Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
La christité
La christité
  • Ce blog contient les conférences et sessions animées par Jean-Marie Martin. Prêtre, théologien et philosophe, il connaît en profondeur les œuvres de saint Jean, de saint Paul et des gnostiques chrétiens du IIe siècle qu’il a passé sa vie à méditer.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 1 094 393
Archives
30 novembre 2014

Lecture gnostique de la Samaritaine (Jn 4, 4-24) suivie des fragments d'Héracléon cités par Origène

Le deuxième siècle lisait le récit de la Samaritaine d'une manière qui ne nous est accessible que par des fragments du commentaire d'Héracléon cités par Origène dans son Commentaire de saint Jean

Jean-Marie Martin a fait un cours à l'Institut Catholique de Paris en 1974-75. Un des chapitres s'intitulait « Le deuxième siècle lit saint Jean » Voici l'introduction et le premier des quatre textes étudiés [1].Toutes les notes ont été ajoutées. Une lecture du texte figure dans La rencontre avec la Samaritaine, Jn 4, 3-42, texte de base. Le texte d'Origène n'a été édité par les Sources chrétiennes qu'après ce cours et J-M Martin n'a pas fait de citation. Les fragments du commentaire d'Héracléon ont été ajoutés en deuxième partie.

Il y a aussi des extraits de trois livres : « Introduction à la théologie des IIe et IIIe siècles » d'Antonio Orbe ; LA GNOSE VALENTINIENNE et le témoignage de saint Irénée de François Sagnard ; La méthode exégétique d'Héracléon et d'Origène, commentateurs de Jn 4 : Jésus, la Samaritaine et les Samaritains de Jean-Michel Poffet [2].

Pour lire, télécharger, imprimer, c'est ici en fichier pdf : Une_lecture_gnostique_la_Samaritaine

 

 

Lecture gnostique de la Samaritaine (Jn 4, 4-24)

Suivie des fragments d'Héracléon

(Commentaire de st Jean d'Origène)

 

 

Le IIe siècle lit saint Jean

 

Nous puisons aujourd'hui dans les premiers écrivains qui présentent des commentaires de l'Écriture. Les premiers écrivains qui présentent des commentaires suivis d'Écriture commentent saint Jean, et ces écrivains sont en général des gnostiques que la grande Église combattra ensuite. Leurs textes nous sont connus premièrement par des réfutations que les Pères de l'Église proposent contre eux, notamment Théophile d'Antioche, Irénée de Lyon, Hippolyte de Rome, Origène etc. Mais les réfutant, ils sont conduits à en proposer parfois des citations. C'était même la seule source que nous possédions il y a quelques années. Désormais, pour certains de ces textes, nous avons une autre source, la bibliothèque de Nag Hammadi, une bibliothèque gnostique composée d'ouvrages en copte, trouvée en Égypte. Elle est riche et nous fournit des textes originaux de ces auteurs.

La tâche du théologien devant ces faits est double. Premièrement restituer la pensée de ces premiers écrits, ce qui est assez difficile parce que, lorsque nous les avons en entier, ils se présentent sous une forme assez insolite ; et lorsque nous n'en possédions que des traces, il fallait être constamment attentif à prendre garde à l'interprétation déformante que les Pères de l'Église risquaient de leur faire subir dans la réfutation. Enfin il fallait soupçonner la pensée originale sous-jacente à ces écrits, car nous possédons une gnose déjà fortement durcie, scolarisée, gauchie par rapport à ce qui aurait pu être une première mystique chrétienne. Autrement dit la déformation n'est pas seulement le fait des Pères de l'Église, mais sans doute déjà le fait des auteurs dont il nous reste les textes.

Quel est l'intérêt d'une étude de ce genre, ici, maintenant ? Un intérêt double. D'abord cela vous donne un exemple de travail qu'un théologien peut fournir dans sa recherche de l'histoire de la pensée chrétienne, donc un intérêt documentaire. Il faut une très grande familiarité, une très grande exigence, beaucoup de travail pour fréquenter une période aussi lointaine et difficile. Aussi notre projet n'est pas du tout de faire œuvre érudite mais de donner un exemple, une teinture. Le second intérêt réside dans ce que nous avons là les premiers échos de la littérature johannique que nous avons déjà essayé de lire pour notre compte. Et il sera intéressant de voir dans quelle mesure notre lecture se rapporte à celle-là.

Lecture gnostique de la Samaritaine

Pour ce qui concerne le premier texte que nous allons lire maintenant, nous n'avons que des citations. Il s'agit d'un commentaire d'Héracléon sur la Samaritaine (Jn 4). Héracléon est, comme Ptolémée, un disciple de Valentin. Il s'agit d'un des gnostiques chrétiens hétérodoxes les plus éminents. Il a écrit un commentaire de l'évangile de saint Jean, et nous n'en possédons que des traces, que des citations, dans le Commentaire de saint Jean d'Origène[3].

Origène, Père de l'Église du début du IIIe siècle, commentant pour son compte l'évangile de saint Jean, fait mention de ce commentaire d'Héracléon qui est pour nous perdu, le critique éventuellement, et en cite un bon nombre de passages. Malheureusement cela n'est pas d'accès facile parce que, si les Sources chrétiennes ont commencé d'éditer le Commentaire de saint Jean d'Origène dans lequel cela se trouve, elles ne sont pas encore arrivées à l'endroit qui nous intéresse dans leur édition[4]. Nous nous servons donc ici de l'édition de Migne, cet étonnant ecclésiastique du XIXe siècle qui a publié 250 volumes de patristique grecque. Évidemment, ce ne sont pas des éditions très rigoureuses, très critiques, mais cela a rendu de très grands services. Quand vous lirez des ouvrages de théologie un peu poussés, vous verrez souvent PG ou MG, Patrologie Grecque ou Migne Grec ; PL ou ML, Patrologie latine ou Migne Latin, cela renvoie à ces gros ouvrages.

En fait, comment allons-nous procéder ? Les critiques par rapport à ce que dit Héracléon sont assez partielles, nous n'allons donc pas faire une étude purement théorique, critique et érudite de l'intelligence qu'a Héracléon de cet épisode. Nous allons nous en servir comme de quelque chose de suscitant, d'émulateur, autrement dit nous allons prendre ce chapitre 4 en citant au passage les points sur lesquels Héracléon pose l'index, et nous montrerons éventuellement l'ambiguïté de sa position, tout en marquant l'intérêt que nous pouvons en retirer pour une lecture du texte de Jn 4. Vous voyez ce que modestement nous proposons ; autrement, cela nous engagerait dans une technicité beaucoup trop grande.

 

1°) L'eau de la Samaritaine et l'eau de Jésus (v. 4-15).

« 4Il fallait qu'il passe à travers la Samarie. » Pour Héracléon, la Samarie c'est notre monde mêlé. La Samaritaine, elle, ce sera, nous dirions pour notre propre compte, chacun d'entre nous, et Héracléon dirait "le pneumatique (le spirituel) qui est dans ce monde". Et ce qui nous intéresse ici d'entrée, c'est que déjà un certain présupposé est mis en œuvre, à savoir que ce texte n'est pas lu comme un épisode de jadis, mais comme quelque chose qui m'advient, qui m'est adressé : la parole vient dans ma Samarie.

Jésus et la Samaritaine au puits, évangile de Géorgie, XIIe s«5Il vient donc vers une ville de Samarie appelée Sichar, près du champ que Jacob a donné à Joseph son fils. 6Il y avait là la source de Jacob. Jésus, fatigué par le chemin, s'assit auprès de la source ; il était environ la sixième heure. 7Vint une femme de Samarie pour puiser de l'eau. Jésus lui dit : “Donne-moi à boire.” 8En effet ses disciples étaient allés vers la ville acheter de la nourriture.

9La femme samaritaine lui dit donc : “Comment, toi qui es judéen, me demandes-tu à boire, à moi qui suis une femme de Samarie ?” » C'est la première question sur laquelle le dialogue va s'engager, qui est la différence entre la Judée (Jérusalem) et la Samarie. Nous verrons que ce n'est pas là la question dernière. Cependant la Samaritaine considère Jésus comme culturellement étranger, dirions-nous. C'est ce que saint Jean dit dans une parenthèse : « en effet les Judéens ne fréquentent pas les Samaritains. »

« 10Jésus lui répondit et lui dit : “Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit 'Donne-moi à boire', c'est toi qui lui aurais demandé et il t'aurait donné de l'eau vivante.” » Ici s'engage un dialogue très intéressant, à la mesure où il est apparemment dans le pur contresens : ils parlent de l'eau, mais pas de la même. Ce qui sera en cause, c'est la détection des points d'eau, c'est-à-dire la détection de ce qui parle et a des sources de vie. En fait le dialogue s'engage dans ce que nous serions tentés de considérer comme un contresens. Or, dans tout ce cheminement, la Samaritaine est dans sa recherche. Héracléon met cela en évidence[5] : la recherche (zêtêsis) est une caractéristique du spirituel dans ce monde : il vit en état de recherche. Et nous notons pour nous en passant que cette recherche, qui est déjà d'une certaine façon "avoir trouvé", que cette recherche peut s'effectuer dans ce qui paraît être une parole inentendue et un dialogue apparemment en contresens.

«11Elle lui dit : “Seigneur, tu n'as pas de seau et le puits est profond. D'où as-tu l'eau vivante ? 12Es-tu plus grand que notre père Jacob – c'est une question éminemment johannique, de savoir si le Christ est plus grand que Jacob, qu'Abraham, etc. – qui nous a donné le puits, lui-même en a bu, et ses fils et ses troupeaux.” » La mention de troupeaux ici a servi à Héracléon pour dénoter qu'il s'agissait de la source de la vie matérielle, et donc lui a servi pour justifier son interprétation de la Samarie : c'est la source de la vie quelconque. Nous verrons plus tard que chez les gnostiques cela s'appelle hylique, c'est-à-dire matériel.

«13Jésus lui répondit et lui dit : “Tout homme qui boit de cette eau (la tienne) aura soif à nouveau, 14mais celui qui boit de l'eau que je lui donnerai n'aura plus soif à jamais, mais l'eau que je lui donnerai deviendra en lui source d'eau jaillissant pour la vie éternelle.” » Il y a là une mention d'un autre point d'eau. Et la différence entre l'expérience native de l'alternance entre soif et boisson, par opposition à l'expérience de l'eau permanente, de l'eau indéfectible, est mise en évidence très clairement par Héracléon.

Cependant la Samaritaine continue son contresens : « 15La femme lui dit : “Seigneur, donne-moi de cette eau afin que je n'ai plus soif et que je ne vienne plus puiser ici.” »

 

2) Les hommes (les maris) de la Samaritaine (v. 16-24).

Jésus et la femme samaritaine

Le Christ introduit ensuite un autre élément. « 16Il lui dit : “Va, appelle ton mari et viens ici.” » C'est ici que l'interprétation d'Héracléon est extrêmement caractéristique. Elle se réfère à cette idée, tout à fait gnostique, que les spirituels dans ce monde sont un élément brisé de couple dont l'élément mâle se trouve conservé dans le lieu de la plénitude, dans le Plérôme, et c'est cet élément complémentaire ou accomplissant de l'homme qui est visé ici. Cet élément mâle est appelé parfois logos (logoi au pluriel) : chacun a son logos, c'est-à-dire la parole parlante ; c'est aussi son nom qui n'est pas encore prononcé ; c'est aussi son angelos, que l'on traduit par ange (envoyé). C'est pour cela qu'Héracléon dit que le Logos vient plein de logoi, qu'il est l'Ange du grand Conseil c'est-à-dire l'Ange de la délibération, étant la plénitude de ce qui est l'élément accomplissant de chacun.

Ici nous faisons un gros effort de traduction par rapport au langage technique, mais il importe de faire cet effort, parce que très facilement on réduit cela à des imageries absolument inconsistantes.

Il y a des choses extrêmement fortes au niveau du couple (qui s'appelle ici syzygie). Cette notion de couple nous allons la retrouver, elle est ici impliquée. Évidemment cela donne un tour et un sens très particulier : il s'agit de faire prendre conscience à la Samaritaine qu'elle n'a pas sa part accomplissante, qu'elle n'a pas son homme (anêr).

« 17La femme répondit et dit : “Je n'ai pas d'homme.” » Notez bien que la signification du masculin/féminin, qui est impliquée par tout cela, n'est pas tirée de cet épisode. C'est un lieu de réflexion beaucoup plus générale, elle trouve son point d'application dans la lecture qu'Héracléon propose.

 « Jésus lui dit : “Tu dis bien que tu n'as pas d'homme, 18car tu as eu cinq hommes et celui que tu as maintenant n'est pas ton homme ; en cela tu dis vrai.” » Ici ce qui est marqué, c'est la dispersion et la multiplicité des compléments qui ne sont pas l'accomplissement dernier de cette femme, de cette âme si vous voulez, tant qu'elle est dans le lieu de la Samarie, le lieu de ce monde. Ce qui est assez curieux du reste, c'est que chez saint Jean, il y a cinq hommes, et que dans le texte d'Héracléon, de façon tout à fait explicite, il y a six hommes ; on n'a pas d'autre attestation de cette différence de chiffres dans les manuscrits, aussi pensons-nous que c'est à partir de la symbolique du six comme nombre de l'inachèvement – parce que le six va se compléter par le sept – c'est à partir de là très probablement que la modification du texte est intervenue, nous l'imaginons.

Ici par ailleurs, nous dirions de notre part que nous avons un moment très significatif de lecture johannique, puisque, à partir de là : « 19 La femme lui dit : "Seigneur je constate que tu es prophète. ». Que s'est-il donc passé ? Ce que nous appelons la lecture du cœur, c'est-à-dire la présence de la parole au cœur : «Il n'avait pas besoin que quelqu'un témoignât sur l'homme (anthrôpou), car lui connaissait (de toujours il a déjà connu) ce qu'il y a dans l'homme.» (Jn 2, 25), et c'est cela que la Samaritaine appelle être prophète.

 

3°) Les trois régions (v. 20-24).

Jésus rencontre la Samaritaine, www conventofsaintelizabeth

Cependant ce prophète, elle l'entend comme un prophète de la Judée, car la conversation s'engage sur le rapport entre Jérusalem et la Samarie : « 20Nos pères ont adoré sur cette montagne – il s'agit du mont Garizim qui se trouve près de Sichar – et vous (Judéens) vous dites que c'est à Jérusalem le lieu où il faut adorer. » Il y a cette montagne et le mont de Jérusalem, avec toute la symbolique des rapports de la montagne et de l'eau qui se retrouve dans les deux cas.

« 21Jésus lui dit : “Crois-moi, femme, vient l'heure où ni sur cette montagne ni à Jérusalem vous adorerez le Père. 22Vous adorez ce que vous, (Samaritains), ne savez pas ; nous, nous adorons ce que nous savons, car le salut vient des Judéens.” » En effet Jésus vient de Judée. Mais ce qui était en cause dans cette différence du territoire n'est pas véritablement ce qui est en cause dans la parole de Jésus.

« 23Mais vient l'heure, c'est maintenant, que les véritables adorateurs adoreront le Père en pneuma et vérité (en pneumati kai alêthéia), car le Père cherche de tels adorateurs. 24Dieu est pneuma et il faut que ceux qui l'adorent, en pneuma et vérité. » Voilà la détection d'une troisième région, la région du pneuma, dont nous savons qu'il est également source d'eau, et source d'eau issue du roc, en référence du reste avec la symbolique du temple[6].

C'est à ce moment-là qu'Héracléon marque ce qui caractérise le pneuma. Nous avons la détection d'une troisième région, dirions-nous. Et ce qui est très intéressant, c'est que préexistait dans l'esprit d'Héracléon un certain schéma de lecture qui est le schéma fondamental des gnostiques, à savoir qu'il y a :

  • le monde pneumatique, qu'ils appellent le Plérôme, l'accomplissement ou la plénitude ; et c'est dans ce Plérôme qu'est retenu l'aspect accomplissant ou mâle de l'âme samaritaine.
  • ce que les gnostiques considèrent comme le monde intermédiaire, le monde psychique, animé d'une certaine source qui n'est pas la source ultime du pneuma, et qu'ils interprètent du monde juif ;
  • enfin le monde hylique ou matériel dont nous avons déjà parlé.

Voici cela sous forme de schéma[7] :

Schéma des gnostiques valentiniens

 

On retrouve ici une caractéristique hétérodoxe des gnostiques chrétiens du IIe siècle, à savoir qu'il y a trois racines, trois sources, trois substances (trois ousies), trois natures (phusoïs), qui sont le pneumatique, le psychique et l'hylique ; c'est-à-dire le spirituel, l'animé et le matériel[8]. Et c'est ici qu'interviendra constamment une certaine critique d'Origène.

Nous avons déjà nous-mêmes reconnu que distinguer la région du refus et la région de l'accueil, était quelque chose d'essentiellement johannique : en tout homme il y a la semence du diable (qui correspond à la région du refus), et la semence du Père. Nous retrouvons quelque chose de ce genre. Cependant ici, c'est entendu comme désignant des groupements de personnes, des catégories d'hommes, et cela sera constamment réfuté et refusé par les pères de l'Église : il n'y a pas de gens hyliques perdus par avance de façon décisive[9].

Notez bien que la Samaritaine est une pneumatique dans le monde hylique, que la parole ou le Sauveur vient chercher, compléter et achever, etc. Ce thème est repris à propos de Madeleine errante et cherchant le tombeau, à propos de la Samaritaine, à propos de tous les éléments. Il y a donc une sorte de schème préalable qui préexiste.

Nous avons donc montré le caractère scolarisé de l'énumération des trois racines qui est fortement réfutée par les pères de l'Église. Cependant nous avons retenu qu'à l'origine il y a quelque chose, cette notion de régions, de lieux, qui peut être grandement profitable pour l'intelligence d'un texte comme celui de la Samaritaine, et donc de saint Jean en général.

Le Plérôme, l'Ogdoade et le vide (le mauvais vide).

Vous pouvez retenir de cela les trois régions : le Plérôme ; ce que les gnostiques appellent ici l'Ogdoade ; et le lieu de la vacuité (du vide). Donc le plein, le vide, et le lieu intermédiaire de l'Ogdoade, c'est-à-dire du huit. Le vide est caractérisé maintenant par le sept dans le monde gnostique à la mesure où se superpose une mystique du huitième jour (celle du dimanche) qui se substitue à l'ancienne mystique du septénaire qui est une mystique juive. Il y a ici un glissement dans la symbolique des nombres qui est extrêmement caractéristique.

La critique d'Origène porte de toujours sur cette notion de différentes "ousies", et plus particulièrement sur la dépréciation du monde juif qui est impliquée par cette lecture. En effet les gnostiques auront pour caractéristique de considérer que le Démiurge (le Créateur de ce monde)[10] est d'essence psychique, et est autre que le Père de notre Seigneur Jésus Christ qui, lui, est d'essence pneumatique. Pour parler du passage de la réalité juive à la réalité chrétienne, il y aura beaucoup de bavures et beaucoup d'approximations. Ici nous sommes dans un des lieux de la plus extrême distance prise.

Il est intéressant de voir les Pères de l'Église, comme les gnostiques au cours du IIe siècle, dire dans quelle mesure l'Ancien Testament est aboli, mais aussi dans quelle mesure il est déjà quelque chose de positif. Il y a différents degrés d'appréciation. Le monde gnostique en général sera sévère à l'égard de la lecture juive, probablement la lecture extrêmement banalisée de la Bible juive. Les gnostiques chrétiens, du type de Valentin, essayent d'occuper une position médiane, en ce que le monde figuré ici par la Judée, c'est-à-dire la révélation juive, n'est pas assimilé à la Samarie ; cependant la révélation juive n'est pas assimilée non plus à la révélation dernière en Jésus-Christ. C'est un des points sur lesquels saint Irénée surtout combattra le gnosticisme en marquant l'identité du Démiurge (du Créateur) et du Père de notre Seigneur Jésus Christ. C'est vrai, mais ça aura cependant pour conséquence malheureuse de poser la mention de Dieu premièrement en référence à la création, et à une certaine compréhension de la création. Et là, désormais, il y a tout un mouvement de la pensée occidentale qui est enclenché. Car le mot Dieu aujourd'hui, même dans le banal, renvoie immédiatement à « celui qui a fait tout ça ».

Cette lecture pourrait donner lieu à bien des réflexions ! Nous avons souvent été conduits à dire ici que la lecture devait se garder de projeter un schème dans le texte qui est lu. À première vue, nous pourrions penser que c'est ce que fait Héracléon, puisqu'il a déjà sa théorie des trois mondes, déjà son interprétation de l'homme et de la femme (ou plutôt : du masculin et du féminin), quand il aborde le thème de la Samaritaine. En réalité nous ne pensons pas qu'Héracléon tombe sous cette critique parce que, autre chose est d'injecter au texte des préoccupations banales du genre de celles que nous pourrions injecter, et autre chose est d'avoir reçu une tradition de lecture, un schème référentiel.

Nous trouverions quelque chose d'un peu semblable dans la lecture de la kabbale, où la lecture se fait par référence à l'arbre séphirothique : il y a un arbre premier qui détermine différentes mesures, et devant un texte, l'important est de savoir à quoi se réfère tel mot. Et à l'arbre correspond du reste une sorte de précompréhension du corps, si bien que la lecture devient ainsi une sorte d'incorporation, ce qui nous conduit à tout autre chose que ce que nous appelons la lecture aujourd'hui.

 

Extraits du commentaire d'Héracléon sur la Samaritaine

 

Voici des extraits du livre XIII du Commentaire sur saint Jean d'Origène, texte traduit par Cécile Blanc (Sources chrétiennes n° 222) avec l'original grec. Le texte qui figure ici est un peu différent. La numérotation des fragments est celle de Brooke.

 

1) Fragment 17 (Jn 4, 13-15). La différence des deux vies, des deux eaux.

« X. 57 Voyez aussi les affirmations d'Héracléon (…) : cette vie, ainsi que la gloire qu'elle comportait, était languissante, éphémère, défaillante, car elle était du monde, dit-il ; et il pense apporter une preuve de ce qu'elle était du monde dans le fait que les bêtes de Jacob en burent. (…) 59 L'eau que donne le Sauveur[11] provient, dit-il, du Pneuma (de l'Esprit) et de sa puissance ; en cela il ne ment pas. 60.Quant à ces mots : « Il n'aura pas soif dans le siècle à venir » il les explique en ces termes mêmes : « Sa vie (zoê) est éternelle (aïonios) et elle ne se corrompt jamais, comme (c'était le cas pour) la première, celle du puits, mais elle subsiste ; car la grâce et le don de notre Sauveur ne peuvent être enlevés, ils ne se perdent ni ne se corrompent chez celui qui y participe. »

Critique d'Origène. 61Si, en enseignant que la première vie se corrompt, il avait parlé de la vie selon la lettre, cherché et trouvé celle qui est selon l'Esprit et qui survient une fois le voile enlevé, il aurait parlé sainement ; si, au contraire, il accusait de corruption absolument tout ce qui est ancien, il est clair qu'il le fait parce qu'il ne voit pas que ces biens-là possèdent l'ombre des biens à venir.

62.Il a interprété l'(eau) rebondissant d'une manière qui n'est pas sans vraisemblance : ceux qui participent au don largement accordé d'en haut font rejaillir à leur tour pour la vie éternelle des autres les dons qui leur ont été accordés.

63 Mais il loue aussi la Samaritaine d'avoir accueilli la foi sans hésitation, comme il convenait à sa nature, car elle n'a pas hésité en face des paroles qui lui étaient dites.

Critique d'Origène. 64S'il avait approuvé l'option de la femme, sans rien faire entendre au sujet d'une nature supérieure, nous lui aurions, nous aussi, donné notre assentiment ; mais il attribue la cause de son assentiment à sa constitution naturelle, comme si tous n'avaient pas une telle constitution, son logos (son enseignement) doit être réfuté.

65Je ne sais comment Héracléon déduit du texte « Donne-moi cette eau » ce qui n'est pas écrit, pour déclarer à son propos que la femme, bouleversée en un instant par le Logos, se prit à haïr désormais le lieu même où elle disait trouver de l'eau vive.

66En outre, après « Donne-moi cette eau, pour que je n'aie plus soif et que je ne passe plus ici pour puiser » il ajoute : « La femme, en disant cela, montre combien cette eau, cause de fatigue, était difficile à obtenir et incapable de nourrir. »

 

2) Fragment 18 (Jn 4, 16-18) Les maris.

XI. 67.De plus, au sujet du verset « Il lui dit : ("Va" et la suite) », Héracléon affirme : Il est clair qu'il veut dire à peu près ceci : « Si tu veux recevoir de cette eau, va, appelle ton mari », et il pense que celui que le Sauveur appelle le mari de la Samaritaine, c'est son plérôme [son conjoint du Plérôme], de sorte que, en venant avec lui auprès du Sauveur, elle pourra en recevoir la dunamis (force), unité, et mélange (anakrasis) avec son plérôme ; car, dit-il, il ne lui disait pas d'appeler un mari de ce monde, puisqu'il n'ignorait pas qu'elle n'avait pas de mari légitime.

Critique d'Origène. 68.Héracléon fait ici ouvertement violence au texte, en prétendant que le Sauveur lui dit « Appelle ton mari et revient ici », en entendant par là son conjoint (suzugé) du Plérôme : s'il en était ainsi, il aurait dû lui désigner son mari et la manière de l'appeler, afin de venir avec lui auprès du Sauveur. 69.Mais puisque, au dire d'Héracléon, elle ne connaissait pas son propre mari, au sens spirituel et que, au sens le plus simple, elle avait honte d'avouer qu'elle avait un amant et non un mari, comment ne serait-il pas vain de lui donner cet ordre : « Va, appelle ton mari et reviens ici. »

70Puis,au sujet de ces mots « Tu as dit vrai, car tu n'as pas de mari », il dit : « car la Samaritaine n'avait pas de mari dans le monde ; son mari était, en effet, dans l'Éon. »

71Pour nous, nous avons certainement lu : « Tu as eu cinq maris », tandis que nous trouvons chez Héracléon : « Tu as eu six maris. » 72.Et il entend, par ces six maris, l'ensemble du mal hylique (matériel) qui est manifesté, ce mal auquel elle s'était mêlée et dont elle s'était approché en se prostituant en dehors du logos (para logon)[12], en étant outragée, rejetée et abandonnée par eux[13]. 73.Il faut lui répondre que si la pneumatique s'est prostituée, la pneumatique a péché, et si la pneumatique a péché, la pneumatique n'était pas un bon arbre, car, d'après l'évangile, « un bon arbre ne peut pas porter de mauvais fruits ».

 

3) Fragment 19 (Jn 4, 19-20).

XV. 91 Au sujet de ce texte, Héracléon affirme que la Samaritaine a reconnu avec dignité la vérité des paroles que Jésus lui adressait ; car, dit-il, il appartient seulement à un prophète de tout savoir ; il se trompe doublement : les anges, en effet, peuvent savoir ce genre de choses, d'autre part, le prophète ne sait pas tout, « car nous connaissons en partie et nous prophétisons en partie » quand bien même nous prophétisons et nous connaissons.

92 Après cela il loue la Samaritaine d'avoir agi conformément à sa nature, de n'avoir ni menti ni avoué ouvertement son indignité. Il dit que, persuadée qu'il est prophète, elle l'interroge sur la cause de sa prostitution, à savoir que, par ignorance de Dieu et du culte dû à Dieu, elle négligeait tout ce qui aurait été nécessaire à sa vie et recevait toujours en vain les biens de cette vie. (Sinon) dit-elle, elle ne serait pas venue au puits qui se trouvait en dehors de la ville. (…) 94.À cela il ajoute que, désirant apprendre à qui plaire et quel Dieu adorer pour être délivrée de sa prostitution, elle dit : « Nos pères ont adoré sur cette montagne », etc.

 

4) Fragment 20 (Jn 4, 21). Les trois régions.

XVI. 95 Après avoir paru faire à ce sujet une remarque tout à fait vraisemblable, à savoir que, pour ce qui précédait, il (Jésus) ne lui avait pas été dit : « Crois-moi femme » tandis qu'à présent elle reçoit cette injonction, Héracléon a ensuite obscurci sa remarque, qui n'était pas invraisemblable, en disant que la montagne représentait le diable ou son cosmos (son monde) – puisque le diable fait partie de toute la matière, et que son cosmos est la montagne du mal dans sa totalité, un désert, repaire de bêtes sauvages, qu'adoraient tous ceux d'avant la Loi [de Moïse] et les païens, en disant aussi que Jérusalem représentait la création ou le Créateur adoré par les Juifs. 96.Mais il a également envisagé une seconde opinion, selon laquelle la montagne était la création qu'adoraient les païens, et Jérusalem, le Créateur à qui les Juifs rendaient un culte. 97.“Mais vous, dit-il, en tant que pneumatiques, vous n'adorerez ni la création, ni le Démiurge, mais le Père de la vérité”, et, selon ses dires, le Sauveur accueille la Samaritaine parce qu'elle est désormais croyante et comptée au nombre des adorateurs selon la vérité.

 

5) Fragment  21 (Jn 4, 21).

XVII. 102 Vois si Héracléon n'a pas expliqué le mot « vous » par « les juifs et les païens » en suivant une interprétation personnelle, en opposition avec le contexte. (…)

104 Mais il serait trop long de citer maintenant les affirmations d'Héracléon, tirées de l'ouvrage intitulé Le kérygme de Pierre, et de s'y arrêter pour examiner si ce livre est authentique, apocryphe ou intermédiaire ; c'est pourquoi, remettant cela délibérément à plus tard, nous nous bornons à remarquer que ce livre rapporte, comme provenant de l'enseignement de Pierre, qu'il ne faut ni adorer comme les Grecs, qui accordent créance à des objets matériels et rendent un culte à des morceaux de bois et à des pierres, ni révérer la divinité à la manière des Juifs, puisque, eux qui croient être seuls à connaître Dieu, ils l'ignorent, rendant un culte aux anges, au mois et à la lune.

106.… Je ne sais comment, alors que le Sauveur déclare ouvertement que le salut vient des Juifs, les hétérodoxes renient le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, les pères des Juifs.

 

6) Fragment  22 (Jn 4, 22-23a). Païens, juifs et vrais adorateurs.

XIX. 114Cependant, le (pronom "nous" de) « nous adorons » désigne, selon l'avis d'Héracléon, celui qui est dans l'Éon (c'est-à-dire le Plérôme) et ceux qui l'accompagnent[14] : car eux, dit-il, savaient celui qu'ils adoraient, car ils adoraient selon la vérité. 115.Quant à l'affirmation « Le salut vient des Juifs » (v. 22) c'est, prétend-il, parce que Jésus est né en Judée et non en eux – car il ne s'est pas complu en eux tous – et parce que de ce peuple-là le Salut et le Logos sont sortis sur toute la terre[15]. Il explique que, au sens pneumatique, le salut vient des Juifs, parce qu'ils sont considérés comme des images de ceux qui sont dans le Plérôme même. (…).

117 En outre, voulant expliquer la formule « adorer Dieu en esprit et en vérité », il dit que les adorateurs précédents adoraient dans la chair et dans l'erreur celui[16] qui n'était pas le Père, si bien que, d'après lui, tous les adorateurs du Démiurge ont été dans l'erreur. 118.Héracléon ajoute qu'ils adoraient la création, mais non le Créateur selon la vérité qui est le Christ, puisque « tout fut par lui et sans lui rien ne fut. »[17] (Jn 1, 3).

« Pour Héracléon « les païens, qui étaient idolâtres, adoraient l'œuvre du Démiurge. Les juifs, quant à eux, croyaient adorer Dieu, alors qu'ils n'adoraient qu'une de ses créatures, un archonte psychique dont la Sagesse du Christ (Sophia) s'était servi pour fabriquer la matière et former ce monde, puis pour façonner l'homme matériel. Les vrais adorateurs en esprit et vérité sont les gnostiques, hommes spirituels qui, après l'illumination, s'associent à l'économie du Sauveur, le Christ, et des anges, ses coadjuteurs, et, comme eux, ils adorent le seul vrai Dieu, le Père, en esprit et vérité. » (A. Orbe p.  693).

Rappelons que pour J-M Martin c'est en tout homme qu'il y a du hylique, du psychique et du pneumatique (du spirituel), ce ne sont pas des catégories d'hommes différentes.

 

7) Fragment 23 (Jn 4, 23b). La recherche.

XX. 120 Héracléon dit que cet élément parent du Père s'était perdu dans la profondeur de la matière (hulé) d'erreur, et c'est cela qui devient objet de recherche (huper zétéïtaï) pour que le Père soit adoré par ceux qui lui sont parents. 121.S'il avait en vue le récit de la perte de la brebis (…) nous aurions sans doute accepté son explication, mais puisqu'ils enseignent la perte de la nature pneumatique, les tenants de son opinion…

 

8) Fragment 24 (Jn 4, 24). Selon la chair / selon le Pneuma.

XXV. 147. Au sujet de l'affirmation « Dieu est pneuma (esprit) », Héracléon déclare : “En effet, sa nature divine est immaculée, pure et invisible. 148.(…) Et, pensant rendre claire la phrase « Il faut que ses adorateurs l'adorent en pneuma et en vérité », il dit : « (il faut qu'ils adorent) d'une manière digne de celui qui est adoré, donc pneumatiquement et non charnellement ; car étant de même nature que le Père, ils sont eux-mêmes pneuma, eux qui adorent selon la vérité et non selon l'erreur comme l'enseigne l'Apôtre, qui appelle une telle piété un "culte pneumatique" (Cf Rm 12, 1). » (…)

Critique d'Origène. 149 Examinons s'il n'est pas de la pire impiété de prétendre consubstantiels à la nature inengendrée et pleinement bienheureuse, (les hommes) qui adorent Dieu en esprit et dont Héracléon vient d'affirmer qu'ils sont tombés, puisqu'il dit que la Samaritaine qui est de nature pneumatique s'est prostituée.

 

9) Fragment 25 (Jn 4, 25). La Samaritaine est l'Ekklêsia.

XXVII. 164 On voit aussi les affirmations d'Héracléon : il dit que l'Ekklêsia[18] attendait le Christ et qu'elle était persuadée à son sujet que lui est seul connaît la totalité.

 

10) Fragment 26 (Jn 4, 26-27). Question de temps.

XXVIII.172. À propos de ces mots « c'est moi qui te parle » Héracléon affirme que, comme la Samaritaine était persuadée au sujet du Christ qu'une fois venu il lui annoncerait tout, il dit : “Sache que celui que tu attends, c'est moi qui te parle". Et, c'est, affirme-t-il encore, lorsque Jésus est reconnu qu'il était celui dont on attendait la venue, que s'approchèrent de lui ses disciples, pour qui il était venu en Samarie. Mais comment est-il venu en Samarie pour ses disciples, alors qu'il demeurait déjà auparavant auprès de lui ?

 

11) Fragment 27 (Jn 4, 28-30). La cruche.

XXXI. 187Héracléon suppose que la cruche, c'est l'aptitude à recevoir la Vie et la pensée de la puissance émanant du Sauveur ; l'ayant abandonnée auprès de lui, dit-il, c'est-à-dire laissant auprès du Sauveur ce vase dans lequel elle était venue recevoir l'eau vivante, elle est retournée vers le monde annoncer à la klésis (aux appelés que sont les psychiques) la bonne nouvelle de la venue du Christ : c'est en effet par le Pneuma et par l'intermédiaire du Pneuma [des pneumatiques] que la psukhê (l'âme) est conduite au Sauveur. (…)

191 Il a encore expliqué ces mots « ils sortirent de la ville » par « ils sortirent de leur ancienne manière de vivre qui était de ce monde et ils vinrent, dit-il, vers le Sauveur par la foi. »

 

12) Fragments 28-29 (Jn 4, 31). Comparaison.

XXXII. 200 Héracléon dit qu'il voulait lui faire partager (koïnoneïn) ce qu'ils avaient acheté et rapporté de Samarie. Il lui dit pour comparer d'une certaine [manière aux disciples] les cinq vierges folles [mises à la porte] par l'époux[19]. (Texte corrompu, restitué par C Blanc)

Le Fragment 29 n'a que la mention: XXXIV. 225 …. Héracléon n'a rien dit à ce sujet.

 

13) Fragment 30 (Jn 4, 33). Parler selon la chair[20].

XXXV. 226 Même si Héracléon admet que les disciples ont parlé selon la chair, parce qu'ils avaient encore des sentiments trop bas et imitaient la Samaritaine qui disait « Tu n'as rien pour puiser et le puits est profond », il vaut la peine que nous examinions si ce n'est pas en considérant quelque chose de plus disent que les disciples se disent entre eux : « Quelqu'un lui aurait-il apporte à manger ?»

 

14) Fragment 31 (Jn 4, 34). La nourriture de Jésus.

XXXVIII. 247.Héracléon dit que, par ces mots : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé », le Sauveur expliquait à ses disciples que c'était cela qu'il cherchait dans son entretien avec la femme, puisqu'il appelait la volonté de son Père sa nourriture propre : car cette volonté était pour lui aliment, repos et puissance. 248Il disait que la volonté du Père, c'est que des hommes connaissent le Père et soient sauvés, ce qui est l'œuvre propre du Sauveur, envoyé dans ce but en Samarie, c'est-à-dire dans le monde. D'après son interprétation, la nourriture de Jésus, c'est aussi sa discussion avec la Samaritaine. (…)

 

15) Fragment 32 (Jn 4, 35). La moisson.

XLI. 271 (…) Il (Héracléon) dit : « Il (Jésus) parle de la moisson des récoltes, qui aurait encore un délai de quatre mois ; tandis que la moisson dont il parlait  était déjà présente. » Héracléon rapporte, je ne sais comment, la moisson à la psukhê (l'âme) des croyants, en disant : déjà elles (les âmes) sont mûres et prêtes pour la moisson, aptes à être réunies dans un grenier, c'est-à-dire dans le repos grâce à leur foi, celles, du moins, qui sont prêtes, car elles ne le sont pas toutes. En effet les unes, dit-il, étaient déjà prêtes, d'autres sur le point de l'être, d'autres sont (seulement maintenant) sur le point de l'être, d'autres ne sont semées que maintenant.

 

16) Fragments 33-34-35 (Jn 4, 36-37). Semeur et moissonneur ensemble.

XLIV. 294 Héracléon dira, et peut-être aussi un membre de l'église, d'accord avec lui sur cette interprétation, que ces paroles ont un sens analogue à celui de cette affirmation « la moisson est abondante et les ouvriers peu nombreux », car il y a des gens qui, par leur foi, sont prêts pour la moisson et en état d'être déjà rassemblés dans le grenier pour le repos, propres à être sauvés et à recevoir le Logos ; selon Héracléon, grâce à leur constitution et à leur nature.

XLVI. 299 Héracléon pense que cette parole « Le moissonneur reçoit son salaire » provient de ce que le Sauveur, à ce qu'il dit, se désigne lui-même « moissonneur » ; il suppose que le salaire de notre Seigneur, c'est le salut et le rétablissement de ceux qu'il moissonne, car il prend son repos en eux[21]. Quant à l'affirmation « Il recueille du fruit pour la vie éternelle », elle est due, dit-il, au fait que la récolte est fruit de vie éternelle ou que c'est même vie éternelle. (…)

XLIX. 322Voici comment Héracléon a expliqué la parole « pour que le semeur et le moissonneur se réjouissent ensemble » : en effet, dit-il, le semeur se réjouit de semer et de voir déjà certains de ces semences récoltées, car il a le même espoir au sujet des autres ; de même, le moissonneur se réjouit de moissonner ; mais l'un a été premier à semer, l'autre le second à moissonner. 323.En effet, ils ne pouvaient pas commencer tous deux au même moment : car il fallait d'abord semer, puis ensuite moissonner ; cependant, quand le semeur cessera de semer, le moissonneur moissonnera encore ; mais pour le moment, tous deux accomplissant chacun son propre travail, ils se réjouissent ensemble car ils considèrent la perfection des semences comme leur commune joie.

324 .Au sujet de ces mots : « En ceci se vérifie le proverbe : autre le semeur, autre le moissonneur », il dit en outre : le fils de l'homme [= le Christ psychique ou Messie][22] au-dessus du lieu sème [il travaille au service d'une économie supérieure, répandant de manière directe et immédiate dans le monde sensible les germes, membres futurs de l'église spirituelles] ; le Sauveur, qui est lui aussi fils de l'Homme [de Lumière], moissonne [le grain déjà mûr, les hommes parfaits du point de vue gnostique] et envoie comme moissonneurs, chacun vers sa psukhê (son âme) [pour récolter le fruit qu'elle cache], les anges, signifiés par les disciples.

« Pour les Valentiniens[23] « le semeur était de nature différente de celle du moissonneur. Le Messie, le Christ psychique, sème de manière laborieuse, semblable à celle de tous les anges du Démiurge ; c'est un travail extérieurement parallèle à celui, tout aussi laborieux, qui consiste à semer les hommes hyliques et psychiques. Comme le Démiurge, son père, le Messie travaille aveuglément, sous l'impulsion de Sophia, et répand dans le monde toutes sortes de germes, hyliques, psychiques, pneumatiques, sans distinguer les uns des autres. Cela revient au même, pour lui, de disséminer des germes divins (de Sophia), humains (du Démiurge) ou de substance irrationnelle (hyliques).

Celui qui moissonne ne récolte plus de germes, mais des fruits ou hommes venus à maturité. Et il ne récolte plus d'hommes matures, issus de germes hyliques au psychiques, mais des fruits ou hommes divinement parfaits, dotés de la Gnose. Ainsi, c'est le Sauveur, auteur de la Gnose, qui moissonne avec les siens. Le Sauveur s'est servi du Messie et de ses anges pour le travail pénible des semailles (complément de la démiurgie) mais il réserve pour lui-même et les anges spirituels la tâche joyeuse et facile de rassembler dans le grenier du Père les fruits parfaits, les hommes déjà illuminés.

  • Pour son caractère et son travail psychique, le semeur (le Messie et les siens) sera récompensé par un salut sui generis dans l'Ogdoade[24].
  • Le moissonneur (le Sauveur auquel s'associent les hommes spirituels qu'il a récoltés) aura pour récompense la vision du Dieu Esprit, dans le Plérôme.

Autre sera le salaire du semeur, autre celui du moissonneur, conformément à leur nature.

  • Les patriarches et les prophètes de l'Ancien Testament, associés au travail démiurgique (du Messie, fils du Démiurge) des semailles[25], seront récompensés par un salut de second ordre.
  • Les disciples de l'Évangile, associés à la moisson du Sauveur, recevront en récompense un salut supérieur, en communion avec l'Esprit de Dieu.

Ceux qui ont le plus travaillé recevront donc beaucoup moins (un salut de second ordre) que ceux qui n'ont presque rien fait (récompensés par un salut supérieur) en s'associant au travail doux et agréable de la Gnose. » (D'après Antonio Orbe p. 668-669).

 

17) Fragment 36 (Jn 4, 38). Hiver / été.

L. 336 Héracléon dit que ces semences n'ont été semées ni par leur intermédiaire ni par eux – il parle des apôtres –, mais que ceux qui ont peiné dans le labeur, ce sont les anges de l'économie, par qui, comme par des médiateurs, les germes ont été semés et nourris. Quant à la phrase « vous, vous êtes entrés dans leur travail », voici l'explication qu'il en donne : le travail des semeurs et celui des moissonneurs n'est pas le même : les premiers sèment après avoir labouré la terre dans le froid, l'humidité et la fatigue, et pendant tout l'hiver, ils ont le souci de sarcler et d'arracher les broussailles. Les autres, entrant en été dans une récolte toute prête, moissonnent dans la joie.

 

18) Fragment 37 (Jn 4, 39). Multiplicité des psychiques, unité des pneumatiques

LI. 341 Héracléon a interprété les mots « de la ville » par « du monde », et « à cause de la parole de la femme » comme « par l'intermédiaire de l'Ekklêsia pneumatique », il explique le terme de « beaucoup » du fait que nombreux seraient les psychiques, tandis que, d'après lui, cette unique femme, c'est la nature incorruptible, uniforme et unique des élus.

 

19) Fragment 38 (Jn 4, 40-41). Le repos dans les noces.

LII. 349Voici ce qu'Héracléon dit de ce passage : « Il demeura auprès d'eux et non en eux, et pendant deux jours, c'est-à-dire l'éon présent et l'éon à venir, qui est celui des noces, ou bien le temps avant sa passion et le temps après sa passion : après avoir passé ce temps auprès d'eux et en avoir converti par sa propre parole un beaucoup plus grand nombre à se tourner vers la foi, il se sépara d'eux. » (…)

 

20) Fragment 39 (Jn 4, 42).

LIII. 363 Héracléon, interprétant superficiellement la phrase « ce n'est plus sur tes dires que nous croyons », prétend qu'il manque le mot « seuls » (sur tes dires seuls). Puis, au sujet de l'affirmation « nous l'avons entendu nous-mêmes et nous savons que c'est lui le Sauveur du monde », il dit : « C'est d'abord conduits par des hommes que les hommes croient au Sauveur ; puis, lorsqu'ils ont rencontré ses paroles à lui, ce n'est plus à cause du seul témoignage humain qu'ils croient, mais à cause de la vérité elle-même.

 

« On peut voir que la Samaritaine est la Sophia (la Sagesse) de la Grande Notice (cf Adversus Haereses de saint Irénée). « Aucun doute n'est possible : tous les traits correspondent rigoureusement. Elle est la "nature pneumatique" tombée par "ignorance" dans "les profondeurs de la matière d'erreur" et "mêlée de mal". Le Sauveur la délivre, en lui donnant la "formation selon la Gnose". Il se révèle à l'comme le Christ qu'elle attendait. Elle trouve en lui "son conjoint du Plérôme". De lui elle reçoit "la gnose universelle" (Fr 25 et 26), "la vie incorruptible" (Fr 17).

Il y a plus, Sagesse représente tout l'élément pneumatique dont elle est l'origine et le modèle. C'est toute cette nature qui souffre une "passion" et qui "cherche" en elle et par elle le Christ libérateur, purificateur, illuminateur, et, pour tout dire, formateur, le Sauveur, le Logos-Sauveur. C'est ce qui fait que l'initié est intéressé à ce drame : c'est le sien.

Cet élément pneumatique s'appelle encore l'Ekklêsia. La Samaritaine est l'Ekklêsia qui attend le Christ (Fr 25 et 26). Selon la loi de l'exemplarisme inversée, c'est attente et cette union doit se projeter parmi les Éons, où elle a lieu par avance : c'est l'union de Christ et de Ekklêsia dont parle saint Paul. Ainsi s'explique ce trait de doctrine signalée dans la Grande Notice : « Les syzygies qui sont à l'intérieur du Plérôme, Paul les a indiquées par une seule d'entre elles : “Ce mystère est grand : je le dis par rapport au Christ et à l'Ekklêsia” (Ep 5, 32) » (Adv Har I, 8, 4). Toutes les syzygies se ramènent par conséquent à cette union du Christ et d'Ekklêsia (…).

Tous ces fragments nous montrent le rôle central qu'Héracléon assigne à la Samaritaine, en laquelle se résume toute l'histoire du Pneuma. » (D'après F. Sagnard p.502 et 506).



[1] Les trois autres exemples contenus dans le chapitre du cours de J-M Martin sont : l'intelligence des « Je suis » johanniques, en particulier dans les Actes de Jean et indirectement chez saint Justin ; la lecture du Prologue dans la grande Notice et chez Tatien ; quelques pages d'une homélie de l'Évangile de la vérité, un des ouvrages de Nag Hammadi. Voir : Titres du Christ au IIe s. à partir de : La croix de lumière (Actes de Jean) ; un passage du Dialogue avec Tryphon de st Justin   . Par ailleurs des messages du blog (le premier n'est pas sur la gnose) complètent celui-ci : La rencontre avec la Samaritaine, Jn 4, 3-42, texte de base.  ; Gnose valentinienne : Lieux fondamentaux, angélologie, chambre nuptiale. Citations d'Extraits de Théodote.

[2] J-M Martin a été initié à la gnose valentinienne par A. Orbe (1917-2003), jésuite, qu'il a eu comme professeur à l'université grégorienne de Rome quand il y faisait ses études de théologie. Orbe y a été professeur de théologie de 1949 à 1992 et  il n'existe en français qu'un cours de lui : « Introduction à la théologie des IIe et IIIe siècles », Éditions du Cerf, Paris, 2012, 2 vol., 1672 p. Il parle de l'exégèse d'Héracléon p. 668-669 et 692-694.

LA GNOSE VALENTINIENNE de François Sagnard est édité chez Vrin, 1947, cf chapitre XIV "Les fragments d'Héracléon" p. 480-520 ; le livre de Jean-Michel Poffet, a été édité à Fribourg (éditions universitaires 1985). J-M Poffet est très critique vis-à-vis d'Héracléon ce qui n'est pas le cas de F. Sagnard. Ce que dit F. Sagnard est très intéressant, il n'est pas possible de tout citer ici.

[3] Seuls 48 fragments du commentaire d'Héracléon ont été conservés par Origène. Pour ce qui concerne Jn 4, nous n'avons les fragments qu'à partir du v. 13 (fragments 17-39). La numérotation des fragments n'est pas commune à tous les auteurs. Ici c'est la numérotation de Brooke qui a été choisie.

[4] Les Sources chrétiennes avaient déjà fait paraître deux tomes du Commentaire de saint Jean par Origène, et le tome III est paru juste après le cours de J-M Martin : Commentaire sur saint Jean, tome III. Livre XIII, Sources chrétiennes n°222, paru en Octobre 1975 et réédité depuis. Voici la présentation de ce tome III.: « Le livre XIII du « Commentaire » d'Origène est consacré tout entier au chapitre 4 de l'évangile de Jean : l'entretien de Jésus avec la Samaritaine, suivi de la guérison du fils de l'officier royal. En réalité, comme Origène l'indique dans la dédicace de l'ouvrage à son mécène Ambroise, il avait commencé à expliquer ce chapitre dans le tome XII, aujourd'hui perdu, de son commentaire. Or, les limites du rouleau l'avaient conduit à s'interrompre. Il reprend donc son explication avec la réponse de Jésus à la Samaritaine en Jean 4, 13-14 : “Quiconque boit de cette eau aura de nouveau soif..”. »

[5] Cf le fragment 23. J-M Martin aime mettre en évidence le cheminement qui part du trouble, met en recherche etc. Cf dans les transcriptions des soirées sur la Prière, en particulier 4ème rencontre. Jn 14, 1- 14 : Le chemin qui va du trouble à la prière.

[7] Ce schéma est différent de celui qui figure dans les autres documents sur la gnose valentinienne où les trois lieux sont l'Abîme, le Plérôme et le hors Plérôme. Dans l'espace intermédiaire il s'agit d'une Ogdoade, elle est différente de l'Ogdoade du premier schéma  qui comprenait Abîme / Silence ; Monogênes (Arkhê) / Vérité ; Logos / Vie ;  Homme / Ekklêsia. (cf Gnose valentinienne : Lieux fondamentaux, angélologie, chambre nuptiale. Citations d'Extraits de Théodote.). Par exemple la "chambre nuptiale" est dans le Plérôme et "le dehors de la chambre nuptiale" est dans l'Ogdoade du monde psychique (Jean-Baptiste se trouve là).

[9] Nous pensons qu'originellement les valentiniens entendent bien Jean pour lequel il y a bien deux catégories irréductiblement (on ne passe pas de l'une à l'autre), qui ne répartissent pas des individus mais désignent  « cela de pneumatique à quoi tout individu participe, c'est-à-dire la christité qui est en tout individu », et « cela de meurtrier et de mortel qui est aussi en tout individu ». Et pour les premiers valentiniens, encore que ce soit difficile à établir, il importe de trier l'élément pneumatique dans chaque individu. Mais ensuite, parce qu'ils commencent à avoir la conception occidentale de l'individu comme clos, comme atomos, du même coup ils ont une oreille occidentale et ils commencent à comprendre de façon tordue la formule johannique (certains hommes sont à jamais sauvés quoi qu'ils fassent, et d'autres à jamais perdus quoi qu'ils fassent). Donc leur éjection était inévitable. La mention de la troisième catégorie (les psychiques) pourrait être comme une sorte de concession qui aurait été tentée par nos gnostiques pour se réconcilier avec l'Église.

[10] Il s'agit de YHWH tel qu'il figure au début de l'Ancien Testament lors de la création du monde.

[11] J-M Martin insiste pour dire que c'est au terme (v. 42) que la Samaritaine et les gens de la ville reconnaissent la véritable identité de Jésus, sauveur, puisqu'en hébreu Jésus (Yeshoua) signifie YHWH sauve.  À noter que c'est le seul emploi du terme sauveur en saint Jean. Par contre  « Héracléon y recourt 27 fois dans les Fragments, dont 14 fois pour la seule scène de la Samaritaine » (Michel Poffet, p.25). Sauveur est donc un mot important.

[12] « Le mal lui reste donc étranger. Il n'est nullement question pour elle de faute morale (…).Elle est seulement mêlée de mal, voisine de ce mal, en dehors du Logos, mais elle garde intacte sa nature pneumatique, ce qui permet sa recherche, sa purification, sa formation par ce Logos qui viendra la reprendre en lui. C'est pourquoi elle ne dit rien de son mal, conformément à sa nature car elle ne peut le nier (ce serait mentir), mais elle n'a pas non plus à l'avouer, puisqu'il lui reste étranger (cf fragment 19, n° 92). » (F. Sagnard p. 495-496).

[13] On pourra lire le texte de l'Exégèse de l'âme : "L'Exégèse de l'âme", les figures féminines en st Jean.

[14] « Celui qui est dans l'Éon et ceux qui l'accompagnent" désigne techniquement "le Sauveur et les anges spirituels, ses coadjuteurs" » (Antonio Orbe p. 693 note 3).

[15] Ici Héracléon identifie le Salut et le Logos, et donc le Sauveur et le Logos.

[16] « Il s'agit du Démiurge Yahvé » (Antonio Orbe). Pour ce qui concerne la différence Démiurge et Dieu-Père, voir le complément : "La  distinction démiurge – Dieu de NSJC dans la 1ère pensée chrétienne" à la fin de Dieu est "créateur du ciel et de la terre", comment bien entendre ce titre ?.

[17] Ici c'est une citation du Prologue de Jean, et "lui" désigne le Logos, donc Héracléon identifie  le Logos et le Christ. C'est le même qui est Logos, Christ, Sauveur (voir note 13.)

[18] Sur le terme ekklêsia que J-M Martin aime traduire par "humanité convoquée"  voir Différents sens du mot Église (Ekklêsia) chez st Paul et au Concile Vatican II. Qu'est-ce que la "sainte Église catholique" ?. Et il dit souvent que la Samaritaine c'est toute l'humanité qui chemine, cf La rencontre avec la Samaritaine, Jn 4, 3-42.

[19] À propos des disciples « Leur absence au moment décisif, ce désir de communion, et pourtant leur exclusion permettent à Héracléon d'établir un parallélisme entre cet épisode et ce qui est arrivé aux cinq vierges folles de la parabole, elles aussi parties en ville pour acheter de l'huile et, ayant manqué la rencontre avec l'époux, elles aussi exclues de la communion avec lui, au contraire des vierges sages en qui les Valentiniens voyaient naturellement des pneumatiques.» (Michel Poffet p. 77).

[20] Ceci se trouve chez saint Paul.

[21] Extrait de la note 4 de Cécile Blanc (SC), p.195 : « Comme on l'a fait remarquer, ici encore il s'agit de spirituels : il n'y a de rétablissement que pour les spirituels et, surtout, ce n'est qu'en eux que le Sauveur peut prendre son repos, car c'est tout au plus s'il demeure en passant (deux jours) auprès des psychiques (cf n° 349) ». Et F Sagnard fait remarquer p. 492 : une véritable restauration a été accomplie, un rétablissement de l'état primitif de repos. Toute la semence issue du Plérôme pneumatique sera réintégrée dans ce Plérôme. Elle retrouvera le Père que seuls les pneumatiques peuvent "adorer en esprit et en vérité". »

[22] Les commentaires sont d'Antonio Orbe p. 669 note 1.

[23] Pour comprendre ce commentaire d'Antonio Orbe, il faut connaître l'histoire de la gnose valentinienne. Lire l'autre citation à la fin du fragment 22, et par exemple voir Les malheurs de Sophie la Sagesse. Extraits de la Grande Notice d'Irénée.

[24] Voir le schéma de J-M Martin dans la première partie.

[25] Ceci se trouve chez saint Irénée : « Quels sont donc ceux qui ont peiné, ceux qui ont servi les économies de Dieu ? De toute évidence, les patriarches et les prophètes : ils ont préfiguré notre foi et semé sur la terre la venue des fils de Dieu, annonçant qui et quel il serait, afin que les hommes qui viendraient après eux, ayant la crainte de Dieu, accueillent aisément la venue du Christ, instruits qu'ils seraient par les prophètes. » (Adversus Haereses IV, 23. (SC 100 p. 691)

 

Commentaires