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La christité
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  • Ce blog contient les conférences et sessions animées par Jean-Marie Martin. Prêtre, théologien et philosophe, il connaît en profondeur les œuvres de saint Jean, de saint Paul et des gnostiques chrétiens du IIe siècle qu’il a passé sa vie à méditer.
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12 mars 2016

Mise en rapport des récits de création de Gn 1-3 avec la croix en saint Jean et dans les premiers textes chrétiens

Pour nous la croix est un instrument de supplice, mais elle n'était pas vue ainsi dans les premiers temps. Ils ont lu la croix dans la création, soit par sa double action (fixer et séparer), soit par son symbolisme vertical ciel-terre, soit par la reprise du geste d'Adam par le Christ, soit...

Jean-Marie Martin, théologien, a exercé jusqu'en 1993 à l'Institut Catholique de Paris comme enseignant et directeur de département. C'est lors de ses études à l'Université grégorienne de Rome que le Père Antonio Orbe l'a initié à la lecture des commentaires, orthodoxes ou non, des premiers siècles. Dans ses cours à l'ICP et dans les interventions qu'il a faites depuis sa retraite, il a souvent parlé des relectures du début de la Genèse faites par saint Jean et saint Paul[1]. Cela figure dans plusieurs messages du blog, et il m'a semblé intéressant d'en tirer des extraits sur le thème de la croix. Lors de ses interventions, J-M Martin n'a en général devant lui que son Nouveau Testament en grec, et ne peut donc donner que peu de citations, j'en ai donc ajoutées, certaines étant liées à l'iconographie. J'ai mis des extraits de Gn 1-3 dans une traduction proche de l'hébreu (au I début de Gn 1; au II extraits de Gn 2-3), en particulier le texte de Gn 2-3 est assez complexe. Et j'ai ajouté toutes les notes.

                                                       Christiane Marmèche 

 

 

La croix et les récits de Gn 1-3

 

I – Rapports entre la croix et le récit de Gn 1[2]

 

Gn 1. « 1En-tête (dans le principe) Dieu créa le ciel et la terre, la terre était tohu et bohu, et la ténèbre à la surface de l'abîme (tehom) et le souffle (esprit, vent) de Dieu planait sur la face des eaux. 3Et Dieu dit : “Soit lumière” ; et fut lumière. 4Et Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara entre la lumière et la ténèbre. 5Et Dieu appela la lumière "jour" et il appela la ténèbre "nuit". Et fut soir et fut matin, jour un. 6Et Dieu dit : Soit un firmament (une voûte) au milieu des eaux, et qu'il sépare entre les eaux et les eaux. 7Et Dieu fit le firmament et partagea entre les eaux qui sont de dessous le firmament et entre les eaux qui sont de dessus le firmament, et il en fut ainsi. 8Et Dieu appela le firmament "cieux". Et fut soir et fut matin, jour deuxième. 9Et Dieu dit : que s’assemblent les eaux de dessous les cieux dans un lieu un et qu’apparaisse la sèche. Et fut ainsi. 10Et Dieu appela la sèche "terre" et il appela l'amas des eaux "mer". Et Dieu vit que bon. »[3]

 

1) Première étude à partir de la croix de lumière des Actes de Jean 98, 7-11.[4]

croix de lumière, Notre Dame d'UrvilleParmi les quelques textes que nous allons citer, nous allons utiliser d'abord les Actes de Jean. C'est un ouvrage apocryphe, qui reflète une pensée sectaire – au sens d'hétérodoxe – qui est à situer très tôt, aux environs de l'année 150, et qui nous aidera à détecter quelque chose du langage johannique.

« Cette croix de lumière – c'est dans le contexte d'une vision, il s'agit de l'apparition d'une croix qui est lumière – je l'appelle à cause de vous parfois parole (logos), parfois intellect, parfois Jésus, parfois porte, chemin, parfois pain, parfois semence, parfois résurrection, parfois Fils, parfois Père, parfois Esprit [Saint], parfois vie, parfois vérité, foi, parfois grâce, mais ce sont là des dénominations pour les hommes. Ce qu'elle est réellement en tant que pensée en elle-même, et dite par rapport à nous, c'est d'être le partage de toutes choses ; et ce qui a été fixé à partir des éléments sans solidité – les éléments fluides, évidemment ici référence à Gn 1, 2 –  c'est la terre et l'harmonie – il faudrait traduire ici par un mot comme la mise en ordre, l'assemblage – de Sagesse (la Sagesse créatrice). »

 

Le sens de la croix est fondé sur une certaine exégèse des premiers versets de la Genèse. En effet le texte que nous venons de citer dit que la croix est le partage de toutes choses, or à la Genèse, Dieu sépare les eaux d'en haut et les eaux d'en bas, la ténèbre de la lumière, la terre sèche de ce qui est humide. Nous avons là l'action de tri et de séparation qui est l'action initiale dans la cosmogonie mosaïque. Notre texte fait allusion à « des éléments sans solidité », c'est cette ténèbre, ces eaux, ces fluctuances, l'abîme ; et ce qui est « fixé », c'est la terre ferme, la disposition de la Sagesse.

Ce qui est dit également c'est que cette croix est lumière. Or, à la Genèse la lumière apparaît au verset 3 (« Que la lumière soit »), et l'apparition de la lumière met en ordre les éléments fluants en les consolidant et en les distinguant, c'est-à-dire en les séparant. Vous comprenez cela : la séparation du haut et du bas, de la droite et de la gauche... La figure de la croix et la figure de la lumière dans sa fonction cosmogonique sont donc reprises par la première pensée chrétienne.

Nous commençons à apercevoir les profondeurs de ce symbolisme de la croix dans le premier christianisme. Nous avions noté déjà que l'intelligence de la croix était alors très différente de ce qu'elle est devenue comme simple signe de la souffrance anecdotique d'un homme, jadis ; cela nous l'avions aperçu même à travers les représentations iconographiques de la croix. Il importe qu'au-delà de cette distinction négative, nous apercevions progressivement de plus en plus quelle est l'intelligence positive de ce symbole constituant, ce symbole fondamental du christianisme.

Par ailleurs la croix a un rôle de coagulateur, un rôle de fixateur, une sorte de confirmation des choses, une fonction d'axialité. Solidifier. Et cette croix organisatrice est plus ou moins assimilée à la fonction de la Sagesse qui organise. Il y a dans le texte le terme harmonia qui est de même racine que  harmozeïn[5], c'est un terme dit de la Sagesse préexistante qui est auprès de Dieu à la création du monde dans le livre des Proverbes au chapitre 8. Tout cela va très loin en dépit des apparences.

Pv 8. (C'est la Sagesse qui parle) « 22Le Seigneur me créa, arkhê (commencement, principe) de ses voies vers ses œuvres, 23avant cet âge il me fonda dans l'arkhê, 24avant de faire la terre et avant de faire les abîmes, avant que ne s'avancent les sources des eaux, 25avant que les montagnes ne soient fixées, avant toutes les collines, il m'engendre. Le Seigneur fit les pays peuplés et les inhabités et les extrémités habitées de celle qui est sous le ciel. 27Quand il préparait le ciel, j'étais à ses côtés, et lorsqu'il déterminait son trône sur les vents. 28Quand il faisait solides les nuages d'en haut, et comme il plaçait inébranlables les sources de celle qui est sous le ciel (c'est-à-dire la terre) [lorsqu'il imposa à la mer son ordonnance, 29et les eaux ne transgresseront pas sa parole] et il faisait solides les fondements de la terre, 30j'étais auprès de lui en plein accord (harmôzousa), moi, j'étais celle en qui il se réjouissait, jour après jour, j'étais dans la joie en sa présence à tout moment lorsqu'il était dans la joie d'avoir achevé la terre habitée, et qu'il trouvait sa joie dans les fils des hommes. »

●   Les deux fonctions de la croix.

La croix a deux fonctions, disent les écrivains du IIe siècle : elle a une fonction de confirmation (de consolidation, de fixation, d'expêxis – de pêgnumi, pêxô, ficher, fixer) et de jugement parce qu'elle est en même temps une limite : elle ouvre la différence entre la droite et la gauche avec la symbolique essentielle de la droite et de la gauche comme on la connaît toujours.

Je redis ma petite histoire du fromage. Elle est attestée assez tardivement, mais je trouve que c'est une bonne introduction à la compréhension simultanée de la con-formation (de l'affirmation, de la formation) et de l'exclusion (du discernement) : il s'agit de la formation du for-mage (en italien ils disent encore formagio), donc de ce qui prend forme et acquiert une structure solide. C'est le même mouvement qui compacte ce qui prend forme et qui évacue ce qu'on appelle le petit lait. Autrement dit c'est le même geste qui a une fonction de confirmation (de con-formation) et d'exclusion (le même geste qui confirme et exclut). Et ceci correspond au double sens de la croix qu'on trouve dans des homélies du IIe siècle. La croix est même principe de formation du monde, étant donné qu'elle est le quatre fondamental, l'axialité à deux ou trois dimensions (puisqu'il y a des croix à trois dimensions). C'est un des lieux de méditation.

Simultanément elle a toujours été considérée comme principe de discernement. Je pense que ça remonte à la signification exorcistique de la croix : elle fait fuir le mal, donc elle conserve le bon. Par ailleurs elle distingue la droite et la gauche, le haut et le bas, le devant et le derrière, c'est-à-dire qu'elle est à la base des discernements, positifs cette fois – car discerner peut avoir plusieurs sens, il y a un discernement qui exclut et un discernement qui répartit. Donc dans les deux cas elle a cette fonction

 

2) Deuxième étude : lecture sacrificielle de la croix[6].

On sait que le péché fondamental est traité par Paul surtout dans la figure de Adam pécheur de Gn 3[7]. Jean, lui, ne parle pas d'Adam, il médite la première manifestation de l'homme qui est la fratrie meurtrière, c'est pourquoi il médite la figure de Caïn. Il le dit explicitement au chapitre 3 de sa première lettre : « 11C'est ceci l'annonce que vous avez entendue dès le principe, que nous ayons agapê[8] mutuelle, 12non pas comme Caïn qui était du mauvais et qui égorgea son frère[9]» En effet, du fait que Caïn est celui qui donne la première mort qui est un meurtre, il ouvre cette région de la mort et du meurtre dans laquelle nous sommes.

Et pour Jean, très certainement, la mort du Christ par rapport à son double – c'est-à-dire par rapport à l'humanité – est une reprise inversée de ce qui était en question dans la figure archétypique d'Abel et de Caïn.

En lisant la première lettre de Jean nous avons entendu que le meurtre ne désigne pas seulement de choses sanguinolentes au sens habituel du terme, mais désigne la même chose que la haine ou même simplement l'indifférence parce que le mot "haine" est générique par rapport aux différentes dénominations spécifiques du refus. Nous avons noté que d'être meurtrier et d'être mortel, cela venait ensemble : nous sommes meurtriers d'être mortels et nous sommes mortels d'être meurtriers car « aucun meurtrier n'a la vie en lui » (1 Jn 3, 15) : il est mort.

Or tout se passe comme si l'inévitable meurtre demandait toujours d'avance d'être rendu possible et donc pardonné. Cela peut vous paraître étrange, mais je donne un exemple qui montre qu'il ne faudrait pas seulement s'en tenir à la gestion des rapports humains entre eux comme le font René Girard et d'autres, parce qu'il y a des choses beaucoup plus vastes, cela concerne tout ce qui est violence, tout ce qui est rapine, tout ce qui est vécu comme quelque chose qui, de quelque manière, ne se doit pas, et qui doit donc d'avance être absous.

labourer la terreJ'ai bien dit que cela demandait d'avance d'être rendu possible. Bien sûr, cela ne vous dira rien que grappiller, cueillir, arracher les fruits, puisse être vécu comme quelque chose de non-dû, d'indu, que fouiller la terre pour la cultiver soit vécu comme quelque chose d'incestueux quasiment. Cela vous apparaît aberrant parce que, pour vous, la terre ce n'est pas la mère. C'est dommage. C'est dommage que la terre, par exemple, soit devenue une planète, qu'elle soit devenue une réserve de matériaux et d'énergie pour qu'on la manipule sans plus. Nous y sommes aidés parce que nous distinguons clairement "les êtres" comme nous disons c'est-à-dire les humains, et puis les choses qui ne sont que des choses. Mais ça, ce sont des distinctions de nous, c'est-à-dire des distinctions qui ont leur histoire : le mode d'être à la terre.

C'est pourquoi il y a beaucoup de sacrifices qui sont en lien avec le travail agricole, et il ne faudrait pas se hâter d'interpréter cela comme nous le faisons méchamment par la volonté d'attirer la bonne récolte. Ce n'est pas exclu, mais ce n'est pas dans le sens que nous pensons. Cela n'est pas la simple perversité ou le simple intérêt sordide. Ça, c'est la réduction que nous sommes conduits à faire, de notre point de vue.

Cette donation qui est toujours d'avance un pardon, nous la retrouvons également dans ces choses.

●   La lecture johannique de la mort-résurrection du Christ.

Je reviens à la fraternité, au rapport d'homme à homme. Ce qui est mis en regard de la fraternité archétypique, c'est une lecture johannique de l'événement du Christ. L'événement christique a l'air d'être un meurtre mais il n'est pas un meurtre, c'est un meurtre manqué. C'est ce que dit explicitement Jean au chapitre 10 : « Ma vie personne ne la prend, je la donne. » Je la donne, c'est-à-dire qu'elle est donnée d'avance, elle est même donnée pour la prise, mais pour la prise qui manque. Il est de la qualité de la mort du Christ d'avoir la résurrection inscrite en elle. La résurrection n'est pas quelque chose qui surgit après coup, de façon aléatoire et qui aurait pu ne pas… mais elle est inscrite dans le mode même que le Christ a de mourir.

Par là se trouvent dénoués la chair et le sang selon le régime faible de leur appartenance antérieure, pour qu'ils soient renoués solidement. Il y a la re-formation de l'homme qui passe par la dé-formation de la structure, la dé-formation de ce qu'il en est du rapport des choses constitutives de l'homme. C'est très important pour la suite parce que chair et sang se défont, se dénouent dans le Christ, mais pour se renouer : le sang qui coule du Christ et qui est assimilé par saint Jean au pneuma[10], c'est-à-dire au principe de vie de la résurrection, c'est lui qui irrigue le nouveau corps du Christ qui est l'ensemble de l'humanité, c'est son corps de résurrection.

C'est de cette façon-là que Jean insiste dans son chapitre 19 sur le nouvel agneau pascal qui, comme il est dit explicitement, n'a pas les os brisés[11]. C'est une référence explicite à l'agneau pascal puisqu'on n'a pas le droit de lui briser les os, qui ici a une signification par rapport à la symbolique de l'os :

  • "la chair" est un mot pour dire l'homme en tant que dans sa faiblesse[12],
  • l'os est un mot pour dire l'homme dans sa force, c'est pourquoi ici l'os n'est pas brisé.
  • en revanche le sang est répandu. Et saint Jean insiste sur la signification de sang, eau et pneuma : « car il y a trois témoins : l'eau, le sang et le pneuma » (1 Jn 5)[13].

Tout ceci a lieu sur la croix c'est-à-dire que la mort même du Christ est le lieu de la résurrection. Nous savons cela chez saint Jean : c'est le fait qu'il s'efface, qu'il efface et qu'il efface ce qu'il en est du lien de l'humanité, qui permet que puisse se reconstituer une identité neuve où le sang du Christ est désormais pneuma.

Nous avons donc ici toute une symbolique qui est loin de la réduction par des idées vagues généreuses de don, d'offrande etc. C'est bien le don, mais ce que veut dire don est pensé d'une façon plus radicale que la signification de don. Je cite souvent cette phrase : «Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix. Je ne donne pas comme le monde donne. » (Jn 14, 27) c'est-à-dire que, ce que veut dire "don" dans le Christ ne se pense pas à partir du sens mondain, du sens empirique pour nous, même du meilleur de ce que  veut dire don. Ce n'est pas quelque chose qui explique, c'est quelque chose qui, au contraire, reste le plus mystérieux dans cette affaire. Et il y va simultanément de la constitution du corps nouveau de l'humanité. Là nous avons un processus qui est totalement différent du sacrifice que quelqu'un fait, qui vaudrait pour un autre par une substitution de contrat... Ça, c'est le processus réductif que nous connaissons. Mais il est bien vrai que c'est pour nous qui sommes son corps que cela s'accomplit.

●   La véritable solidité du monde.

Pour saint Jean, faisant cela, le Christ manifeste ce qui, dès avant l'origine, rend le monde possible. Ce qui fait que le monde soit possible, c'est qu'il soit dans la patience de Dieu, dans le pâtir de Dieu. La véritable solidité du monde, c'est la miséricorde divine, c'est le pardon de Dieu. Le pardon rend le monde possible dans cette perspective[14]. C'est ce que saint Jean dit dans son Apocalypse quand il parle de « l'agneau égorgé dès avant la constitution du monde »[15].

●   Lecture de la croix dans la constitution du monde de Gn 1.

Le monde vu aux temps anciensAutrement dit, ici, le sacrifice est le geste inaugural qui rend possible un monde. C'est pourquoi il se lit par exemple dans le début de la Genèse : les premiers penseurs chrétiens ont vu dans les répartitions crucifères des eaux d'en haut et des eaux d'en bas, de la lumière et de la ténèbre, du sec et de l'humide, cette séparation, cette coupure, ce couteau qui constitue et rend possible le monde[16]. C'est dans un langage implicitement sacrificiel, d'autant plus que l'on sait que ces textes ont des antécédents dans des cultures antérieures et que, dans ces cultures, le monstre qui correspond au tohu-wa-bohu (la terre déserte et vide) et au tehôm (l'abîme) est dépecé pour qu'un monde nouveau survienne[17]. Ce sont des échos de ces choses qui ont été entendues et relues[18].

●   Lecture de la croix dans la constitution du monde aujourd'hui.

Et moi, je vais vous dire une chose : cela, c'est la constitution du monde, et moi je suis convoqué tous les jours en ce lieu et à ce moment. Autrement dit, l'expression « Ceci est ma chair, ceci est mon sang »[19] est la présentification de l'humanité au lieu même originel. C'est la première chose du monde, le premier geste constitutif du monde qui le tient et le maintient dans son être.

 

II – Rapports entre la croix et le récit de Gn 2-3

 

1) Extraits de Gn 2-3[20].

Croix Arbre de vie, Saint-Jean du LatranGn 2. 7YHWH Dieu forma l'Adâm (le terreux), poussière de la terre (adâmâ qui désigne une terre cultivée). Il insuffla en ses narines une haleine de vie : et  l'Adâm fut un être vivant.  8YHWH Dieu planta un jardin[21] en Eden à l’orient ––  et il y plaça l'Adâm qu’il avait formé.

9YHWH Dieu fit surgir de la terre tout arbre agréable à voir et bon à manger  – en hébreu c'est le même mot qui dit arbre et fruit de l'arbre – et l’arbre de vie au milieu du jardin.10Un fleuve sortait d’Eden pour irriguer le jardin et de là il se séparait pour être quatre têtes […] 15YHWH Dieu prit[22] l'Adâm et l’établit dans le jardin d’Eden pour la cultiver/rendre un culte – En hébreu le même mot signifie "cultiver" et "rendre un culte" – et la garder – le "la" est féminin et ne correspond donc pas au jardin mais par exemple à la terre (adâmâ) – 16YHWH Dieuprescrivit à l'Adâm en disant :de tout arbre du jardin tu mangeras certainement, 17et de l’arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas – là il n'y a pas de prise possible sinon il y aurait méprise. – car au jour où tu en mangeras tu mourras certainement.

Ensuite il y a la création des animaux, puis la construction de la femme :

21Et YHWH Dieu fit tomber une torpeur sur l'Adâm, et il s'endormit ;  et il prit une de ses côtes et ferma la chair à sa place – c'est un des rares passages où ce récit a une origine babylonienne. Pourquoi Dieu a-t-il dressé la côte ? C'est une histoire de similitudes, moi mais du point de vue de la formulation. Cela vient du fait que le signe qui indique la côte en Acadien, ti, en tant qu'idéogramme est le dessin d'une côte donc ça peut désigner la côte comme organe, mais ça peut dire aussi "vivre". L'auteur a pris ce mot parce que la côte c'est ce qui exprime le souffle, la respiration. La femme n'est donc pas prise de la matière de l'homme, elle est prise de la vie de l'homme  – 22et YHWH Dieu bâtit la côte qu'il avait prise de l'Adâm en une femme, et il la fit venir vers l'Adâm. 23Et l'Adâm dit : Celle-ci, cette fois, est os de mes os et chair de ma chair, elle sera appelée "femme (ishshah )" car d'un homme (ish) elle a été prise. 24C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère et il s'attachera à sa femme et ils seront une chair une. 25Et eux deux, l'homme et sa femme, étaient nus et ils n'avaient pas honte.

Gn 3. 1Et le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs que YHWH Dieu avait faits. – Pourquoi le serpent va-t-il s'adresser à la femme non pas à l'homme ? C'est parce que c'est une des fonctions de la femme que d'être dans les étapes de la révélation[23] quand celle-ci prend une certaine épaisseur. – Il dit à la femme : “Est-ce vrai que Dieu vous a dit[24] : "Vous ne mangerez pas de tout arbre du jardin" ? ” 2La femme dit au serpent : “Du fruit de l'arbre du jardin, nous mangerons. 3Mais du fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu nous a dit : "Vous n'en mangerez pas, et vous n'y toucherez pas, de peur de mourir." ” – La femme est très astucieuse. Elle a bien compris que l'arbre qui est au milieu du jardin, il faut le mettre comme repère, il faut le mettre pour se diriger mais ne pas le prendre. À l'époque ils étaient en Palestine et il y avait eu l'expérience du désert et l'expérience de la loi : la loi est là comme une indication, comme un appel, mais on ne doit pas la prendre, on doit la recevoir – 4Et le serpent dit à la femme : “Pas du tout, vous ne mourrez pas 5car Dieu est connaissant que du jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et vous serez comme des dieux connaissant le bien et le mal.” 

Le serpent va donc faire douter la femme. Il lui dit « vous aller connaître » alors que les hommes de ce temps-là savent bien qu'ils ne peuvent pas connaître par eux-mêmes mais qu'ils sont obligés de se tourner vers. En effet ils sont un peuple d'inspirés, un peuple qui recueille la parole : ils doivent accueillir cette parole non pas pour en faire des commandements mais pour y trouver une règle de vie, pour savoir comment se comporter en frères[25].

6La femme vit que l’arbre était bon comme nourriture, et qu'il était délice pour les yeux, désirable, l'arbre, pour discerner. Et elle prit de son fruit et mangea et donna aussi à son homme avec elle, et il mangea. 7Et leurs yeux à eux deux s'ouvrirent et ils connurent qu'ils étaient nus. – Leurs yeux s'ouvrent et ils ne vont pas mieux connaître, ils vont simplement voir le mal où il n'était pas.

[…] 20Et l'Adâm appela le nom de sa femme "Êve" – mot qui signifie "vivante" – car elle fut la mère de tout vivant. 21et YHWH Dieu fit pour l'Adâm et pour sa femme des tuniques de peau et il les vêtit. 22Et YHWH Dieu dit : “Voici, l'Adâm est comme un d'entre nous pour connaître bien et mal ; et maintenant qu'il n'envoie pas sa main et ne prenne de l'arbre de vie et le mange et vive pour toujours” – que signifie ce "toujours" ? Eux, ils sont sur un chameau, et là ils voient un horizon, et plus ils avancent plus l'horizon continue à être là ; il y a l'horizon des horizons ; ça signifie donc « pour toute l'épaisseur de l'aventure humaine » – 23et YHWH Dieu le fit sortir hors du jardin d'Eden pour cultiver la terre (adâmâ) d'où il avait été pris. Et YHWH Dieu fit partir l'Adâm, et il fit demeurer au Levant du jardin d'Eden les chérubins et la flamme de l'épée tournoyante pour garder le chemin de l'arbre de vie[26]

 

2) Rapprochements entre la croix chez saint Jean et l'arbre du paradis.

a) Dans la Passion selon Jean 18-19 (J-M Martin).[27]

L'ensemble de ce que nous appelons peut-être abusivement la Passion du Christ[28] couvre les chapitres 18 et 19 de l'évangile de Jean. Il est assez étrange que la mention d'un jardin se trouve au début du chapitre 18 : « 1 Jésus sortit avec ses disciples de l'autre côté du torrent du Cédron, là où était un jardin dans lequel il entra lui et ses disciples. » ; mais aussi à la fin du chapitre 19, si nous allons aux derniers versets de – le mot ne se trouve nulle part ailleurs dans notre texte sauf pour le rappel « Ne t'ai-je pas vu dans le jardin avec lui ? » (Jn 18, 26)  – : « 41Il y avait, dans le lieu où il fut crucifié, un jardin. »

Le mot jardin est assez peu fréquent dans l'évangile ; il se trouve au premier verset du texte de la Passion et à l'avant-dernier. Nous avons déjà remarqué[29], en lisant la Samaritaine, que des mots très rares chez Jean comme le mot de fatigue, se trouvent au premier verset et dans les derniers versets. Donc nous avons ici quelque chose qui est à entendre, il y a un rapport.

Ces deux jardins sont distincts. Dans les deux cas Jésus quitte Jérusalem pour aller dans le jardin.

  • La première fois il se rend au jardin où aura lieu l'arrestation (le mont des Oliviers dans les synoptiques).
  • La deuxième fois il quitte Jérusalem – c'est-à-dire le lieu de la condamnation – pour aller hors de la ville, au Golgotha qui est à la fois le lieu de la crucifixion et le jardin du tombeau (« Était, dans le lieu où il fut crucifié, un jardin et dans le jardin un tombeau neuf» (Jn 19, 41)).

On ne peut pas purement et simplement assimiler les deux jardins, il y a une nuance à apprendre. Le récit de la Passion commençait pas un jardin et se termine par un jardin. D'une manière générale, le jardin évoque l'Éden : l'homme a été posé dans un jardin pour qu'il le garde et l'œuvre. Adam, au sens de Gn 2-3, est l'homme voué à la garde et à l'œuvre du jardin.

Par ailleurs après la mort de Jésus en croix en Jn 19, il y a la transfixion : « 33Venant vers Jésus, comme ils virent qu'il était déjà mort, ils ne brisèrent pas ses jambes, 34mais un des soldats, de sa lance, ouvrit son côté. Et il sortit aussitôt sang et eau. » Il faut y ajouter le flux de pneuma (« inclinant la tête, il livra le pneuma » v.30), qui atteste la vie sur l'arbre de vie. Nous avons donc un rapport à l'arbre de vie (que je soupçonne) et au flux quadruple de l'eau dans le jardin du paradis de Gn 2, étant entendu que ces flux sont des thèmes johanniques pour dire la présence du Ressuscité parmi les croyants, aussi bien avec la signification que nous appellerions sacramentelle ou baptismale ou eucharistique qu'avec la signification profonde derrière ou dans cette symbolique sacramentelle.

(…)

Je reviens sur la symbolique du jardin. Le Golgotha n'est pas présenté comme un jardin au départ, c'est à propos du tombeau tout proche que le mot de jardin est prononcé. Il est possible de penser que l'arbre de la croix est l'arbre au milieu du jardin, c'est-à-dire l'arbre de la Genèse, mais pour moi ce n'est pas suffisamment attesté dans le texte. Je ne dis pas que c'est faux et ce sera légitimement développé à partir d'autres choses dans la littérature chrétienne des premiers siècles, mais ici rien ne semble permettre fermement de faire ce rapprochement.

b) Complément : ce que dit Frédéric Manns.

F Manns a écrit un article dans la revue Didaskalia XLI[30]. Il y fait le rapprochement entre le jardin de Jn 18-19 et le jardin du paradis, entre la croix et l'arbre du paradis directement d'après st Jean :

  • « L’inclusion du thème du jardin (kêpos) dans le récit de la Passion doit être notée (Jn 18,1 ; 19,41). Le récit de la Passion dans le quatrième Évangile est encadré par la mention du jardin qui peut être un renvoi au thème de la Ge­nèse si on se rappelle que la version d’Aquila portait kêpos en Gn 2,8; Is 1,29; 51,3 et Ez 31,8 au lieu du paradeisos de la LXX. De plus, en Ez 36,35 le terme hébreu gan est traduit par kêpos dans la LXX. Jésus y est tenté comme Adam fut tenté dans le jardin. De nombreux motifs génésiaques sont repris dans le récit de la Passion : Jésus traverse le torrent kedrôn, le terme pourrait renvoyer à Ez 31,8 qui fait allusion aux cèdres dans le jardin de Dieu. La croix est définie comme arbre de vie au milieu du jardin puisqu’elle est au milieu des deux larrons en Jn 19,18. »

  

2) La croix référée à Gn 2-3 dans l'iconographie et la 1ère littérature chrétienne.

a) Premier extrait de la retraite sur le signe de croix (J-M Martin) [31]

La croix n'a jamais été représentée dans les tous premiers siècles comme instrument de supplice. On trouve dans les catacombes des espèces de graffiti qui représentent des croix. Dans certains cas, elles peuvent avoir deux fonctions comme dans le schéma des catacombes de Priscille (IIIe siècle) qui représente à la fois une croix et une ancre de bateau entre deux poissons….

●   Premières figures : l'Orant au sein du péril.

Il y a peu de représentations du Christ lui-même. Il est représenté souvent par des figures. Et je pense que la figuration de la croix a pris la place de la figure de l'Orant priant, qui est un homme debout, les mains étendues, car il se configure d'une certaine façon à la croix. On trouve ainsi des représentations des grands Orants de la littérature juive qui étaient méditées à l'époque : Daniel dans la fosse aux lions, les trois enfants dans la fournaise, donc l'homme debout au milieu du péril. C'est une façon de dire le Christ dans sa posture de résurrection au sein même du péril, donc dans la mort.

J'insiste plus ici sur la dimension verticale parce que nous parlons de la croix et que le premier élément de la croix, c'est le pieu fiché dans le sol, donc la position verticale. Justement toute l'ambiguïté est là car, dans le schéma corporel, la position verticale c'est vraiment l'homme debout, et, dans le cas du Christ, c'est en même temps la mort et la Résurrection.

●   La croix dans la première littérature chrétienne : les testimonia.

La croix est toujours prise comme instrument de gloire. : « Il règne à partir de la croix », cette expression étant référée à la mention « il régna à partir du bois » est lue par les premiers chrétiens dans le verset 10 du psaume 95, parce que stauros, c'est la croix (comme pieu) et c’est le bois, et que xulon (bois) désigne aussi la croix[32].  

Le IIe siècle est un siècle de florilèges, on lit rarement les grands auteurs, on en a des extraits. C'est vrai pour le monde hellénistique et c'est vrai pour le premier monde chrétien qui fait des collections de textes de l'Ancien Testament qu'on appelle des testimonia. Il y a des testimonia sur le bois, sur l'eau, sur la pierre, sur les grands symboles : on rassemble des textes de l'Ancien Testament sur chaque thème. Ceci est à la source des écritures du Nouveau Testament. Ces symboles-là sont relus, évidemment, à la lumière de l'Évangile. À l'époque ces différents florilèges sont à disposition et cela a lieu également dans les écoles juives ou dans les écoles courantes où il y a des florilèges d'Homère.

Le bois est donc un principe récapitulant d'un certain nombre de testimonia qui concernent la croix, et les premiers Pères de l'Église eux-mêmes vont puiser dedans[33].

●   L'arbre du paradis et l'arbre de la croix.

Certains Pères de l'Église ont rapproché l'arbre du paradis et l'arbre de la croix.

 

b) Deuxième extrait de la retraite à propos de "prendre" (J-M Martin)

►  J'aimerais comprendre le thème de “prendre quelque chose comme Adam”, et par opposition “se laisser vider comme le Christ” (jusqu'à la mort sur la croix), car j'ai l'impression que c'est ici que tout se joue.

J-M M : Cela fait allusion au premier texte que nous avons lu qui est Ph 2[34] : « Lui qui étant en image de Dieu, n'a pas essayé de prendre, mais s'est vidé de lui-même et c'est pourquoi il a fait l'espace pour que cela lui soit donné. » En effet je crois qu'avoir aperçu quelque chose de ce champ-là est effectivement de première importance, c'est même une façon de dire la qualité propre des deux espaces. Il y a l'espace de notre adamité (de notre Adam de Gn 2-3) dans lequel nous sommes nativement par naissance en ce monde : prendre est la première chose que nous essayons de faire, saisir, même aussi comprendre. Tout cela n'est pas jeté comme nul et non avenu, c'est notre condition native. Et par ailleurs prendre pourra aussi être gardé jusque dans "le monde qui vient" à condition que prendre soit donné dans la parole qui donne, la parole qui dit « Prenez et mangez ». Mais à ce moment-là, ce n'est plus le prendre de la rapine ou de la violence (de la ruse, etc), le prendre ce qui ne se prend pas, au contraire, c'est avoir découvert qu'il y a quelque chose d'essentiel qui ne peut qu'être donné. Je pense que cela est très important.

 

3) Compléments d'origine diverses. [35]

 a)  La croix, arbre de vie : Citations d'auteurs des premiers siècles.

Épître de Barnabé (début du IIe siècle) 11 « 1 Recherchons maintenant si le Seigneur a pris soin de manifester à l'avance l'eau et la croix. Au sujet de l'eau, il est écrit, à l'adresse d'Israël, qu'ils ne recevraient pas le baptême qui procure la rémission des péchés, mais qu'ils essaieraient de se fabriquer à eux-mêmes leur salut. […] 6 Et dans un autre prophète, il dit encore : “Celui qui agit ainsi sera comme l'arbre / Planté près du cours des eaux / Qui donne son fruit en la saison / Et jamais son feuillage ne tombera. / Tout ce qu'il fait réussit.” »

 Ignace d’Antioche[36], lettre aux Tralliens 11, 2. « Fuyez les rameaux parasites et dangereux (= les incrédules) ils portent des fruits qui donnent la mort ; si quelqu’un en goûte, il meurt sur-le-champ. Ceux-là ne sont pas la plantation du Père. S’ils l’étaient, ils apparaîtraient comme des rameaux de la croix, et leur fruit serait incorruptible[37].» Et Ignace ajoute : « Par sa croix le Christ en sa passion vous appelle, vous qui êtes ses membres ». Comme dit J-M Prieur[38] : « La Croix est comparée à un arbre, dont les croyants sont des rameaux et qui, de ce fait, porte du fruit. Elle unit les membres du Christ, dont Ignace affirme ensuite qu'il est la tête. (…) Ceux qui ne sont pas unis au Christ par la Croix n'appartiennent pas à ce corps. Ce texte est la première attestation de la Croix comme arbre. »

Saint Justin, Dialogue avec Tryphon 86, 1 « Les Écritures démontrent que le Christ, après sa crucifixion, deviendra glorieux et qu’il a comme symbole le bois de la vie qui fut planté au Paradis. »  

 Clément d’Alexandrie, Stromates, V, II, 72, 2-3 « Moïse dans son interprétation allégorique de la sagesse l’a (la croix) appelée arbre de vie planté dans le Paradis, lequel Paradis peut être le monde où se trouve tout ce qui appartient à la création. C'est aussi dans ce monde que le Verbe a fleuri et porté du fruit, étant devenu chair, et qu'il a vivifié ceux qui ont goûté sa suavité, puisque sans le bois il nous est impossible de parvenir à la gnose : en effet notre vie a été suspendue pour notre foi. Et Salomon dit à son tour : Il est un arbre d'immortalité pour ceux qui le saisissent. »

Homélie pascale inspirée d'Hippolyte de Rome[39]. « Par la souffrance, il nous a délivrés de la souffrance, par la mort il a vaincu la mort, et par la nourriture visible il nous a procuré sa vie immortelle. Voici le désir salutaire de Jésus, voici son amour tout spirituel : montrer les figures comme des figures, et à leur place, donner à ses disciples son corps sacré: "Prenez, mangez, ceci est mon corps; prenez, buvez, ceci est mon sang – la nouvelle alliance – versé pour la multitude en rémission du péché". […] Par conséquent, à la place du bois (de l'arbre) il a planté le bois (de la croix), à la place de la main perverse qui s'était tendue autrefois dans un geste d'impiété, Jésus, clouant sa propre main immaculée dans un geste de piété, a montré en sa personne toute la vraie vie pendue à l'arbre de la croix. Toi, Israël, tu n'as pas pu en manger, mais nous autres, avec une connaissance spirituelle indestructible, nous en avons mangé et en en mangeant nous ne mourrons pas.

Cet arbre m'est une plante de salut éternel; il me nourrit, et j'en fais mon régal.  Par ses racines je m'enracine et par ses branches je m'étends, sa rosée me réjouit et son esprit comme un vent délicieux me fertilise. À son ombre j'ai dressé ma tente, et fuyant les grandes chaleurs j'y trouve un abri plein de rosée. Ses feuilles sont ma frondaison, ses fruits mes parfaits délices, et je jouis librement de ses fruits, qui m'étaient réservés depuis l'origine. Dans la faim il est ma nourriture, dans la soif, ma source, dans la nudité il est mon vêtement, car ses feuilles sont l'Esprit de vie; loin de moi désormais les feuilles de figuier!  Quand je tremble devant Dieu, il est ma protection, quand je chancelle, mon appui, le prix de mes combats, quand je triomphe, mon trophée.

C'est pour moi le sentier étroit et la route resserrée; c'est l'échelle de Jacob et le chemin des anges, au sommet duquel le Seigneur est vraiment appuyé. Cet arbre aux dimensions célestes s'est élevé de la terre jusqu'aux cieux, se fixant, plante éternelle, au milieu du ciel et de la terre, soutien de toutes choses et appui de l'univers, support de la terre habitée, il embrasse le cosmos, tenant assemblée la variété de la nature humaine, il est lui-même cloué par les chevilles invisibles de l'Esprit, afin qu'ajusté au divin, il n'en soit jamais plus détaché. Touchant par son faîte le sommet des cieux, affermissant la terre par ses pieds et étreignant de tous côtés par ses mains immenses les espaces entre ciel et terre, il est tout entier en tout et partout. […] L'indivisible s'est divisé, afin que tout fut sauvé, afin que même le lieu d'en bas ne fut pas privé du divin avènement. »

 

b) Commentaires iconographiques tirés du site ww.art-sacre.net[40].

●   Origines des premières représentations de la croix.

La croix comme une binetteLes besoins essentiels de l’homme étant la nourriture et l’orientation, les anciens ont déjà employé les symboles de l’orientation qui servirent ensuite aux chrétiens pour exprimer leur foi: l’arbre de vie et ses variantes, la rose des vents et la svastika. Les premiers chrétiens méditant sur le don de Dieu reconnurent la première forme de la croix du Christ dans la binette qui ouvre la terre pour lui faire germer le salut. Tardant à représenter l’instrument du supplice du Sauveur pour respecter le mystère qui s’y accomplit, ils lui prêtèrent la forme des branches de l’arbre de vie tendues vers les oiseaux pour qu’ils s’y abritent et s’en nourrissent. Simultanément ils représentèrent la croix comme un point de repère pour leur sécurité, utilisant les symboles des marins, mât des bateaux, ancre, phare, ou bien plus tard croix de carrefour, tous signes permettant une orientation et une stabilisation. Ce n’est qu’au Ve siècle qu’ils représentèrent le corps du Christ sur la croix.

 ●   Les quatre fleuves du Paradis, mosaïque absidiale de Saint-Jean-du-Latran, Rome (photo au début du II)

Reprenant cette image, les premiers chrétiens, au IVe siècle, ont représenté quatre fleuves correspondant aux quatre points cardinaux pour signifier le secours de Dieu donné au monde par la passion et la résurrection du Christ.

« Quand l’Écriture dit : “Un fleuve procédait de l’Éden pour arroser le paradis, et de là se divisait pour former quatre bras” (Gn 2,10), il nous faut comprendre que la source de ces fleuves les fait couler hors de l’Éden sans elle-même le quitter, puisque toujours c’est de là qu’elle procède; ainsi, quand de l’Esprit Saint, Notre Seigneur dit, en figure, qu’il procède du Père, il nous donne à comprendre que l’Esprit Saint n’en est pas séparé, mais de (toute) éternité est de lui, en lui et avec lui; et à la ressemblance d’un fleuve intarissable, il distribue ses dons à toute la création, selon la mesure de foi qu’ont ceux qui les reçoivent. » (Théodore de Mopsueste (v.360-428), Homélies catéchétiques 10,10).

« La croix du Christ n’a pas seulement germé, mais fleuri, et produit les fruits de tous les peuples croyants » (Origène, v.185-253, Homélies sur les nombres 9).

Paons affrontés à la croix, Ste-Appolinaire, Ravenne●   Paons affrontés à la croix, avec 4 fleuves, sarcophage de St-Apollinaire, Ravenne.

La grâce répandue dans le monde entier par la passion et la résurrection du Christ est cause de la résurrection individuelle des hommes et de la réconciliation, même des ennemis. Le bas-relief sculpté au VIe siècle sur la tombe d’un évêque de Ravenne fait jaillir du pied de la croix les quatre fleuves, qui abreuvent largement la terre sur laquelle se dressent deux paons. Ces oiseaux, dont le plumage à la mue du printemps ressemble au soleil, sont des images privilégiées de la transformation des élus, qui accèdent à la vie éternelle en même temps qu’à la paix du pardon réciproque, figuré par l’affrontement des paons réunis par la croix.

●   Autre thème lié à Gn 2 : la croix comme une binette. (photo au début du b)

Les premiers Chrétiens ont d’abord représenté la croix comme une binette ouvrant le sol du paradis terrestre, pour le faire refleurir[41].

 

c) Manger et boire du fruit de la croix / arbre de vie.

 J-M Martin a parlé de "Prenez et mangez" (cf II - 2° b) c'est quelque chose dont F. Manns parle lui aussi en incluant aussi le boire[42] :

« On a l'impression qu'une grande inclusion encadre la révélation judéo-chrétienne. En Genèse 3,3, Dieu donne l’ordre : Vous ne mangerez pas du fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin. Avant sa mort Jésus dit : Prenez et mangez. Prenez et buvez. La défense originelle devient maintenant un ordre positif. Or il faut rappeler que dans la tradition juive l’arbre de la connaissance du bien et du mal avait été assimilé à la vigne par R. Judah ben Ilai (GenR 15,7) et par R. Aibu (GenR 19,5). Le psaume 80,9-16 avait médité l'histoire d'Israël comparé à une vigne arrachée d'Égypte. La version grecque des Septante avait ajouté au verset 15 : Restaure la vigne plantée par ta main droite, regarde le Fils de l'Homme que tu as rendu fort pour toi. Quant au Targum du Psaume, il lit : « Regarde le roi Messie qui a reçu la force. »

 Jésus s'était défini comme la vraie vigne et il demande à ses disciples de boire le sang de sa vigne. De symbole de la mort, le sang est devenu symbole de la vie et symbole de l'alliance nouvelle qui inscrit le commandement nouveau dans le cœur des croyants. Le sang du Christ purifie parce qu'il est la vie. Il réalise la communion entre Dieu et les hommes.

 

En guise de conclusion

Voici un extrait des Odes de Salomon avec un commentaire de Marie-Joseph Pierre qui a traduit ces Odes avec la collaboration de J-M Martin[43].

Ode XXVII
1. Je déployai mes mains,
je sanctifiai mon Seigneur,
2. puisque l'extension de mes mains est son signe,
3. et mon déploiement, le bois dressé.
Alleluia.

En note (p. 142) il est dit : « Thème du chantre debout. Assimilé à son chant, c'est lui qui est étiré aux dimensions de l'espace : mystère de la croix, dressée comme l'arbre de vie (opposé à l'arbre mort, sec) déployée et étendue en largeur et en hauteur (v.3) ; figure de l'homme ressuscité dans le geste liturgique de l'orant, les mains constituant l'extrême de l'extension du corps, mais aussi son efficacité. »

 


[3] Traduction un peu littérale d'après le texte hébraïque, ce n'est pas de Jean-Marie Martin. Ce récit de Gn 1 n'est pas du passé, les premiers penseurs chrétiens y lisent la résurrection du Christ. Par exemple : « la célébration du dimanche commémore le premier jour où Dieu changeant l'obscurité  et la matière a fait le monde et où Jésus-Christ notre sauveur est ressuscité des morts » (Justin, 1 Ap 67, 7)

[4] Lorsqu'il enseignait à l'Institut Catholique de Paris, J-M Martin a plusieurs fois commenté le texte des Actes de Jean sur la Croix de lumière. Un message est déjà paru centré sur les titres du Christ  Titres du Christ au IIe s. à partir de : La croix de lumière (Actes de Jean) ; un passage du Dialogue avec Tryphon de st Justin, un autre paraîtra en reprenant tout le contexte des Actes de Jean 94-102. Ceci est un extrait des années 1971-76.

[5] « Le terme d'harmonie dit en grec, cet ordre qui vient d'un dehors. Verbalement, harmozeïn signifie "ajuster", "adapter", comme on ajuste une couronne sur la tête ; par suite, il signifie "unir", comme on donne une jeune fille à un époux assorti ; puis, par là, "commander", comme on dirige une armée. Plus élémentairement, le verbe signifie simplement "poser", comme on pose le pied sur le sol en s'adaptant au terrain. De même, avant de signifier la juste proportion et l'accord des opposés, harmonia signifie l'assemblage par emboîtement quand on adapte des planches ensemble, et les chevilles, pour en faire un radeau : tel Ulysse dans l'Odyssée. » (François Jullien, L'Invention de l'idéal et le Destin de l'Europe, Seuil 2009).

[7] Voir par exemple : Ph 2, 6-11 : Vide et plénitude, kénose et exaltation . Cela se trouve aussi en Rm 5 et Rm 7 à propos de l'entrée du péché dans le monde. Sur ces textes il y aura prochainement des messages sur le blog.

[8] C'est le mot qu'on traduit en général par "amour". Mais chez Jean ce mot ne désigne pas un sentiment, il désigne un événement, le fait que Dieu nous aime. Voir la note suivante.

[9]  « Le meurtre qui correspond à la haine se pense à partir du premier meurtre qui est même un fratricide. Dans le passage (1 Jn 3, 11-12) la posture de Caïn est opposée à l'agapê mutuelle. Mais d'où se pense agapê ? Il faut écouter la suite de ce que dit Jean. « 16En ceci nous avons connu l'agapê de ce que lui a déposé sa psychê pour nous, c'est-à-dire qu'il est mort pour nous ». Je ne pense l'agapê au sens évangélique du terme qu'à partir du moment où je pense l'agapê à partir de la donation christique, c'est-à-dire de la donation que le Christ fait de lui-même pour nous, même si je ne comprends pas ce que ça veut dire tout de suite. » (D'après J-M. Martin, session de Nevers mai 2012).

[11] «  31Les Judéens, puisque c'était la Préparation, pour que ne demeurent pas sur la croix les corps, pendant le shabbat – car c'était un grand jour que ce shabbat-là -, demandèrent à Pilate de leur briser les jambes et de les enlever (les corps). 32 Les soldats vinrent donc; ils brisèrent les jambes du premier, puis de l'autre qui avait été crucifié en même temps que lui (Jésus). 33Venant vers Jésus, comme ils virent qu'il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes. 34Mais un des soldats, de sa lance, lui ouvrit (perça, transfixa)  le côté. Et sortit aussitôt sang et eau. 35Celui qui a vu a témoigné, et vrai est son témoignage. Et celui-ci sait qu'il dit vrai afin que vous aussi vous croyiez. 36Ces choses arrivèrent, afin que soit remplie (accomplie) l'Écriture : "pas un os ne lui sera brisé".» (Jean 19). Citation de Ex 12, 46.

[14] Henri le Saux dit des choses qui vont dans le même sens en employant l'image de la lumière, ce qui n'est pas sans rejoindre le Fiat lux de Gn 1, 3 : « L'évangile est l'annonce du Royaume aux faibles, aux incapables, aux pécheurs (Mc 2, 17 ; 1 Cor 1, 26). Le chrétien est appelé "saint" non  parce qu'il serait sans péché (1 Jn 1, 8), mais parce que, du fond de son péché (de profundis), il invoque la miséricorde ; parce que son péché renferme, en sa profondeur et son opacité mêmes, des possibilités cachées d'appel à la lumière et à l'amour autrement non manifestables. S'il n'était pas ainsi, Dieu n'aurait jamais pu créer un être capable de pécher. Il n'aurait jamais permis ni le péché originel, ni le péché individuel. Enfin Jésus n'aurait pu être fait "péché pour nous" (2 Cor 5, 21) » (Sagesse hindou mystique chrétienne, Le Centurion 1991 p. 192, éd Albin Michel 1991 p. 184).

[16] J-M Martin en a parlé lors de la session sur "Jean 6, Le pain et la parole", à la fin du chapitre 6. « Il faut voir que le mot du Baptiste « Voici l'agneau de Dieu qui lève le péché du monde » au début de l'évangile de Jean est précédé par un mot qui dit déjà cela ; c'est un des premiers mots, celui de Logos. Ce mot Logos est probablement le lieu sacrificiel et judiciaire constitutif originel puisque c'est la parole qui répartit la lumière et les ténèbres. Et les Pères de l'Église ont lu la croix dans cette répartition.C'est cette parole, absolument tranchante, qui est experte en boucherie sacrée dans la cuisine du sacrifice. Fonder et répartir, c'est la même chose ; l'arkhê et la répartition, c'est la donnée fondamentale de la Genèse et c'est là qu'est l'agneau dès avant le lancement du monde, celui qui est dans les premières choses auprès de Dieu et sur quoi le monde tient. »

[17] « Un grand poème babylonien raconte comment le dieu-roi Marduk, entre autres prouesses, accomplit celle de découper le monstre Tiamat. Or ce nom correspond au mot Tehôm biblique qui est l'abîme aquatique partagé par Dieu en eaux d'en haut et eaux d'en bas, elles-mêmes séparées de la terre. Le schéma biblique, jusque dans le récit du début de la Genèse, n'est pas sans ressemblance avec le modèle mésopotamien selon lequel Marduk « partage la chair monstrueuse » de Tiamat pour confectionner avec des morceaux de son corps plusieurs des parties du monde. » (Paul Beauchamp, Psaumes nuit et jour, Seuil 1980 p. 201).

« Le dépècement du monstre est un acte de sagesse et il a pour effet principal l'établissement du ciel qui contient la violence des eaux : “Il partage sa chair monstrueuse ; il conçoit des œuvres artistiques ; il la trancha comme un poisson… en ses deux parties. Une de ses moitiés il installa : il en couvrit le ciel ; il tira le verrou ; il posta un portier ; il leur enjoignit de ne pas laisser sortir ses eaux.”[17] […] Une des parties du monstre forme la voûte du ciel, verrou des eaux, l'autre moitié est bâtie "comme ciel" avec les cités de tous les dieux du cosmos… N'est-ce pas… la terre qui mérite d'être appelée une réplique du ciel ?   ». (P Beauchamp, Création et séparationp. 219 et 222-223)

[18] Du fait que la chair de la divinité a été dépecée, des parcelles sont éparpillées. C'est un symbolisme utilisé dans la première pensée chrétienne. Dans Enarrationes in Psalmos40, 12, saint Augustin parle de la croix de lumière répandue : « Le paysan fait souffrir la croix de lumière – Quelle croix de lumière ? Ces membres de Dieu qui ont été pris dans ce combat, tous ceux qui ont été mélangés au monde et se trouvent dans les arbres, dans les plantes, dans les fruits, les produits de la terre. Il tourmente les membres de Dieu, celui qui fend la terre de son soc, qui coupe la plante de la terre, qui cueille le fruit de l'arbre » (cité dans Acta Iohannis de Éric Junod et Jean-Daniel Kaestli, Brepols 1983, tome 2 p. 666).

[19] Lors de l'Eucharistie ce qui est dit c'est « Ceci est mon corps, ceci est mon sang…», mais J-M Martin pense que plus originellement, ce n'était pas "corps" mais "chair". Voir le I - 5 de Différents sens du mot chair chez Paul et chez Jean ; Jn 3, 6 ; Rm 1, 1-4 ; Jn 1, 13-14.

[20] Dans cette traduction de Gn 2-3 ont été ajoutés quelques commentaires faits par Joseph Pierron (un ami de J-M Martin qui était professeur d'Écritures saintes, spécialiste du IIe avt JC / IIe après) lors d'une session sur le mal et le pardon à Saint-Jean de Sixt en 1995. Le but est d'éviter de faire des contresens sur les mots. Cf Qui est Joseph Pierron ? Présentation suivie d'un psaume et de deux prières pour Noël.

[21] Le jardin, gan en hébreu, désigne le jardin des rois cananéens.

[22] De la même manière lors de l'Exode Dieu a pris son peuple et l'a établien terre de Canaan.

[23] Une des deux caractéristiques féminines mises en évidence dans l'évangile de Jean est que la femme progresse par étapes (cf la Samaritaine, ou Marie-Madeleine) alors que pour le disciple par excellence c'est immédiat ("il vit, il crut"). Cf "L'Exégèse de l'âme", les figures féminines en st Jean.

[25] Joseph Pierron insistait souvent sur l'ambiguïté du mot torah qui est la loi dont il parle ici. Un message sur ce terme paraîtra ultérieurement.

[26] Ils n'ont plus l'arbre qui était au milieu du jardin, ils n'ont plus leur repère, et ils sont obligés de vivre adultes dans un monde où ils n'ont plus de repère. Ils vont être des errants. Ce n'est pas étonnant que le premier qui sera appelé, ce sera Abraham l'errant. Toute l'histoire d'Israël c'est le fait qu'on recherche le chemin non pas par les commandements que l'on ne remplit jamais, mais par le pardon de Dieu qui est continuellement offert. Ce pardon concerne le vouloir prendre : il y a une part de nous-mêmes qui tend toujours à reprendre l'autonomie de sa vie et le contrôle, et la division ne passe pas entre ceux qui vont prendre et ceux qui ne prennent pas, elle passe en chacun de nous avec un côté qui veut prendre et un côté qui accepte de recevoir.

[30] Le texte de F Manns est ici : Encore une fois « Jésus et le disciple » Frédéric Manns (sur le site repositorio.ucp.pt). F Manns relève ensuite d'autres allusions à Gn 2-3 en Jn 18-20 : « La couronne d’épines dont Jésus est couronné pourrait être un renvoi discret à la malédiction de la terre en Gn 3,18. Jésus couronné d’épines enlève cette malédiction pour apporter la bénédiction. L’ouverture du côté de Jésus en Jn 19,34 reprend le terme grec de « pleura » de Gn 2,21-22. L’Église fut créée du côté de Jésus comme Êve sortit de la côte d’Adam.  […] Le récit de la Résurrection reprendra d’autres thèmes génésiaques parmi lesquels Jn 20,22 qui reprend le verbe « insuffler » de Gn 2,7. La pré­sence des anges dans la position des chérubins du propitiatoire renvoie aux chérubins de Gn 3,24. Le Messie a ouvert les portes du jardin. Le titre de jardinier (kêpourgos) que Marie de Magdala donne à Jésus est un titre cultuel appartenant aux rois de l’antiquité. Ce titre a une double signification: il renvoie au thème du temple-Paradis et à la dignité royale de Jésus. Jésus est le maître du jardin où il marche de nouveau à la fraîcheur du jour (Jn 20,1).»

Et un peu plus loin dans une note à propos de Jn 21 il dit : « Le disciple bien-aimé est le premier à reconnaître Jésus, mais c’est Pierre qui se jette à l’eau pour être le premier auprès de Jésus. Lorsque le disciple lui dit : “C’est le Seigneur”, Pierre remet son vêtement. Ce geste re­prend la symbolique de Gn 3,8-10 et pourrait signifier que Pierre reconnaît sa faute et retrouve son identité. En effet, après le péché, Adam reçut un vêtement pour couvrir sa nudité. »

[32] En hébreu le bois se dit etz qui signifie la croix, le bois, et aussi l'arbre, et encore le fruit de l'arbre.

[33] On en trouve une liste chez saint Justin, Dialogue avec Tryphon 86 : « Écoutez comment ce Jésus a eu pour symbole l'arbre de vie qui, est-il dit, fut planté dans le paradis, ainsi que les événements qui devaient arriver à tous les justes. Moïse a été envoyé avec le bâton pour la rédemption du peuple […] Jacob jeta des bâtons dans les auges, […]. La floraison du bâton d'Aaron a démontré qu'il serait grand-prêtre. "La tige de Jessé prophétisait Isaïe, deviendra le Christ". C'est David qui a déclaré que "l'arbre planté près d'un cours d'eau, celui qui donnera son fruit en son temps et dont le feuillage ne tombera pas", c'est le juste. "Comme le palmier, est-il dit, le juste fleurira". C'est d'un arbre que Dieu est apparu à Abraham, etc.

[35] Lors de la session sur le Signe de croix J-M Martin n'avait à sa disposition que son Nouveau testament en grec ! Les citations ont été ajoutées, plusieurs sont reprises de Exégèse judéo-chrétienne  (Les testimonia) de Jean Daniélou, éd Beauchesne 1966, p. 62

[36] Certains datent ses écrits en 110-135, d'autres en 165-175.

[37] La mosaïque de l’abside de l’église de saint Clément à Rome est une illustration de ce thème.

[38] Jean Marc Prieur, La croix chez les Pères (du IIe au début du IVe s.), Strasbourg 2006, p.23.

[39] Homélies pascales, une homélie inspirée du traité sur la Pâque d'Hippolyte, d'après l'étude, l'édition et la traduction de Pierre Nautin, S.C. 1950

[40] Pour le début général : http://www.art-sacre.net/symbolique/f_131_3.html ; et pour la présentation des images : http://www.art-sacre.net/symbolique/f_130_1.html#669.

[41] C'est une des interprétations possibles. Voir aussi au I - 2°

[42] Extrait de http://www.interbible.org/interBible/ecritures/symboles/2010/sym_100326e.html.

[43] Les Odes de Salomon, par Marie-Joseph Pierre, édition Brepols 1994, série Apocryphe, volume 4.

 

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