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La christité
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  • Ce blog contient les conférences et sessions animées par Jean-Marie Martin. Prêtre, théologien et philosophe, il connaît en profondeur les œuvres de saint Jean, de saint Paul et des gnostiques chrétiens du IIe siècle qu’il a passé sa vie à méditer.
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9 septembre 2014

Jn 3, 13-17. L'exaltation sur la croix référée au serpent d'airain ; le salut de l'homme

Dans ce texte saint Jean fait une lecture de l'Ancien Testament. Quelle est la symbolique sous-jacente mise en œuvre dans les expressions du texte (monter-descendre, Fils de l'homme élevé, juger le monde…) ? En quoi ceci concerne-t-il ce que nous appelons la résurrection et comment entendre ce terme ; et qu'est-ce que l'Évangile ?

D'autres messages complètent celui-ci : Symboliques et fonctions de la croix. Le signe de croix. Iconographie (Orants, croix glorieuses…) ;   Jn 3, 12-18. Jugement et salut. Symbolique de la croix en jeu dans ce texte en référence à l'A. T.   ; Jn 3, 14-21. Le serpent d'airain. Jugement et sauvegarde. Où l'axe du jugement passe-t-il ?.

 

L'exaltation sur la croix et le salut de l'homme

Jn 3, 13-17

 

Croix avec serpent d'airain, Giovanni Fantoni, mont Nebo, Jordanie

« 13 Nul n'est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'Homme. 14 Comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, ainsi il faut que soit élevé le Fils de l'Homme 15pour que quiconque croit en lui ait vie éternelle 16Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son Fils Monogène, en sorte que tout homme qui croit en lui ne périsse pas, mais ait vie éternelle 17 Car Dieu n'a pas envoyé son Fils vers le monde pour qu'il juge le monde, mais pour que par lui le monde soit sauf.»

 

1°) Le verset 13. Monter/descendre ; le Fils de l'homme.

« 13Personne n'est monté au ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'Homme. » .

a) Monter-descendre.

Voilà monter-descendre et avec quasiment la même formule que chez saint Paul dans l'épître aux Éphésiens ­­: « Qui est celui qui est monté sinon celui qui est descendu » (Ep 4, 9).

1/ L'expérience de la résurrection.

En réalité l'Évangile est fondé non pas sur un événement historique mais sur une expérience spirituelle, l'expérience spirituelle qui s'accomplit au cœur même de Jésus et qui est donnée à participer aux témoins qui sont ainsi les annonceurs autorisés de la Nouvelle. L'Évangile n'est pas un fait brut, l'Évangile est un événement annoncé, ou l'annonce de l'événement, le mot Évangile signifiant les deux choses. Et c'est cette expérience fondamentale qui est impliquée ici. L'expérience fondamentale est l'expérience de Résurrection, c'est-à-dire que, même en Jésus, la dimension de Résurrection, qu'il a de toujours, est retenue, elle est non patente, elle est latente. Il y a quelques échancrures lors du baptême du Christ, lors de la Transfiguration, mais ce ne sont que des annonces de la révélation plénière qui est la Résurrection du Christ[1]. Et c'est sur la Résurrection du Christ et sur rien d'autre que l'Évangile est fondé dans son propre. Il est selon les Écritures, mais il est attesté par les témoins, et l'Écriture de l'Ancien Testament devient un témoin parmi les témoins. C'est ce qui justifie la présence de Moïse et d'Élie à la Transfiguration, c'est-à-dire "la loi et les prophètes", avec Pierre, Jacques et Jean qui sont les témoins du Nouveau Testament.

L'essentiel de l'Évangile est marqué au chapitre 15 de la Première aux Corinthiens : « Frères, je vous rappelle l'Évangile que j'ai moi-même reçu, que je vous ai transmis, dans lequel vous vous tenez, à savoir que Jésus est mort pour nos péchés selon les Écritures, qu'il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures. » C'est  tout l'Évangile, sans cela l'Évangile est vide, comme il est dit dans le même chapitre. Cela emplit l'Évangile, c'est l'annonce essentielle.

2/ Le langage de la montée et de la descente.

Or la Résurrection est désignée dans le langage de la montée : « monter vers le Père ». Donc ce qui est premier, c'est cette expérience de la montée c'est pourquoi la question a été posée : « mais qui est celui qui est monté sinon celui qui est descendu », car, pour qu'il monte, il a fallu qu'il descendît. La descente est postulée par la figuration comme montée de ce que signifie l'expérience de Résurrection. C'est cela l'élément moteur, porteur, suscitant, de l'écriture évangélique. Tout est à partir de là. Et la notion d'Incarnation qui est dans notre esprit est postérieure à la notion de Résurrection[2].

Et il faut entendre ici que plus il monte et plus il descend. En effet plus il monte vers le Père en quittant sa figure d'un homme parmi les hommes, et plus il vient vers nous comme Pneuma de Résurrection.

3/ L'axe ciel / terre.

« Nul n'est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel. » Il est question ici du ciel et de la terre comme l'indiquait d'ailleurs le verset qui précède notre texte : « Si je vous dis les choses terrestres et que vous ne croyez pas, comment si je vous dis les choses célestes croirez-vous ? »

Ce qui tient le rapport du haut et du bas, du ciel et de la terre, la bi-polarité de toute chose et de tout être, c'est un axe, qui fut figuré sous la figure de l'échelle de Jacob, puis sous la figure du serpent d'airain exalté sur le bois, qui sera figuré par la croix du Christ. Seulement, ce qui est dit de cette axialité, de cette circulation, du rapport ciel-terre, du bon rapport de la bipolarité constitutive de toute chose, c'est très précisément que ça monte et ça descend, et que ça monte du même coup que ça descend.

b) Le Fils de l'homme.

“Sur le Fils de l'homme” : le Fils de l'homme est ainsi le chemin montant et descendant du ciel à la terre. Le “fils de l'homme” ne signifie pas que Jésus est un homme. Il est un homme, mais l'expression ne signifie pas que Jésus est un homme parmi les hommes. Il y a deux choses pour comprendre cette expression ici :

– "fils de l'homme" est une expression qui est prise au prophète Daniel : « Je regardais dans les visions de la nuit, et voici que sur tes nuées vint comme un Fils d’homme (….) Et il lui fut donné domination, gloire et règne, et tous les peuples, nations et langues le servirent. Sa domination est une domination éternelle qui ne passera point, et son règne ne sera jamais détruit. » (Dn 7, 13-14) ;

– "fils de" est une expression qui veut dire "manifestation de", comme le fils est la manifestation de la semence du père. Donc le Fils de l'homme est la manifestation de l'Homme, la manifestation de l'homme primordial qui est aussi la manifestation du Père.

L'expression le Fils de l'homme”dirait plutôt la divinité de Jésus que son humanité : c'est l'Homme qui descend du ciel. Et Homme est une des dénominations de Dieu lui-même, ce qui ne veut pas dire du tout que Dieu a la nature humaine. Il n'est pas un homme parmi les hommes, il est l'Homme. Parmi ses différents titres, Jésus est “Homme” de toute éternité, mais pas un homme. De même qu'il est Parole de toute éternité, il n'est pas une parole, un discours. Il est Logos et il est Homme. Et ce qui vient est le Fils, c'est-à-dire la manifestation de cet aspect de Dieu qui est son humanité.

► Est-ce qu'on peut dire que Dieu est un homme ?

J-M M : Non Dieu n'est pas un homme. Le titre d'Homme est un titre divin comme le titre d'être Parole est un titre éternel du Fils de Dieu : ça ne veut pas dire qu'il est de toute éternité un discours qui s'échange entre les hommes. Vous dites : « Dans l'arkhê (dans le principe) était le Logos (la Parole) ». Ça ne veut pas dire qu'avant la création du monde il y avait du discours au sens où nous discourons, de même ça ne veut pas dire qu'il y avait de l'homme au sens où nous parlons de l'homme.

Ceci n'est pas du tout de notre langage courant, c'est du langage de notre Écriture. N'importe quel exégète vous dira que l'expression fils de l'hommene signifie pas l'incarnation entendue au sens où Jésus deviendrait un homme parmi les hommes. Mais c'est l'expression prophétique qui dit que la qualité d'humanité qui est au cœur de Dieu se manifeste, puisque le fils est la manifestation du père, manifestation de la semence.

c) L'ouverture du ciel à la terre.

Il me semble que l'icône du texte ou peut-être même l'icône de l'icône, c'est-à-dire l'épure du texte devant laquelle il importe de se poser pour entendre le texte dans son lieu, c'est le rapport du ciel et de la terre. Elle est initiale dans un double sens : à la mesure où la Genèse, qui est ressaisie dans l'ensemble de ce texte, pose dans l'arkhê (dans le commencement, au principe) que Dieu fait ciel et terre, et à la mesure où l'initiale de l'Évangile est l'ouverture du ciel et de la terre dans le thème du baptême du Christ, dès le début.

À ce propos, il faut savoir que ciel et terre ne disent pas ce qu'ils disent spontanément chez nous. Il y a un travail à accomplir : si j'ai commencé à dire qu'il fallait nous poser devant cette icône, le travail consiste sans doute à s'assimiler à l'icône de sorte qu'elle ne soit plus devant nous, et que ciel et terre soient en nous. C'est à ce titre qu'une lecture est un événement, qu'une méditation n'est pas un discours sur un texte, mais que le texte a quelque chance de s'incorporer. C'est la méditation proprement dite.

Saint Jean a dénoncé la capacité d'entendre de Nicodème. Il a été dit ensuite d'une façon plus générale : « Vous ne recevez pas notre témoignage » (v. 11). Et cela s'est précisé sous la forme : « Si je vous dis des choses terrestres vous n'entendez pas, comment, si je vous dis des choses célestes, croirez-vous ? » (v. 13). Ce n'est pas la première fois que nous entendons ce genre de choses chez saint Jean, sous une forme un petit peu différente. Il y avait à propos de Nathanaël : « Parce que je t'ai dit que je t'ai vu sous le figuier tu crois. Tu verras des choses plus grandes. » (Jn 1, 50). Les choses plus grandes, c'est la Résurrection, et nous savons précisément que ce sont les choses célestes. En effet ce que signifie céleste se pense à partir de la Résurrection.

Le rapport du ciel et de la terre – c'est essentiellement cela qui est en question – c'est-à-dire le rapport de la Résurrection et du reste, ce rapport-là est marqué de façon axiale. Il l'était à la fin du chapitre 1 : « Amen amen, je vous dis, vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu montant et descendant sur le fils de l'homme. » (Jn 1, 51). Le rapport est étroit avec le texte qui nous occupe maintenant : « Et personne n'est monté vers le ciel sinon celui qui est descendu du ciel, le fils de l'homme. » (v. 13). Autrement dit c'est l'union précisément, l'ouverture mutuelle de ces deux choses, telle que c'est à partir du ciel que s'entend à nouveau ce que signifie la terre. Nous avons tendance à penser que la terre, c'est ce que nous connaissons bien puisque la terre, c'est là où nous sommes. Pas dans ce texte ! Et cette réalité axiale, c'est le Christ ressuscité comme le ciel qui s'ouvre à la terre comme parole qui nous parle, et qui constitue ainsi ciel et terre dans un rapport vif.

Cette union est figurée dans l'épure par l'échelle de Jacob qui est le fils de l'homme, avec les anges qui montent et qui descendent, c'est le même thème qu'ici. C'est ainsi que s'introduit tout naturellement dans le verset 14 le thème du serpent qui est essentiellement un thème d'exaltation, c'est-à-dire de constitution de cette réalité axiale.

 

2°) Versets 14-15. La relecture de l'épisode du serpent d'airain.

 « 14Et comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, ainsi il faut que le Fils de l'Homme soit élevé 15afin que tout homme qui croit en lui ait la vie aiônios (éternelle.) »

a) L'élévation du serpent.

Croix avec serpent d'airain, mont Nebo, détailNous avons ici une autre figuration de l'intervalle entre ciel et terre. Nous avions l'échelle de Jacob à la fin du chapitre 1, et nous avons ici la hampe sur laquelle est posé le serpent d'airain. Jean se réfère ici à un épisode bien connu du livre des Nombres.Cet épisode commence après le murmure des Hébreux sortis d'Égypte. Dieu envoie des serpents brûlants qui mordent, tuent, déciment les Hébreux qui vont s'adresser à Moïse. Moïse a prié Dieu et « Dieu dit à Moïse: “Fais-toi un serpent brûlant, et place-le sur une perche; quiconque aura été mordu, et le regardera, conservera la vie”. Moïse fit un serpent d'airain, et le plaça sur une perche; et quiconque avait été mordu par un serpent, et regardait le serpent d'airain, conservait la vie. » (Nb 21, 8-9). De regarder “le” serpent les guérissait de la morsure "des" serpents : c'est la guérison du même par le même, ce qu'on appelle un symbole apotropaïque. On trouve chez les anciens cette espèce d'homéopathie, c'est-à-dire qu'il y a un lien entre le mal et son remède. Cela fait partie de symboliques profondes, très archaïques, qui sont infiniment dignes d'être méditées.

Dans le livre des Nombres, le serpent est posé sur une" hampe", et il n'est pas dit en hébreu que ce symbole soit en bois, mais dans les traductions en grec, parfois ils traduisent par xylon (bois) et parfois par séméion (signe), deux mots qui sont classiquement employés pour dire la croix car stauros c'est la croix comme pieu et c’est le bois.

Les textes du Nouveau Testament sont écrits dans une mémoire des mots de l'Ancien Testament. Celui-ci est lu, relu et médité, supposé implicitement connu, allusion y est faite de façon plus ou moins explicite ou plus ou moins sourde. C'est ce à partir de quoi s'articule la pensée des textes du Nouveau Testament. Ça suppose de notre part un long apprentissage pour y entrer, pour apercevoir des choses qui pourraient paraître inaperçues, et qui donnent au fond l'unité et le sens profond de ce qui constitue la cohérence de ces textes.

Or les premiers chrétiens ont puisé dans l'Ancien Testament des listes d'épisodes ou de fragments groupés autour d'un même thème symbolique. Vous avez un groupement de choses qui ont trait à la pierre, au roc, au rocher ; ou qui ont trait à l'eau ; ou des choses qui ont trait au bois. Le bois, ça conduit au bois de la croix qui est donc le signe de l'intervalle ciel-terre, monter-descendre, être exalté.

b) L'élévation du Fils de l'homme.

Le mot exalté, élevé (hypsosen) est un mot qui, dans un premier sens, est dit plutôt de la Résurrection, mais saint Jean l'emploie en même temps de la crucifixion. C'est-à-dire que le bois de la croix, ou l'arbre axial de la croix, l'axe ciel-terre, est appelé suivant les versions lignum ou signum (bois ou signe).

Ceci donnera lieu ensuite au chapitre 12 de saint Jean : « 34Nous avons appris de notre loi que le Christ demeure pour toujours, comment dis-tu qu'il faut que le Fils de l'Homme soit exalté ? Qui est donc ce Fils de l'Homme ?" 35Jésus leur dit : " Un peu de temps la lumière est avec vous, marchez tant que vous avez la lumière, de peur que la ténèbre ne vous surprenne ; et celui qui marche dans la ténèbre ne sait pas où il va. 36Tant que vous avez la lumière, croyez dans la lumière pour que vous deveniez des fils de lumière" etc. » (Jn 12, 34-36). Nous avons au verset 34 la mention de cette exaltation. Un peu avant, le texte précise qu'il s'agit de l'élévation sur le bois de la croix : « 32 Et moi quand j'aurai été élevé de terre, je les tirerai tous auprès de moi." 33Il disait cela signifiant de quelle mort il devait mourir» (Jn 12). L'exaltation est donc ici entendue simultanément comme l'acte par lequel le Christ réunit la totalité, qui est sa résurrection, et comme l'acte de sa crucifixion[3].

Nous avons donc ici toute une série de trajets, et à chaque fois vous avez remarqué que l'expression "le Fils de l'Homme" est employée par saint Jean. Cette expression est très courante dans les Synoptiques, assez rare chez saint Jean, et c'est toujours dans ces perspectives-là qu'elle est employée. On pourrait se demander si ce n'est pas parce que l'expression "Fils de l'Homme" était dans le recueil de testimonia (de témoignages symboliques recueillis) que Jean puise à ce moment-là l'expression même de "Fils de l'Homme".

c) Voir, croire, entendre... et vivre.

Le texte des Nombres dit « Tout homme ayant été mordu qui le regardera vivra » (Nb 21, 8) et ici : « tout homme qui croit en lui a la vie éternelle » (v. 15). Chez saint Jean et dans le Nouveau Testament en général, le mot le plus courant qui accompagne le verbe croire, c'est entendre : entendre la parole, rester dans l'espace d'écoute, c'est cela vivre de vie éternelle.

Il y a en effet deux façons d'entendre la parole : il y a de l'entendre comme parole et il y a de l'entendre comme loi, et ça c'est la thèse de saint Paul. Or la loi est un rapport de droits et de devoirs, ça se pense comme salaire et comme dette. Or, tant que mon rapport avec la parole la plus essentielle est exclusivement dans le champ de cette exigence, de cette justice qui est notre justice, je ne suis pas dans l'espace d'être sauvé.

L'homme est dans l'espace d'être sauf quand il entend et garde la parole, c'est-à-dire quand, loin de prendre pour soi ce qui est, il reste ouvert à l'Esprit. En revanche toute volonté de prise et de constituer une suffisance de sa prise est ce qui ne laisse pas être en rapport, en relation et en attente par rapport à l'essentiel : dans ce cas la parole n'est pas entendue pour ce qu'elle est. La possession d'un savoir me donne d'être autosuffisant, alors que l'écoute me maintient dans la relation. Or la relation est ce qui me constitue. En effet l'homme est d'autant plus lui-même qu'il est plus à autrui, alors que nous pensons cela plutôt comme une opposition : ou bien nous sommes à nous-mêmes ou bien nous nous occupons des autres. Il faut bien voir ce qu'il en est de l'homme selon l'Évangile.

La foi (le croire) qui est en question dans notre texte, ce n'est donc pas la foi au sens d'opiner à un certain nombre de vérités ou d'affirmations au sujet de Jésus-Christ comme à un homme de l'histoire, mais c'est la foi au sens de "l'entendre", et c'est donc là que se dit la chose la plus universelle par rapport à ce qu'il en est de l'homme.

 

3°) Versets 16-17. Pour le salut de l'homme.

Le texte ajoute : « 16Dieu a tant aimé le monde c'est-à-dire les siens qui sont dans le monde, ce n'est pas le monde au sens négatif ici – qu'il a donné son Fils Monogène (son Fils un) en sorte que tout homme qui croit en lui ne périsse pascomme périssaient les combattants israélites mais ait vie éternelle. ».

“Son Fils un”, c'est très important parce que le “serpent un” n'est pas “un” serpent comme “l'homme un” n'est pas un homme parmi les hommes. On dit que la langue hébraïque n'est pas une langue spéculative. C'est vrai qu'elle ne l'est pas sur le mode sur lequel l'Occident est spéculatif, mais vous avez là une haute spéculation sur la distinction du singulier et du pluriel. « Je suis le pain de vie » (Jn 6, 35) : je ne suis justement pas du pain ni un pain parmi les pains. Il y a un usage du singulier, donc du Monogène, du Fils un – fils au sens “un” et non pas un fils parmi les fils – qui est l'unité unifiante des enfants dispersés. Et les enfants dispersés se manifestent ici comme ceux qui sont soumis aux multiples serpents.

La symbolique du serpent est une symbolique curieuse, elle a même une réputation plutôt négative en général dans le monde biblique, chrétien également. En général le serpent c'est le premier rusé. Seulement le premier rusé est en même temps l'inversion du plus sage, et il en reste une sagesse pervertie. Ici le serpent est donc pris en figure positive (le serpent au singulier).

Vous avez là l'indication d'un principe tout à fait premier dans la lecture des symboles. Les symboles doivent toujours se lire dans un contexte, et tout peut symboliser tout. Seulement pour que ce ne soit pas symboliser rien – parce que symboliser tout, c'est symboliser rien – il faut que cela entre dans un contexte, que cela se détermine dans un contexte.

De culture à culture, les contextes sont différents. Par exemple le dragon, dans l'Apocalypse, c'est la même chose que l'adversaire, le serpent, Satan ; en Extrême-Orient le dragon est quelque chose comme le Logos. Donc de culture à culture.

Mais à l'intérieur d'une même culture, d'un auteur à un autre auteur, la même chose peut être prise en sens différents. C'est pour cela qu'il faut toujours lire le contexte, la contexture, et qu'une parole ne parle que dans sa contexture. De plus chez un même auteur la même chose peut parfois être prise en sens différents, ce qui donne lieu à d'apparentes contradictions. Les apparentes contradictions sont nombreuses dans la Bible, elles sont toujours extrêmement fructueuses et signifiantes. Quand il y a deux phrases qui ont l'air de se contredire, surtout n'essayez pas d'en choisir une au détriment de l'autre. Elles sont vraies à condition de percevoir la compossibilité des deux, chacune étant mise dans son lieu et dans son sens, et c'est cela qui fait avancer la pensée.

 « 17Car Dieu n'a pas envoyé son Fils vers le monde  pour qu'il juge le monde, mais pour que par lui le monde soit sauf. » Vous avez ici une dépréciation du jugement. « Il n'est pas venu pour juger » donc il n'y a pas de jugement. Vous avez plusieurs textes de Jean qui disent que le Christ n'est pas venu pour juger, mais d'autres textes de Jean disent : « Il a été établi juge des vivants et des morts ». C'est contradictoire ? Pas du tout : chaque chose demande à être entendue en son contexte et en son lieu. En quel sens n'y a-t-il pas de jugement ?

Le mot de jugement intervient ici, en raison de la référence à la croix. En effet pour les anciens la croix a deux fonctions : une fonction de fixation (de confirmation) et une fonction de jugement parce qu'elle est en même temps une limite : elle ouvre la différence entre la droite et la gauche avec la symbolique de la droite et de la gauche telle qu'on la connaît.

Le venir christique est mis ici en référence à l'épisode de la guérison de ceux qui étaient mordus par des serpents, il concerne salut au sens fondamental du terme. La fonction première n'est donc pas de juger, même si cela n'exclut pas un discernement.



[1] Le Pneuma de Résurrection est ce que nous désigons par "Esprit Saint". Ce qui est dit ici est commenté plus longuement dans Résurrection et Incarnation

[2] Ceci est traité  de façon assez documentée lors de la session sur le Prologue : Prologue de Jean. Chapitre II : Théophanies et structure du Prologue.

[3] A propos de l'unité de la crucifixion et de l'exaltation voir le texte de saint Paul : Ph 2, 6-11 : Vide et plénitude, kénose et exaltation .

 

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