous, c'est six lettres, et comme il nous parle en grec, il dit “six lettres”. » (Session Connaître et aimer, tag 1JEAN).

[27] Dans un cours précédent J-M Martin avait passé un bon moment sur l'expression "pour autant que" : « Je vais parler de l'homme pour autant qu'il est l'homme de l'Évangile. (…) Quand Paul dit que nous avons déjà traversé la mort, il faut entendre : "le caché de nous qui a déjà traversé la mort". (…) Et j'emploie ce "pour autant que" afin d'éviter la confusion avec le "en tant que" (l'homme en tant qu'homme appartient à la logique). »

[28] Je rappelle que J-M Martin ne relit pas les transcriptions de ses interventions.

[29] Dans son article C Vogel mentionne ceci : «La signatio comme geste n'est pas spécifiquement chrétienne, pas plus d'ailleurs que ne l'est la forme de la croix. Les sectateurs de Mithra connaissaient le baptême et la signation. Tertullien, qui nous renseigne sur ce point, attribue le signe de croix mithriaque à une imitation diabolique des rites chrétiens : « Tingit (ablution baptismale) Mithra et ipse quosdam… Mithra signat illic in frontibus milites suos. » (De praescriptione haereticorum, c. 40 (PL, 2, 54-55))

[30]  Cf. Titres du Christ au IIe s. à partir de : La croix de lumière (Actes de Jean) ; un passage du Dialogue avec Tryphon de st Justin. Un autre message plus complet sur ce passage des Actes de Jean est en préparation.

[31] Tertullien, De corona (211), III, 4 (PL, I, 80). Pour lui le signe de la croix n'est pas attesté dans les Écritures. Au IVe siècle, dans sa treizième catéchèse baptismale sur la croix, saint Cyrille de Jérusalem en précise les bienfaits : « Ne rougissons donc pas de reconnaître publiquement le Crucifié. Que nos doigts gravent hardiment son sceau sur notre front et qu'en toutes circonstances la croix en soit tracée : sur le pain que nous mangeons, sur les boissons que nous buvons; quand nous entrons, quand nous sortons; avant de dormir, au lit; au lever, en voyage, au repos. La croix est une puissante sauvegarde : gratuite, en faveur des pauvres; pas fatigante, en faveur des faibles. Aussi bien est-elle la grâce de par Dieu, signe des croyants et crainte des démons; par elle en effet il a triomphé de ceux-ci en les donnant franchement en spectacle. Lorsqu'en effet ils voient la croix, le Crucifié leur revient en mémoire : ils redoutent celui qui a écrasé les têtes du dragon. Ne méprise pas ce sceau à cause de sa gratuité, mais à cause de lui vénère davantage ton bienfaiteur. » (Ch. 36. Trad. du chanoine Bouvet, Les écrits des saints, Namur, 1962, p. 294)

[33] Le verbe "marquer" lui-même a un sens indéterminé, il n'est employé qu'une autre fois dans la Bible : «Il (David) se montra comme fou à leurs yeux, et fit devant eux des extravagances; il "faisait des marques" (vay-tav) sur les battants des portes, et il laissait couler sa salive sur sa barbe. » (1 Samuel 21, 13)

[34] Ceci est attesté dans un passage des Homélies sur Ézéchiel d'Origène.

[35] Extrait de "La théologie du caractère et l'incorporation à l'Église" de A-M Roguet, La Maison-Dieu n° 32, octobre 1952. A-M Roguet dit en note que cette partie de son exposé résume ce que dit Jean Daniélou, Bible et liturgie, ch III.

 

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