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La christité
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  • Ce blog contient les conférences et sessions animées par Jean-Marie Martin. Prêtre, théologien et philosophe, il connaît en profondeur les œuvres de saint Jean, de saint Paul et des gnostiques chrétiens du IIe siècle qu’il a passé sa vie à méditer.
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2 mai 2015

Jn 17, 1-11a : Le début de la grande prière de Jésus

 « C'est une constante chez Jean de ne parler de Jésus que comme une relation et non pas comme un sujet qui fait une chose : ne jamais en parler autrement que dans une double relation, dans une relation au Père et dans une relation à la totalité de l'humanité. » Voici en particulier ce que nous fait découvrir ici Jean-Marie Martin.

 

 

 Jn 17, 1-11a

Le début de la grande prière de Jésus

 

Le texte de saint Jean que nous allons voir, nous avons eu l'occasion de l'ouvrir à plusieurs reprises. Nous le retrouvons aujourd'hui[1].

 

I – Jn 17, 1-5

 

 « 1Jésus, levant les yeux vers le ciel, dit : "Père, l'heure est venue, glorifie ton Fils, que le Fils te glorifie, 2selon que tu lui as donné l'accomplissement de toute l'humanité, en sorte qu'à tous ceux que tu lui as donnés, il leur donne vie éternelle. 3Et c'est ceci la vie éternelle, qu'ils te connaissent, toi, le seul Dieu véritable et celui que tu as envoyé, Jésus Christ. 4Moi, je t'ai glorifié sur la terre en achevant l'œuvre que tu m'as donné de faire, 5et maintenant glorifie-moi, toi, Père, auprès de toi, de la gloire que j'ai eue auprès de toi avant que le monde fût." » 

 

1) Verset 1a : « Jésus, levant les yeux vers le ciel, dit : "Père" »

Christ, détail d'une icone de la TransfigurationNous sommes ici dans des textes qui peuvent paraître ingrats, parce qu'on n'y décèle pas beaucoup de gestuelle, pas beaucoup d'anecdotes, pas beaucoup d'événements. C'était aux chapitres 14, 15, 16, ce que l'on appelle un discours, et c'est ici au chapitre 17 une prière qui est adressée au Père, et c'est pourquoi il faut être attentif au moindre cillement de gestuelle. Ici, c'est justement une gestuelle de l'œil :« Levant les yeux vers le ciel, il dit : "Père." »

Nous trouvons ici quelque chose qui peut paraître tout à fait minime et même tout à fait convenu  et, en réalité, nous verrons qu'il n'en est rien. Par où commencer pour expliquer ce lever les yeux vers le ciel et ne rien oublier de ce qui est important ?

a) Le trajet qu'est la prière de Jésus.

Dans un premier temps, on pourrait dire qu'il y a ici le jet du regard ou le trajet qu'est la prière. La prière est un trajet, un jet et un trajet, c'est-à-dire que c'est ce qui "mesure" – à condition qu'on n'entende pas le verbe mesurer au sens quantitatif de kilométrage – ce qui mesure la différence, la distance entre terre et ciel. Cette distance entre ciel et terre est l'ouverture de l'espace, la verticalité, une direction de l'espace, une dimension de l'espace. Il y a là un trajet.

Nous disons : jeter un regard. Nous disons même : jeter un œil.  Et cependant, l'expression française jeter un œil n'égale pas lever les yeux. En effet l'œil et le regard disent rigoureusement la même chose dans certaines langues, et ça semble le cas pour les deux expressions jeter un regard et jeter un œil alors que chez nous l'œil et le regard sont différents : quand nous disons  jeter un œil, nous jouons car l'expression normale serait : jeter un regard.

Que, dans notre chapitre 17, lever les yeux soit un trajet se manifeste en ce que ce regard va vers le Père. Aller et venir sont les opérations que le Christ fait,  c'est même son œuvre. « D'où je viens », « où je vais » : « Je vais vers le Père » : c'est le verbe venir avec toute l'importance que comporte cette façon de marquer la dis-tance, une dif-férence à partir de quoi ciel et terre prennent sens. Il n'y a pas d'abord : poser le ciel et la terre, tels que, ensuite, on puisse marquer leur distance ou leur différence, c'est la différence qui les pose en regard l'un de l'autre, qui les distingue et qui du même coup est susceptible de les réunir.

Nous sommes ici dans la distance, dans un problème de proximité ou d'éloignement qui sont d'autres qualités de l'espace. Et nous sommes toujours dans la question : « Où ? », la question du lieu. Nous verrons que la question du lieu et la question du nom sont, du point de vue hébraïque, finalement la même question.

J'ai donc dit que :

  • "vers le ciel", venir et aller, c'est ce que Jésus dit : sa prière c'est le dire.
  • "Je vais et je viens", c'est ce qu'il fait, c'est son comportement, sa posture, sa démarche, son allure exactement.
  • Être tourné vers le Père dès l'arkhê et demander que cette tournure vers le Père, celle-là même qui était avant que le monde fût, s'accomplisse dans l'eschaton, c'est l'être du Christ.

Dire, faire ou être, c'est la même chose. Toute la christité est dans ce trajet, trajet qui ouvre un espace et le maintient comme espace, trajet qui ouvre donc toutes les capacités de penser et de repenser les éloignements et les proximités, y compris la proximité du prochain.

 Tout ceci précède les spéculations sur je et tu qui sont très importantes, mais je et tu n'est pas ce à partir de quoi nous pouvons partir. Toi, moi, les deux petits mots : « Glorifie-moi, toi » : il y a du pronom personnel dans cette prière, abondamment. D'où prend-il sens ?

Nous savons bien qu'il ne faut pas partir de notre psychologie pour entendre ce que veut dire le mot de père dans ce texte, et de la même manière, il ne faut pas partir de notre idée du sujet ou de l'ego comme sujet, au sens usuel du terme, pour comprendre ce que veut dire je et ce que veut dire tu dans cette prière. On pressent cela.

b) L'expression "lever les yeux" est quatre fois dans l'évangile de Jean.

Jésus lève les yeux. Dans l'évangile de Jean, il y a cinq ou six verbes grecs pour dire voir, observer, parmi lesquels il y a l'expression "lever les yeux" qui se trouve à quatre reprises.

      ●    Trois fois Jésus lève les yeux (au ciel ou sur la foule).

Deux de ces trois fois, Jésus lève les yeux vers le ciel et dans ces deux cas, il s'agit de la prière.

– ici, c'est la demande de sa propre résurrection.

– le deuxième exemple se trouve au chapitre 11, avant la résurrection de Lazare : c'est l'action de grâces pour la résurrection de Lazare qui n'est pas encore accomplie. Étrange ! Demande et action de grâces sont la même chose, elles sont le sens du don. Seul le don se demande et c'est seulement pour le don qu'on rend grâces. Cela dit la qualité d'espace, la qualité de relation.

La qualité d'espace qui suscite quelque chose comme Père et Fils, c'est le don, comme le je et tu du Christ s'adressant à son Père. Aussi, le verbe donner se trouve-t-il dix-sept fois dans le chapitre 17. Il constitue la teneur même de ce chapitre. Les sujets, les compléments indirects (au datif en grec), les compléments directs changent, s'inversent : peu importe ! La teneur de ce que signifie le verbe donner, voué à dire la qualité d'espace de cette page, et aussi la qualité d'espace de ce qui est en question dans cette page – nous verrons comment cela s'appelle – c'est ce qui vient en avant ici dans notre écoute.

Une troisième fois, on trouve l'expression lever les yeux, au chapitre 6, mais cette fois Jésus lève les yeux et voit la foule qui vient vers lui. Il lève les yeux sur l'humanité.

Ces deux lever les yeux vers le ciel et lever les yeux vers la foule, ne sont pas hasardeusement rapprochés. C'est une constante chez Jean de ne parler de Jésus que comme une relation et non pas comme un sujet qui fait une chose : ne jamais en parler autrement que dans une double relation, dans une relation au Père et dans une relation à la totalité de l'humanité.

 On pourrait en donner des exemples nombreux et il y a plusieurs façons de dire cela chez Jean. Celle que nous avons dans notre texte se trouve au verset 5 où le Christ demande de retrouver la gloire qu'il avait auprès du Père : « Glorifie-moi de la gloire que j'avais auprès de toi…» Ça semble tourner, être un retour au même. Mais non, cette demande il la fait « en tant que je suis l'accomplissement de la totalité de l'humanité » (d'après le v. 2), c'est-à-dire en tant que « tu m'as remis d'accomplir la totalité de l'humanité », que « tu as remis la totalité dans mes mains », autre expression de Jean. « 12 Et de ceux que tu as mis dans mes mains, je n'en ai perdu aucun. »

C'est très précisément en tant qu'il est en charge de la totalité de l'humanité qu'il demande cette glorification pour qu'il soit accompli et qu'ainsi se trouve accomplie la parole : « Faisons l'homme à notre image » (Gn 1, 26), c'est-à-dire « Faisons l'homme comme notre Fils, ou comme notre présence, ou comme notre gloire », tous ces mots s'égalent. Cette parole n'est pas citée ici mais elle est sous-jacente dans beaucoup de lieux chez Jean et chez Paul.

      ●    La 4ème fois Jésus invite les disciples à lever les yeux.

Il y a un quatrième lieu où il est question de lever les yeux, mais cette fois, c'est une invitation qui est faite aux disciples. Ceci se trouve à la fin du chapitre 4, lorsqu'il dit : « Levez les yeux. » De quoi s'agit-il ?

C'est à la fin de l'épisode de la Samaritaine. Les disciples reviennent de la ville : « Vous dites : encore un quadrimestre et la moisson sera là. » C'est une façon de voir, la façon des disciples C'est la façon de voir de ceux qui ont "la vue basse". En réalité, si on lève les yeux on voit autre chose. « Levez les yeux, les champs sont déjà blonds, prêts pour la moisson. » Il y a un regard qui voit toutes choses dans la lumière de l'eschaton, dans l'espace de l'eschaton, dans l'âge (l'aïon) de l'eschaton. Et c'est cet espace qui est en question ici dans notre texte.

 

2) Verset 1b : « Père, l'heure est venue, glorifie ton Fils. »

La suite du texte va nous dire quel est cet espace qui est ouvert.

a) L'heure.

Jésus dit : « Père, l'heure est venue. » Qu'est-ce que l'heure ? L'heure, c'est la saison, même si chez nous le mot de saison vient étymologiquement du verbe semer – il y a quatre saisons qui ont à voir avec la semaille – ici la saison qui est évoquée c'est la moisson, c'est peut-être même l'unité de la semaille et de la moisson. En effet,  ce thème était en question à la fin du chapitre 4 auquel nous avons fait allusion : « en sorte que le semeur se réjouisse en même temps que le moissonneur, 37car en ceci la parole est vraie : "autre le semeur, autre le moissonneur". »

La saison, ici, c'est l'accomplissement. Mon heure, c'est mon être accompli. L'heure de l'arbre, c'est sa floraison ou sa fructification suivant le point de vue que l'on porte par rapport à la semence.

b) La glorification du Fils.

« L'heure est venue. » En effet : « Glorifie ton Fils » or la gloire est un nom de la résurrection. Nous entendons par là que l'espace en question, l'espace qui s'ouvre, c'est l'espace de résurrection.

« Glorifie ton Fils » : on sait que c'est devenu ensuite presque une redondance puisque Fils signifie ressuscité ou habitant de la demeure paternelle, celle du libre et non de l'esclave., donc tout ce qui tourne autour, qui est développé à travers ces termes qui se réunissent, qui s'imprègnent l'un l'autre lorsqu'ils sont pensés à partir de l'expérience même de résurrection.

Donc « Glorifie-moi comme Fils » dit : « que la Résurrection me manifeste comme Fils ». Glorifier, c'est rendre présent.

c) La glorification du Nom.

 « Glorifie ton Fils » : Nous avons un texte parallèle, puisque Jésus dit au chapitre 12 : « 27Ma psychê est troublée. Que dis-je ? Père, sauve-moi de cette heure. Mais non, je suis venu pour cette heure, Père, glorifie ton Nom.". » Fils et Nom sont deux dénominations de Jésus, et même, pourrait-on dire, deux dénominations de même rang.

 

3) « La parole précède l'homme » : la lecture des valentiniens[2].

a) Le thème du Nom. L'homme véritable c'est le Fils un.

Je prendrai tout une séance pour parler du Nom, parce que ce terme nous est à la fois très étranger et très essentiel à l'intelligence d'un bon nombre de textes. Nous aurons à voir que le Nom n'est justement pas un nom. Le Nom c'est l'essence de toute possibilité de dénomination. Le Nom désigne le propre. Le Nom n'est pas un nom, comme nous avons dit à propos du pain : le pain véritable n'est pas du pain ou un pain.

De même, il faudrait dire que l'homme véritable n'est pas un homme parmi les hommes. L'homme véritable, ou la manifestation de l'homme véritable, c'est le Fils de l'homme, car le fils est la manifestation de ce qui est en semence dans le père.

Jésus est le Fils de l'homme : il est l'homme véritable et il se fait un homme parmi les hommes mais cela ne constitue pas son identité ! En effet son identité se manifeste dans la résurrection, or il ne ressuscite pas comme un parmi d'autres puisqu'il ressuscite comme l'unité de l'humanité, comme le Monogénês (le Fils-un).

b) La table des dénominations des valentiniens.

Il y a des anciens qui ont médité de très près ces dénominations et leurs rangs réciproques dans une table des dénominations. C'est très difficile à lire parce que c'est recouvert de ce qui nous paraît être tout un fatras.

1. Il y a en premier[3] le Monogénês, qui est le même que l'Arkhê et qui est probablement le même que le Nom. Ensuite, nous avons le fractionnement du Nom, donc les dénominations avec des rapports entre les différents noms qui sont :

– soit des rapports verticaux, c'est-à-dire généalogiques comme père-fils ;

– soit des rapports horizontaux de masculin et féminin. Ce sont des couples étant entendu que ces couples sont "essentiellement" masculin-féminin, c'est-à-dire pas seulement époux et épouse mais aussi bien frère et sœur. C'est-à-dire qu'il y a un lieu où l'importance de la différence du masculin-féminin est antérieure à la distinction du couple et de la fratrie.

2. Par exemple, la première dénomination qui vient de Monogénês c'est Logos, qui, du point de vue de son origine paternelle, peut être nommé par le Nom également. C'est pour cela que les dénominations ne sont pas des individus clos. Mais ce ne sont pas non plus des universels dans notre sens.

Il y a là un problème essentiel à la lecture de l'Évangile car la question essentielle de la lecture de l'Évangile c'est : qu'est-ce que le Christ vient faire là, quelle est sa place qui est de n'être ni l'universel dans notre sens, ni un singulier dans notre sens ? Jésus fait allusion à cela : « Il vous est bon que je m'en aille, sinon je ne viens pas dans ma dimension de pneuma » (d'après Jn 16, 7). Et la dimension de pneuma, c'est la dimension de la plénitude des dénominations.

3. À la génération issue de Logos (la Parole) on a Anthropos (l'Homme). C'est une autre façon de dire que la parole précède l'homme. Nous trouvons un lieu où se trouve la phrase énigmatique que je vous ai dite au début de notre rencontre, en précisant qu'elle pouvait être entendue dans bien des régions : la parole précède l'homme. Elle se trouve ici, située dans cette table des dénominations.

À chacun de ces noms masculins (Monogénês, Logos, Anthropos…) correspond l'aspect féminin. C'est-à-dire que la façon dont on est un est une articulation autre lorsqu'il s'agit du rapport masculin-féminin et du rapport père-fils. Les articulations syntaxiques des noms sont donc les liens familiaux. La symbolique des liens familiaux est beaucoup plus importante que l'actif et le passif de nos verbes, ou que le sujet et le complément. Nous sommes ici dans une table qui n'est pas inerte. D'ailleurs cette table est toujours, chez les anciens, un récit.

– À Monogénês qui est masculin correspond Alêthéia (la Vérité) qui est un nom féminin.

– À Logos correspond Zoê (la Vie).

– À Anthropos (l'Homme) correspond Ekklêsia, c'est-à-dire l'humanité convoquée, appelée. En effet d'après la Genèse : « Dieu dit :"Faisons l'homme (anthropos) à notre image"… mâle et femelle il les fit" », et saint Paul a très bien compris que l'homme dont il est question c'est le Christ ressuscité, et que l'accomplissement de cette parole, c'est le couple du Christ ressuscité et de son épouse l'Ekklêsia, c'est-à-dire l'humanité convoquée en lui.

c) L'intervention de Christos / Pneuma dans le récit gnostique.

Tous les noms précédents sont mis dans un récit. Au cours de ce récit, à la suite de l'aventure de Sophie (la Sagesse) les noms se trouvent déchirés, désunis, et alors intervient le couple Christos / Pneuma. En effet pneuma est considéré comme un nom féminin puisque ce mot qui est neutre en grec correspond au mot hébreu rouah qui est féminin.

Le Christos, qui est précisément oint de Pneuma, a une fonction très précise dans ce récit : reconduire la multiplicité turbulente des dénominations dans leur unité première, manifestant ainsi celui qui est le "fruit" de tout le Plérome, et faire apparaître la lumière : c'est l'accomplissement de « Lumière soit » dans la dimension de résurrection. Et pour cela, il faut que le Pneuma enseigne les autres noms, leur apprenne à ne pas se tenir distincts et étrangers les uns des autres, mais à s'unir dans une eucharistia, et il leur apprend à eucharistier.

d) L'eucharistie christique précède notre propre eucharistie.

Ce qui se passe ainsi dans la région du Nom accomplit et constitue l'eucharistie christique, et ceci précède absolument le mot eucharistie au sens où ce mot est un nom pour dire notre prière.

On a cette distinction dans les premiers textes de Paul : distinction unifiante entre eulogia et eucharistia en grec, c'est-à-dire bénédiction et eucharistie, ce qui correspond sans doute à berâkâh et tôdâh en hébreu.  Ces mots disent la qualité d'espace de don qui est évoqué ici.

Et le bruissement des noms lorsqu'ils sont en accord constitue la dimension de gloire du Christ, constitue la louange qui nous précède et à laquelle nous sommes convoqués.

Pour nous, prier ne sera jamais rien d'autre –  et c'est beaucoup plus que ce que nous en pensons –  ne sera jamais rien d'autre que d'accéder à l'espace de l'eucharistie qui nous précède, qui est l'eucharistie christique.

e) L'espace préexistant de louange ouvert par le Sanctus.

Du reste, dans notre propre Eucharistie, l'espace de la louange est annoncé en  premier dans le Trisagion : « Hagion, hagion, hagion (sacré, sacré‚ sacré) » –  que nous traduisons : « Sanctus, sanctus, sanctus ». C'est le champ même de l'espace qui est ouvert au chapitre 6 d'Isaïe : « Le ciel et la terre sont emplis de ta gloire, hosanna au plus haut des cieux »etemplir est un mot du pneuma.

Tout ceci se réfère à l'évocation des Rameaux : de façon tout à fait inconsciente, puisqu'on est inconscient de tout ce qui se passe dans le moment de la Passion, les disciples acclamaient le Christ avec des rameaux, mais cela persiste après la Résurrection, et ne peut être lu dans son sens qu'en référence à l'Écriture et à ce geste d'acclamation lors de l'entrée royale dans la Jérusalem neuve qui est le lieu.

« Béni soit celui qui vient dans le Nom" : tous les mots de cette phrase, dont les références bibliques sont très claires, ouvrent l'espace préexistant de louange.

C'est pourquoi, dans nos Eucharisties, la préface qui introduit à la prière eucharistique dit que nous pouvons être associés à cet espace de louange qui est celle des habitants des cieux, à quoi sont convoqués les habitants de la terre : « C'est pourquoi, avec les anges et tous les saints, nous proclamons ta gloire, en chantant d'une seule voix : "Saint, saint, saint…" ».

 

4) Lecture des versets 1c – 4.

Revenons au chapitre 17.

prière de Jésus« Glorifie ton Fils, ce qui est que le Fils te glorifie Nous avons ici, non pas simplement un lieu christophanique, mais un lieu proprement théophanique à la mesure où la manifestation de Jésus comme Fils est la manifestation du Père : s'il est manifesté comme Fils, cela veut dire qu'il y a Père. Car il n'y a rien d'autre à voir que la manifestation du Père. N'est visible que ce qui se donne à voir de lui, que ce qui peut se donner à voir de lui : donc c'est le Fils, mais c'est la présence du Père. Ce thème va être évoqué tout au long du chapitre 17.

2Selon que tu lui as donné d'être l'accomplissement de toute l'humanité il n'est jamais question de Jésus comme d'un homme singulier, mais toujours dans sa relation à toute l'humanité.Une précision : « …selon que tu lui as donné d'être l'accomplissement (l'exousia) de toute l'humanité (passês sarkos) ». Ce que j'ai traduit par "toute l'humanité" correspond à ce qui est dit en grec et qui signifie littéralement "toute chair". Nous avons déjà rencontré deux significations du mot chair chez Jean, différentes de l'emploi que Paul fait de ce mot. Ici c'est un emploi encore différent puisque ça correspond à l'expression hébraïque : kol basar, qui désigne toute l'humanité. J'ai traduit aussi "tu lui as donné d'être l'accomplissement" ce n'est pas "tu lui as donné pouvoir", bien que le mot exousia signifie aussi pouvoir car c'est l'œuvre qui est en question ici : tu lui as donné la capacité d'accomplir la totalité de l'humanité.

afin qu'à tous ceux que tu lui as donnés, il leur donne vie éternelle le mot de vie éternelle intervient ici – 3car c'est ceci la vie éternelle, qu'ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. – La définition de la vie, ou vie éternelle, se fait par le verbe connaître, qui est un verbe majeur chez Jean. « Toi le seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ  »: pour le moment, le rapport qui existe entre les deux n'est pas dit, mais cela va être développé dans un des thèmes de ce chapitre 17.

4Moi, je t'ai glorifié sur terrenous avons une reprise au verset 6 : « J'ai manifesté ton nom aux hommes » c'est-à-dire : « Je me suis manifesté comme ton nom ». C'est le même, mais qui se dit au verset 4 : « Moi, je t'ai glorifié sur terre », en quoi ? Précisément, ce qui était appelé l'heure au verset 1 est appelé maintenant l'œuvre – en achevant l'œuvre que tu m'as donné de faire. »  Le verbe donner resurgit ici. Qu'est-ce que l'œuvre ?

L'œuvre c'est simultanément, chez saint Jean, deux choses :

– d'une part, c'est la mort-résurrection du Christ,

– d'autre part, c'est l'accomplissement de l'humanité.

 Même si nous ne voyons pas très bien en quoi la mort-résurrection du Christ a à voir avec l'accomplissement de la totalité de l'humanité, la première chose à faire, c'est d'apercevoir que, pour Jean, cela dit la même chose. Pour le texte que nous essayons d'entendre, cela dit la même chose. Et tant que nous n'entendons pas que c'est la même chose, nous ne sommes pas au texte.

Entendre le non-dit.

Avant de vouloir s'arrêter à ce que j'ai compris du texte pour pouvoir le redire, première chose : repérer comment ça se tient dans le texte, et non pas quel bruit ça fait chez moi tout de suite ! En effet être au texte, de même qu'être en dialogue, c'est entendre le non-dit ou le silence à partir de quoi des choses dites se tiennent ensemble. Or elles se tiennent ensemble chez mon interlocuteur bien avant qu'elles ne se tiennent ensemble chez moi. D'ailleurs peut-être ces choses se tiennent autrement chez moi, ce qui, par rapport au dialogue, est une chose très importante. Entendre, c'est d'abord entendre le silence, c'est à dire le non-dit à partir de quoi le dit se tient. Il faut la patience d'entendre la phrase jusqu'au bout. Cela peut durer une vie, par exemple pour entendre la phrase secrète de quelqu'un. C'est ce qui interdit d'ailleurs qu'aussitôt je l'arrête en lui disant : « Moi je ne pense pas comme cela. » Une des vertus fondamentales du dialogue, c'est l'attente : attendre, tendre à… sans trop s'attendre à… Parce qu'attendre peut être attendre je ne sais quoi, tandis que s'attendre à, on s'attend toujours à quelque chose.

 

5) Verset 5.

Jésus logos créateur« 5 Et maintenant glorifie-moi, toi, Père, de cette gloire que j'ai eue auprès de toi avant que le monde soit. »  On a un apparent retour qui n'est pas un retour stérile, qui est un retour où se manifeste à la fois l'identité et la différence de la semence et du fruit.

Tous les thèmes johanniques sont convoqués dans un texte comme celui-ci. Tout ce que nous avons appris se retrouve confirmé. Et ce texte-là a besoin, pour être entendu, que nous ayons gardé en mémoire beaucoup de choses.

S'il s'agit de s'approcher, l'approche est du plus profond de l'un au plus profond de l'autre. En fait cela n'a pas beaucoup de sens pour nous, parce que le plus profond de moi-même, je ne le sais pas. Mais dans le cas où il s'agit d'approcher la parole de Dieu, le plus profond de moi-même et le plus profond de l'autre, je sais que c'est le même, puisque la volonté de Dieu est ma volonté authentique. Donc en moi il y a je et je, et le je que je sais n'est pas l'expression totale du je que je suis. En effet le je que je suis en vérité est constitué par un avoir été et un avoir à être qui sont le même.

 Or avoir été et avoir à être, cela a un sens dans un certain rapport de temporalité et cela a un autre sens dans le rapport de l'arkhê (qui n'est pas le commencement) à l'eschaton. La différence entre l'arkhê et le commencement c'est qu'après le commencement ce n'est plus le commencement, dans l'histoire, tandis qu'après l'arkhê c'est encore beaucoup plus l'arkhê. En effet l'arkhê est ce qui ouvre et continue à régner dans ce qui est ouvert. Vous avez ici la définition du mot arkhê qui est le premier mot de l'évangile de Jean.

D'autre part j'ai parlé d'eschaton, en fait même si ce mot se trouve parfois chez saint Jean, il emploie plutôt le mot téléiosis qui signifie la perfection au sens de faire pleinement, d'achever.

 

En guise de conclusion sur les versets 1-5.

Voilà ces cinq versets qui sont la prière consistante, la prière subsistante, la prière à quoi je peux, éventuellement, être agrégé. Je peux être évoqué ou invoqué, pour entrer dans cette invocation qui me précède.

Car je vais vous le dire secrètement : il n'y a que Dieu qui parle à Dieu, oui c'est son Logos, et nous prenons part à ce parler-là. Nous avons notre part, et cela constitue, du reste, notre être le plus intime.

 

II – Jn 17,  6-11a

 

 « 6J'ai manifesté ton nom (to onoma) aux hommes que tu m'as donnés d'entre le monde. – Manifester est évidemment un des modes du donner. "Ton nom" c'est à la fois "moi-même et toi" car c'est la même théophanie qui, me manifestant comme Fils, te révèle comme Père. On dit le Nom, précisément, parce que ce nom n'est pas un nom parmi les noms. C'est le Nom : to onoma en grec, Ha-chem en hébreu. De même ha-maqom (le lieu, le topos) n'est pas un lieu parmi les lieux : c'est le lieu. De même que nous savons que le pain de la vie n'est pas un pain, justement pas un pain.

Ils étaient tiens et tu me les as donnés– voici qu'intervient ici un aspect que nous avons déjà rencontré : le tien, le mien. Le tien c'est le mien, le mien c'est le tien, ce qui est une des façons de dire la donation. Nous avons rencontré cela au chapitre 10, à propos des brebis qui sont les siennes et qui entendent sa voix et celles qui ne sont pas siennes qui n'entendent pas[4].  Et dans le Prologue il est dit : « Il est venu vers les siens », vers ses propres[5]. Le mien est mon propre (to idion). Il y a une réflexion sur la propriété qui a rapport avec le verbe "avoir", mais justement ni l'avoir ni la propriété au sens banal de ces termes. Que veut dire avoir, que veut dire être son propre ?

Christ en majesté, parchemin éthiopien de la fin du XVIIeEt ils ont gardé ta parole (ton logon) – le Nom, ici sous la forme du Logos, ils l'ont gardé. Le garder : c'est-à-dire le recevoir, l'accueillir.

7Maintenant ils ont connu que tout ce que tu m'as donné est d'auprès de toi, 8puisque les paroles (ta rhêmata) que tu m'as données, je les leur ai données et ils les ont reçues et ils connurent véritablement que je suis sorti de toi et ils crurent que c'est toi qui m'as envoyé. » C'est là le thème tout à fait fondamental. « Ils connurent que je suis sorti de toi … et ils crurent que c'est toi qui m'a envoyé » : les deux verbes connurent et crurent disent la même chose, les deux compléments je suis sorti et tu m'as envoyé disent la même chose. Il faut bien entendre que "envoyé" et "Fils" disent la même chose car l'envoi est l'accomplissement manifesté d'une présence séminale, de la présence de celui qui envoie, de même que le Fils est la présence manifestée de la semence qu'est le Père, de même que le nom est la profération de ce qui est tenu  dans le silence.

9Je demande pour euxjusqu'ici Jésus avait l'air d'avoir demandé pour lui : "glorifie ton nom" ; mais demander pour lui, c'est précisément demander pour eux, les disciples, donc pour nous – je ne demande pas pour le monde– Jamais il ne demandera pour le monde car il ne faut pas oublier que le mot monde, ici, est à prendre au sens proprement johannique pour dire la région du refus. Le monde, c'est la surdité, c'est ce qui ne "peut" pas entendre, qui ne "peut "pas recevoir. Donc cela ne désigne pas ce que, nous, nous appelons le monde, comme le précise la suite du texte où se trouve décidé de la situation de ce dont il  parle ici, à savoir : « …ils sont dans le monde et ils ne sont pas du monde » (d'après v. 11-16): la provenance essentielle, constitutive, n'est pas d'être du monde. Nous sommes nativement nés dans le monde, mais nous sommes originairement nés de Dieu, « ceux qui sont nés non pas de la chair et du sang mais de Dieu » (Jn 1, 13). Cette naissance est une autre façon de dire la résurrection. La résurrection peut se dire mort, la résurrection peut se dire naissance[6]. C'était un rappel.

Mais je prie pour ceux-là que tu m'as donnés parce qu'ils sont à toi. –Qui sont-ils ? Faut-il entendre dans un sens partitif, c'est-à-dire : il y en a certains qui auraient été donnés… et d'autres qui n'auraient pas été donnés C'est là que la magnifique phrase « …selon que tu lui as donné d'être l'accomplissement (l'exousia) de toute l'humanité » interdit de prendre ceux-là  dans un sens partitif. La distinction entre "le monde" et "les siens qui sont dans le monde" ne signifie pas qu'il y a un groupe d'hommes qui sont les siens et un groupe d'hommes qui ne sont pas les siens. Le monde, c'est cela de tout homme qui est assujetti à la mort et au meurtre. Et ce qui est remis à la main du Christ c'est cela de tout homme qui est né de Dieu[7].

Cela est remis à la main du Christ pour l'accomplissement qui est d'ailleurs l'œuvre du septième jour. En effet nous avons lu, dans le chapitre 5, que les six premiers jours sont l'œuvre de Dieu, en ce sens que le Dieu dépose les semences, et le septième jour commence la croissance et l'accomplissement[8]. Dans cette perspective nous sommes dans le septième jour. Toute l'histoire de l'humanité est dans ce septième jour, et l'accomplissement a été donné au Fils. Le Fils accomplit l'œuvre, c'est-à-dire fait venir à œuvre ce qui est en volonté dans le Père, ou fait venir à fruit ce qui est en semence dans le Père[9]. Le Christ, nous accomplissant, s'accomplit dans la plénitude de l'accomplissement de la parole : « Faisons l'homme à notre image », c'est-à-dire : Faisons le Christ ressuscité plein de l'humanité[10].

Ce sont des choses familières. Nous les avons déjà toutes entendues... à peu près. Lire n'est pas recueillir des bouts de certitude qu'on transplante dans notre discours natif. Lire c'est laisser que meurent des choses usuelles. La vraie mortification, celle qui va dans le bon sens, c'est la mort qui est résurrection, or il est curieux qu'on l'applique par rapport aux vices et on ne l'applique jamais par rapport à l'écoute. Pourtant l'écoute c'est ce qui est premier puisqu'il n'y a qu'un seul péché qui est de ne pas entendre, et une seule œuvre à œuvrer qui est d'entendre ! Alors, bien sûr, entendre prend une ampleur de sens ici : on se laisse investir par l'entendre. Ces deux choses que je viens de dire, 'il n'y a qu'un seul péché qui est de ne pas entendre, et une seule œuvre à œuvrer qui est d'entendre, peuvent vous étonner. Mais ce n'est pas de moi : les deux sont en toutes lettres dans saint Jean. Nous les avons déjà rencontrées. 

► Mais entendre ne dépend pas de nous. Moi j'ai l'impression que je n'ai rien entendu.

J-M M : Probablement il ne faut pas dire qu'on n'a rien entendu. Ce serait aussi sot que de dire qu'on a tout compris. Il y a cela en nous qui probablement n'entendra jamais, et puis il y a cela en nous qui entend un petit quelque chose.

Le verbe de base qu'emploie Jean est le verbe croire, mais il est souvent lié chez lui à akoueïn (entendre), ce sont deux verbes qui disent la même chose : entendre ou croire. Entendre ne signifie pas enregistrer de façon distraite quelque chose, mais c'est véritablement un entendre qui nous pénètre. Tout commence de quelque manière par cela d'ouverture qu'il y a chez nous et qui est du côté de l'oreille. On naît par l'oreille. De façon astucieuse Molière le dit dans l'École des Femmes : Agnès est naïve et croit que les enfants viennent par l'oreille. Et ce n'est rendu possible dans le discours de Molière que parce que cela a la signification profonde du fait qu'on vient au monde par l'écoute. C'est la même chose que de dire : on est homme du fait d'entendre, c'est entendre qui donne d'être.

Alors qu'entendons-nous ? Nous entendons nativement notre langue et ses injonctions. Autrement dit nous ne voyons jamais que ce que notre langue nous permet de voir, parce qu'elle a déjà décidé d'avance des répartitions majeures,  par exemple le fait qu'il y ait des sujets et des objets, du singulier et du pluriel. Nous ne voyons qu'à travers ces articulations qui sont notre donnée native. Seulement nous savons que nous sommes nativement dans un monde où règne la falsification : le diabolos, la dispersion de sens. Il y a même un joli texte dans les apocryphes du IIe siècle où il est dit que chaque chose naissait revêtue de son nom, mais que le malin a décollé les noms des choses et les a posées sur d'autres,  d'où est venue toute cette confusion, ce mal-entendu dans lequel spontanément nous vivons. Il n'y a plus de rapport constitutif entre le nom et les choses. Ce même thème a été traité d'une autre manière dans la Bible par rapport aux langues à propos de la génération de la dispersion, c'est le thème de Babel[11].

10Et tout ce qui est mien est tien et tout ce qui est tien est mien Ici, c'est les miens au neutre pluriel, qui se traduit par un singulier neutre en français. – Et j'ai été glorifié en eux. – Voilà une chose très étrange. "J'ai été glorifié" c'est-à-dire reçu en présence et dans mon identité propre. Quand Jésus est reçu ainsi, s'accomplit sa gloire, sa résurrection. "En eux" : la résurrection ne sera pleinement accomplie que précisément lorsque la gloire du Christ sera reçue par chacun.

 11Et voici que je ne suis plus dans le monde, mais eux sont dans le monde et moi je viens vers toi. » Nous avons dit, à propos de : je demande, je suis, je viens, qu'il n'y a pas de différence entre des verbes qui diraient le sujet (je suis) et des verbes qui diraient l'action (je vais). Il faut apprendre à penser l'être christique. Aller vers le Père, c'est l'être christique.

 

Nous avons parcouru un peu rapidement ces quelques versets. Néanmoins cette lecture  permettait de remémorer un certain nombre de choses apparues dans le désordre et qui, ici, consonent  ensemble.

 


[1] La  lecture des versets 1-5 (première partie) est extraite de la suite des rencontres sur la prière (3ème rencontre. Jn 17, 1-5 : la prière de Jésus). La lecture des versets 6-10 (deuxième partie) vient d'une rencontre sur le "Je christique", les versets 1-5 ayant d'abord été lu de façon très rapide.

[2] Ceci est plus longuement traité dans les messages du tag gnose valentinienne.

[3] Ce paragraphe et les suivants développent la pensée gnostique valentinienne. Voir le message sur "la gnose valentinienne" et aussi "l'arbre généalogique de la gnose chrétienne" dans le tag "gnostique" du blog..

[9] Sur le rapport entre semence et volonté chez Jean cf Caché/dévoilé, semence/fruit, sperma/corps, volonté/œuvre....

[11] Cf. Rm 1, 18-32 : L'entrée du péché dans le monde ; la colère de Dieu : les trois péchés correspondent aux trois premières générations (§ "Les trois inversions" fin du I, 3).

 

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